Lettres muettes

Marianne Payot Journaliste

Quelques mots tracés par une enfant autiste entraînent son père dans une captivante enquête. Un roman plein d’espoir de Patrick Cauvin

Le Silence de Clara, par Patrick Cauvin. Albin Michel, 264 p.

Clara, superbe enfant aux boucles blondes, n’est pas comme les autres : elle est autiste, enfermée dans sa prison, emmurée dans le silence. Pas un mot, pas un pleur, juste  » une plainte mourante comme une corne dans la brume « . Des années que son père rêve de voir s’esquisser un sourire sur les lèvres de Clara.

Et pourtant, c’est étrange. Comment expliquer cette sérénité née de la douleur ? Ce sentiment d’apaisement, fruit de la violence ? Dès les premières pages de son roman, Patrick Cauvin témoigne de cette curieuse alchimie :  » Un matin de feuilles mortes. J’en avais envie. Bizarre…  » En cette fin d’automne, sous les nuages ferreux et les pluies lentes, son héros se remémore, presque gaiement, les derniers événements de sa vie : la naissance de Clara, en 1995, sa propre désertion et la fuite dans son travail de producteur de cinéma, la dérobade û bien réelle û de Lorna, sa femme, partie oublier dans les bras d’un autre son inaccessible maternité.

C’est un fait, mineur pour tous les parents du monde, extraordinaire en l’occurrence, qui alerte le lecteur et le monde médical : quelques lettres ont été tracées dans le cahier de Clara. Impeccables. D’autres suivront, moments épars d’une aventure se déroulant au fin fond de l’Alaska en l’an 2012. Le mystère de l’autisme s’épaissit. L’enquête, captivante, commence, qui ébranle les rationalistes les plus implacables. Clara serait la réincarnation d’un aïeul écrivain. Le narrateur, épaulé par sa femme  » repentie  » û à qui il avait pardonné depuis longtemps û tente de trouver les clefs de l’énigme. Au terme de leur quête, qui aura vu se mêler le destin, le surnaturel et la culpabilité, il y a l’espoir.

Non plus le rêve, mais l’espoir. C’est bien ce sentiment qui illumine la gravité du propos. Sans oublier le ton, enjoué, quasi facétieux, de l’auteur. Page 13, son héros s’est présenté. Il s’appelle Ferdinand Bond. Il aurait aussi bien pu se nommer Cauvin Klotz. Depuis 2001, avec La Reine du monde, Claude Klotz, alias Patrick Cauvin, nous avait prévenus : lui et son double û réconci- liés ? û pouvaient ne plus faire qu’un. Tout comme Clara, un jour ?

Marianne Payot

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