Mes zéros

Marianne Payot Journaliste

Et mon fils avec moi n’apprendra qu’à pleurer, le  » revolver à six chapitres  » que dégaine Frédéric Roux sur son passé, tape dans le mille

Et mon fils avec moi n’apprendra qu’à pleurer, par Frédéric Roux. Grasset, 302 p.

Il a dégommé son père (Mal de père), il a enterré le socialisme (Ring), il a fait feu sur le monde de l’édition (Contes de la littérature ordinaire) : Frédéric Roux matraque ses sujets et assène ses livres comme des directs à l’estomac. A bientôt 60 ans, c’est avec son passé que l’écrivain de l’uppercut, auteur d’une biographie de Mike Tyson, a envie d’en (re)découdre. Et mon fils avec moi n’apprendra qu’à pleurer met K-O en  » six chapitres comme un revolver à six coups « . On ne peut qu’admirer le carton de ce  » né tué « , re-né des cendres familiales en faisant sienne la tirade d’Agrippine :  » Ne crois pas qu’en mourant je te laisse tranquille.  »

Témoin son géniteur, premier dans sa ligne de mire :  » A peine était-il mort que mon père a continué à nous emmerder.  » L’avantage de faire feu sur un cadavre ? Il est plus facile de viser une cible immobile. Roué de reproches, ce tyran, magouilleur et grande gueule, est renvoyé dans les cordes avec ses satanées cylindrées et ses molosses de concours. Mais la raclée prise par ce  » terrible enfoiré  » n’est rien en comparaison de la dérouillée de  » la casse-couilles « , cette mère égoïste et narcissique, plus attachée à sa fabrique de pâtés qu’à son mal-aimé de fils.

Ses parents ? Ni paysans ni bourgeois, propriétaires fauchés avec une mentalité de petits-bourgeois,  » du peuple sans en faire partie, puisqu’ils ne partageaient aucune de ses valeurs « . Meurtri mais sans rancune, trop caustique pour être haineux, le fils, sans s’épargner, règle ses comptes avec son milieu. Le réquisitoire est d’autant plus implacable que la plume est impeccable. La gouaille intello de Roux fait mouche, son argot chic fait rire. Lui si prompt à dégainer les citations fait preuve d’un sens de la formule formidable. Roux à Guérinville (une balle du chargeur est pour sa ville natale), c’est un peu Fantasia chez les ploucs : la grand-mère alcoolo crache (son râtelier) de rire devant le catch, l’oncle smicard joue les inventeurs ratés, père et mère refont La Guerre des Rose. Sous l’amertume drolatique, sous la charge vacharde, la tendresse est plus poignante encore.

Marianne Payot

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