Les Omeyyades, bâtisseurs d’empire

En 661, cette dynastie récupère le califat et s’établit à Damas. Elle étend ses frontières de l’Asie au Maghreb et jusqu’à l’Espagne. Un règne de conquêtes, mais aussi de défaites.

« Si tu ne peux être une étoile au firmament, sois une lampe dans ta maison « , dit le proverbe (arabe). Uthman, le troisième des  » premiers califes « , n’a pas su mettre la lumière dans la maison musulmane. Obnubilé par ses conquêtes, il a oublié d’écouter les complaintes de son entourage : trop de tribus tributaires de tributs inégalement attribués… Uthman est assassiné par les siens, en l’an 656. Son successeur, Ali, se trouve immédiatement contesté par l’autre prétendant au califat, Muawiya. S’ensuit une guerre civile lors de laquelle les armées des deux hommes s’affrontent à Siffin, en Syrie, sur les bords de l’Euphrate. Muawiya finit par l’emporter, en 661, sans combattre, après d’interminables arbitrages. Il ouvre l’ère de la dynastie des Omeyyades à la tête de l’Empire musulman. Les Omeyyades sont respectés, ils comptent parmi eux les plus grands généraux de la conquête et apparaissent depuis des décennies comme des marchands réputés, doués d’un certain sens de l’Etat. Muawiya s’impose alors sans rencontrer de résistance et installe la capitale de l’empire à Damas, en Syrie, où il était gouverneur avant de devenir calife. Son règne (661-680) s’apparente alors à une rare période de stabilité.

Il lui faut tenir la maison. La péninsule Arabique s’est vidée d’une bonne partie de ses habitants, partis envahir le monde… L’équilibre intérieur semble alors fragile. Tout comme à l’extérieur : même si les populations restent difficiles à quantifier, les historiens estiment que, à eux trois, l’Irak, l’Egypte et la Syrie pouvaient compter de 15 à 17 millions de personnes face à… 300 000 conquérants venus s’installer afin de faire fortune ! Un rapport de forces déséquilibré pour les califes, mais qui ne les empêche pas de bien administrer ces territoires.  » Leurs populations ont l’habitude de vivre sous une tutelle étrangère harassante – byzantine ou perse -, explique Gabriel Martinez-Gros, professeur d’histoire médiévale du monde musulman à l’université Paris X-Nanterre. Dans ces conditions, ils se montrent relativement accommodants avec leurs nouveaux sujets et ne les accablent pas d’impôts.  » Côté religion, les vaincus, notamment lorsqu’il s’agit des chrétiens, ne croient pas à la pérennité de la parole mecquoise. Et la question religieuse semble loin des préoccupations premières des vainqueurs.

Muawiya meurt le 6 mai 680. Son fils Yazid lui succède, mais cette tentative de transmission héréditaire du pouvoir débouche à nouveau sur une guerre civile. Un successeur d’envergure, Abd al-Malik (685-705), accède au califat. A l’instar de son prestigieux prédécesseur, lui aussi ouvre une ère de paix et se préoccupe avant tout de pacifier les différentes tribus de l’empire. Il est le premier à imposer l’arabe comme langue officielle, puis à frapper une monnaie arabe (sans représentation figurée) en remplacement des pièces byzantines ou perses. Enfin, Abd al-Malik se présente en bâtisseur en lançant les constructions de la mosquée Al-Aqsa et du dôme du Rocher, à Jérusalem, troisième lieu saint de l’islam. C’est non pas à lui, mais à son fils Al-Walid que revient l’initiative de l’édification de la fameuse mosquée des Omeyyades à Damas, l’une des plus belles du monde.

Sous les règnes d’Al-Malik et de ses deux fils, Al-Walid puis Sulayman, l’Empire musulman a été porté à ses fronts les plus extrêmes. Ces campagnes, qui s’échelonnent jusqu’au milieu du VIIIe siècle, marquent les frontières définitives de la conquête armée, fixées moins dans les victoires que dans les défaites : Constantinople (718), Poitiers (732) puis Narbonne (737), mais aussi Talas (751), en Chine. L’empire musulman a atteint ses limites territoriales, économiques et politiques. Il peut se recentrer sur ses maux intérieurs à savoir, le pouvoir du calife. Contestés parce qu’ils ne sont pas la dynastie la plus proche du prophète Muhammad, les Omeyyades cèdent la place aux Abbassides dans un bain de sang. En 750, tous les Omeyyades, sauf un, Abd al-Rahman, sont exécutés par les Abbassides.

B. D. C.

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