Maux d’enfant
Avec des mots terribles, Christophe Tison raconte sa jeunesse ravagée par les assauts d’un » ami » de la famille
Il m’aimait, par Christophe Tison. Grasset, 152 p.
Comment l’arrêter ? Il accepte tout. Il est partout. Chez Ardisson, Durand, Pascale Clark… Comme s’il devait consumer sa douleur urbi et orbi. S’assurer que pas un de ses proches n’échappe à la vérité. On a envie de lui dire : » Faites attention, Christophe Tison ! « , ou plutôt : » Fais attention, Christophe ! « , tant ce journaliste de 42 ans reste pour nous l’enfant de 10 ans malmené d’Il m’aimait. Un récit qui n’a rien de ces documents chocs écrits à la va-vite pour surfer sur l’émotion du télé-lecteur. Non, Il m’aimait est le fruit d’une longue maturation, dont les mots, choisis, pesés, justes, confèrent à l’ouvrage une dimension universelle. Partagée par tous ces enfants violentés, violés par leur entourage. Bref, Il m’aimait ne pouvait être que bref. Tel un cri, sec, nécessaire étape d’une exigeante reconstruction.
C’était il y a environ trente ans. La famille de Christophe Tison, gentiment bohème, à peine installée à Beaune, en Bourgogne, éclate en morceaux. Le père, administrateur de théâtre et comédien, quitte le domicile conjugal ; la mère, également théâtreuse, s’attache à plaire aux hommes ; quant à Christophe, il est laissé à lui-même. Et à Didier, ami de la famille, animateur culturel. Qui exploite le vide affectif du jeune garçon. Une bénédiction, aux yeux de tous. Camping, pêche, goûters, lectures, cinéma… l’homme est charmant, attentionné, prodigue, n’hésitant pas à offrir à l' » enfant roi » une maison. Enorme, dirait-on aujourd’hui. Presque naturel, pensait-on dans l’ambiance soixante-huitarde de l’époque. En tout cas, les parents ne voient rien. Ou ne veulent rien voir. Christophe, lui, subit, toutes les nuits, les assauts de son mentor. Et profite, le jour, de ses bienfaits. Je ne suis qu’une » sale petite pute « , écrit l’auteur. Il est insupportable de voir comment, devenu adulte, Tison continue d’inverser les rôles, de se sentir coupable û ou tout du moins coresponsable û alors que l’enfant est partout et toujours sans défense.
A 15 ans, Christophe tombe amoureux de Nathalie, rompt les chaînes. Mais n’en a pas fini, aujourd’hui encore, avec ses faux amis û Didier et la ronde des stupéfiants et autres excitants. Il m’aimait pourrait mettre un terme à ce funeste cortège. Les mots briseurs de maux ? Il y a des précédents… l
Marianne Payot
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