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Une intrigue autour de Tiepolo, des gourmandises à goûter ou à lire : deux nouveaux délices signés Philippe Delerm
La Bulle de TiepoloetDickens, barbe à papa et autres nourritures délectables, par Philippe Delerm. Gallimard, 120 et 106 p.
Et de deux ! Avec un court roman savoureux et une exquise série de brefs récits, Philippe Delerm le vorace s’apprête à envahir les librairies. Le sourire aux lèvres. Car l’auteur de La Première Gorgée de bière… s’amuse comme un fou. Fort averti des critiques des intellectuels, qui font désormais la fine gueule devant ses fragments, il les devance, les justifie, avant de les anéantir. C’est l’objet de La Bulle de Tiepolo, suivi d’évocations typiquement » delermiennes » des lieux, odeurs, sensations et petits riens, Dickens, barbe à papa et autres nourritures délectables.
Acte I : c’est Antoine Stalin, critique d’art parisien, qui a été désigné pour porter la charge. Cette Ornella Malese, jeune professeur italienne en tournée européenne pour la promotion de son best-seller inattendu, Granité Café, juxtaposition de saynètes infimes, est-elle un véritable écrivain ? Ce succès, né du bouche-à-oreille, n’est-il pas suspect ? D’ailleurs, Ornella Malese elle-même supporte mal cette soudaine notoriété. Et s’attriste du peu d’attention apportée à son style. Mais qu’écrire d’autre que » le monde selon soi » ? Bref, il y a de la méprise dans l’air… jusqu’à ce que la bulle éclate.
Acte II : rasséréné, Philippe Delerm peut alors donner libre cours à ses réminiscences. De lecteur et de gourmand. Avec un même appétit, il alterne, dans un joyeux désordre temporel, lectures et plats, auteurs et instantanés gustatifs. Ça commence avec la purée, la vraie, préparée au presse-purée et servie en quantité ; ça continue avec un jeune héros de Dickens puis repart avec le goûter de l’enfance, fait un crochet du côté du Crabe aux pinces d’or, se poursuit avec une menthe à l’eau, s’attarde sur les livres de cow-boys lus chez le coiffeur. Au menu, encore, Crin-Blanc, Colette, Proust, Alain de Botton, Sempé, La Fontaine, la petite tablette de chocolat Suchard, le fast-food annuel, le mousseux tiède…
A coups de deux, trois pages maximum, les enthousiasmes de Delerm se révèlent digestes et légers. Leur vocation ? Ouvrir l’appétit et laisser au lecteur le soin d’écrire son propre acte III. Vorace mais partageur, Delerm.
Marianne Payot
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