Livres-sandwiches

Ysaline Parisis Journaliste livres

Les livres sont de plus en plus mis en boîte: alibi ou vrai projet éditorial? La fiction reste au balcon. Mais pour combien de temps?

En 2007, Hachette lançait Dîner au verre, un premier coffret associant livre de recettes et verrines, créant une brèche au succès inattendu dans le marché du livre. S’y sont depuis engouffrés les packs livres + pics à brochettes, moules à cake ou kits de massages avec huiles et autres-impressionnants-coffrets Guitare pour les nuls, accompagnés d’une guitare. Une vraie de vraie. A l’heure où Internet supplante la télévision et où la 3D titille le cinéma  » classique « , les éditeurs ont interrogé un livre au contenu fini et différé. Et ont créé un objet tridimensionnel, associant livre et accessoires dans un ensemble plus attrayant et directement consommable, une sorte d’ouvrage  » en réalité augmentée « , pour reprendre un titre récent chez Nathan. La tendance est claire: out l’ex-libris, on offre désormais du mouvement et de l’interactif, quitte à fourguer, dans le récent Mon panier à chat, une gamelle et une souris en mousse avec un guide pour élever son félin. Quitte, aussi, à reléguer le livre en mode d’emploi des objets qui lui sont accolés, lui imprimant un usage prédestiné, formaté. La mode est au livre-sandwich: va-t-il pour autant gagner les contreforts de la fiction, qui, par essence, n’a besoin de rien d’autre que d’elle-même pour faire sens? Pour ces textes au sens enfoui, ne distillant leur contenu subjectif et esthétique qu’au moment de la lecture, les éditeurs n’ont eu jusqu’ici d’autre choix que de miser sur une atmosphère: les poches sont, par exemple, régulièrement emballés dans des coffrets,  » habillés en fonction de leur personnalité « . Où l’on trouve du Woody Allen sur fond jaune  » taxi new-yorkais  » ou Petit déjeuner chez Tiffany dans une boite en velours noir pailleté. Ce qui diffère légèrement de l’habituel résumé au dos, mais n’est rien d’autre qu’une nouvelle forme de couverture illustrée: la fiction s’y dévoile un peu pour mieux habiller le livre qui la renferme. Et, au passage, en conditionner-toujours un peu plus-la lecture. Certains ont cependant franchi le pas d’associer la littérature à un medium qui lui offrirait une forme de réalisation immédiate: le cinéma. Cette année a vu le lancement consécutif, chez Points puis Folio, de collections  » roman+DVD « , superposant les visions intimes du lecteur et celles projetées au spectateur. Une idée de plus dans un secteur qui n’en manque pas, mais où on vend plus facilement sous couvert d’une mise en scène estampillée collector qu’on ne semble réfléchir à une mise en valeur qui résiste longtemps au déballage…

Ysaline Parisis

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