L’été en 10 polars
Made in USA, so British ou version française ? Jungle urbaine ou potager du Roy ? Washington, Le Cap ou Bruges ? Choisissez votre destination frisson.
Le plus tragique
*** Les Jardins de la mort, par George Pelecanos
L’affaire est définitivement résolue : George Pelecanos, 51 ans, est, au minimum, le plus intéressant auteur de polars du moment ; au maximum, le meilleur. Une écriture puissante, un sens du récit, des personnages forts, une capacité étonnante de rendre les lieux vivants – il écrit toujours sur Washington… Dans Les Jardins de la mort, Pelecanos mêle le destin de trois flics confrontés à une affaire de meurtre non élucidée. Vingt ans plus tard, Ramone est devenu inspecteur, Holiday a démissionné de la police, et Cook est parti à la retraite. Un nouveau meurtre, et les voici qui reprennent le collier. Autant pour enfin trouver l’assassin que pour vaincre ces ombres qui hantent leurs nuits. Un grand roman, qui confronte le désir de vivre aux peurs qui assaillent sans cesse l’existence. Magnifique.
Trad. de l’anglais (Etats-Unis) par Etienne Menanteau. Seuil/Policiers, 384 p.
Le plus sadomaso
*** D’ombre et de lumière, par John Harvey
Il n’y a pas que cette tête brûlée de Charlie Resnick dans l’£uvre de John Harvey ! Ce grand nom du polar anglais a su donner chair à un autre personnage de flic tout aussi attachant : Frank Elder, la cinquantaine bien conservée, mais séparé de son épouse et toujours rongé par la culpabilité vis-à-vis de sa fille. Dans cette troisième enquête, de Nottingham à Barcelone, des glissements progressifs du sadomasochisme à la vraie folie, John Harvey entretient un suspense subtil, au gré des intuitions de l’inspecteur Elder, de ses failles aussi. Voilà un roman policier bien moins policé qu’il n’y paraîtà
Trad. de l’anglais par Jean-Paul Gratias. Rivages/Thriller, 343 p.
Le plus d’actualité
*** L’Ombre du caméléon, par Minette Walters
Charles Acland, jeune lieutenant britannique, est le seul rescapé du bombardement de son convoi en Irak. De retour en Angleterre, il se réveille à l’hôpital à moitié défiguré, amnésique, très perturbé. Ce qui fait de lui le suspect idéal dans une affaire de meurtres en série visant d’anciens soldats homosexuelsà Elle est vraiment fortiche, Minette Walters ! Outre un dénouement totalement inattendu, son douzième polar maintient une tension permanente, grâce à une finesse psychologique impressionnante.
Trad. de l’anglais par Nathalie Gouyé-Guilbert. Robert Laffont, 398 p.
Le plus écolo
** Le Contrat, par John Grisham
Comment ne pas apprécier un auteur qui, un temps engagé auprès de Hillary Clinton, ne rêvait que d’une chose : travailler à l’ambassade des Etats-Unis à Paris pour vivre dans la capitale française ? Plus sérieusement, la dernière pierre de l’empire Grisham (60 millions de livres vendus) est d’une bonne veine. On retrouve dans ce gros thriller juridique le thème de prédilection de l’ancien avocat : la désespérance de l’Amérique des démunis face à l’arrogance des nantis. En l’occurrence, le magnat d’un groupe de pesticides chimiques pollue sans vergogne et sème la mort. Condamné à verser des millions de dollars d’indemnités, il s’ingénie à faire casser le jugement en appel. Par tous les moyensà
Trad. de l’anglais (Etats-Unis) par Hel-Guedj. Robert Laffont, 414 p.
Le plus belge
** Le Carré de la vengeance, par Pieter Aspe
En une dizaine d’années, Pieter Aspe, né à Bruges en 1953, est devenu la coqueluche du polar flamand. Il est vrai que son trio d’enquêteurs est sympathique à souhait. Très politiquement incorrects – ils ne cessent de boire de la Duvel bien fraîche et de s’en griller une – mais fins limiers, ils résistent à toutes les compromissions. Dans Le Carré de la vengeance, c’est l’horrible Degroof, grand joaillier de Bruges et chef de file des démocrates-chrétiens, qui tente d’imposer sa loi aux autorités après avoir humilié sa famille. L’humour est permanent, l’intrigue bien menée et le tout follement proche de nous.
Trad. du néerlandais (Belgique) par Emmanuèle Sandron. Albin Michel, 336 p.
Le plus hallucinant
** Rituel, par Mo Hayder
Tiens, le commissaire Jack Caffery est de retourà Ce flic hanté par la mort de son frère quand il était enfant reprend du service dans un cinquième polar déroutant de Mo Hayder. Caffery vient de rejoindre la brigade criminelle de Bristol et fait la connaissance du sergent Phoebe Marley, alias Flea (Puce) : cette jeune femme fluette de 29 ans, plus à l’aise sous l’eau que sur terre, a trouvé une main humaine par 3 mètres de fond, dans le port de la villeà Flea, qui prend des champignons hallucinogènes, suggère une piste africaine. En fait, Mo Hayder réussit mieux ses personnages, toujours aussi originaux, que son scénario, parfois trop halluciné, justement. Dommage, car l’écriture reste alerte et l’atmosphère magnifiquement morbide.
Trad. de l’anglais par Hubert Tézenas. Presses de la Cité/Sang d’encre, 414 p.
Le plus alléchant
** Meurtres au potager du Roy, par Michèle Barrière
Roman noir, gastronomie et histoire : trois spécialités que Michèle Barrière marie depuis Souper mortel aux étuves, qui se déroulait au Moyen Age. Le quatrième épisode de sa saga se situe au xviie siècle, avec pour décor, à Versailles, le sublime potager de Louis XIV, qui raffole des primeurs : asperges, petits pois, melons. Or ces derniers font soudain l’objet d’un saccage en règle. Le jeune jardinier Benjamin Savoisy va mener l’enquête, des cuisines royales aux tavernes d’Amsterdam. Si l’intrigue se révèle un peu trop picaresque, la description de banquets mirifiques met vraiment l’eau à la bouche !
Agnès Viénot, 308 p.
Le plus noir
** Zulu, par Caryl Férey
On a trop souvent reproché au polar français de s’en tenir au militantisme au ras du bitume social pour ne pas saluer le travail de Caryl Férey. Quittant la Nouvelle-Zélande, où se situaient Haka et Utu, Férey atterrit en Afrique du Sud et suit le Zoulou Ali Neuman, chef de la police du Cap, enquêtant sur le meurtre de la fille d’une ancienne gloire du rugby. C’est un roman sombre, écorché, qui parle d’un pays qui se cherche à force de ne jamais trouver la paix.
Gallimard/Série noire, 400 p.
Le plus dispensable
* A genoux, par Michael Connelly
Il en fallait un, ce sera celui-là. A genoux est le plus mauvais des romans ayant Harry Bosch pour héros, et rejoint dans la bibliographie de la star du polar Darling Lilly, à ce jour voiture-balai de l’auteur. Deux bouquins ratés sur une vingtaine : le ratio reste en faveur de Michael Connelly, dont on peut difficilement remettre le talent en question. On était presque tenté de le faire, à la lecture de cette histoire de meurtre vite bricolée – un scientifique est assassiné et une substance radioactive qu’il transportait, volée – qui surfe sur la guerre contre le terrorisme et les atteintes aux droits civiques après le 11 septembre.
Trad. de l’anglais (Etats-Unis) par Robert Pépin. Seuil/Policiers, 256 p.
Le plus chaotique
* Registre des morts, par Patricia Cornwell
Depuis PostMortem, paru en 1990, Kay Scarpetta, médecin légiste, est devenue une véritable célébrité de la littérature policière. Las ! difficile de venir à bout de cette quinzième aventure, mal écrite et bancale à souhait : entre les cadavres qui s’amoncellent, les menaces pesant sur Kay – qui vient d’ouvrir un cabinet de médecine légale en Caroline du Sud – et les allers-retours entre Rome et Charleston, on a du mal à suivre. Pis : Kay est de plus en plus grognon, sa nièce Lucy, de plus en plus prétentieuse, l’enquêteur Pete Marino, de plus en plus vulgaire et porté sur la bouteille. A croire que Patricia Cornwell est la première à se lasser de ses personnagesà
Trad. de l’anglais (Etats-Unis) par Andrea H. Japp. Ed. des Deux Terres/Best-Seller, 467 p.
Eric Libiot; Delphine Peras; D. P.; Marianne Payot; M. P.; D. P.; D. P.; E. L.; E. L.; D. P.
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