Les malheurs de Pierre-Yves
Le mari de Justine Henin vit-il mal dans l’ombre de sa glorieuse moitié ? La n°1 mondiale du tennis paie-t-elle le prix de la solitude pour sa réussite ? Les hommes supportent-ils les femmes qui ont du succès ?
Qui n’a jamais eu de compassion pour Pierre-Yves Hardenne, se rongeant les ongles dans la tribune, à la vue de sa championne d’épouse sur le court ? Difficile d’être » monsieur Justine Henin « , de se voir reprocher de gagner du fric à ne rien faire. Tout le monde ne supporte pas d’être prince consort. Une réalité que médite peut-être aussi François Hollande, premier secrétaire du PS français : si » la mère de ses enfants « , Ségolène Royal, accède à la présidence au printemps prochain, leur couple y survivra-t-il ?
» Quand les femmes revendiquent leur égalité avec un homme, il a une fâcheuse tendance à ne pas s’attarder « , reconnaît José Gérard, directeur de Couples et Familles (1), une association d’éducation permanente qui tentait, lors d’un colloque récent, de répondre à la question : » L’égalité fait-elle fuir les hommes ? « . Selon les psys, n’importe quel conjoint vivant dans l’ombre d’une moitié médiatisée souffrirait. Mais de Claudine Merckx à Bernadette Chirac, les femmes s’en sont plutôt accommodées. Alors, pourquoi pas les hommes ?
En réalité, le » marché matrimonial » des » superwomen » est inversement proportionnel à celui de leurs homologues masculins. Si, chez les hommes, ce sont les sous-qualifiés au chômage qui ne trouvent pas l’âme s£ur, chez les femmes, ce sont les surdiplômées performantes. Or, parmi les moins de 44 ans, on trouve plus de hautement qualifiés chez les femmes que chez les hommes. » Les femmes au sommet paient parfois le prix fort, celui de la solitude « , résume José Gérard. Il se trouve toujours bien quelqu’un pour leur dire : » Ne te plains pas, tu l’as voulu, quand même ! Tu fais peur aux hommes. »
La psychothérapeute Sophie Mathot confirme : » Après un divorce, les femmes n’ont pas toujours envie de renouer une relation conjugale » à temps plein « . Mais quand elles le disent aux hommes, ils s’en vont. » Myriam Tonus, enseignante, à l’initiative du colloque de Couples et Familles, se souvient : » Chercheuse en philo et lettres, voici trente ans, j’ai abandonné un doctorat pour m’occuper des enfants. Aujourd’hui, les femmes qui veulent faire carrière vont souvent retarder la maternité. Mais leurs compagnons ont un peu de mal avec ça. » Un peu comme s’ils étaient avant tout à la recherche d’un cocon domestique et affectif. En revanche, quand l’épouse leur demande d’assurer cette présence et une partie, au moins, de l’intendance, ils le vivent souvent comme une perte de considération.
L’égalité ne fonctionnerait-elle pas ? » Depuis une quinzaine d’années, des hommes viennent me dire qu’ils craignent de ne plus être à la hauteur « , répond Armand Lequeux, gynécologue et sexologue. Leurs dysfonctionnements sexuels cachent des questions existentielles : comment être un homme, un vrai, quand on ne peut plus être comme son père ? » Dans un monde de plus en plus féminin, celui des émotions et du relationnel, l’homme se sent en position d’infériorité « , ajoute la psy Sophie Mathot.
Des hommes en fuite
Résultat : l’homme fuit la relation, par crainte ou par facilité. » Les femmes se sentent seules, comme leur mère autrefois attendant le retour d’un mari fuyant dans le travail, comme leur grand-mère dont l’époux passait son temps au cabaret, caricature Lequeux. Même si certaines femmes mènent aujourd’hui les hommes par le bout du pénis et se jouent d’eux, les hommes restent en majorité dominateurs. »
En réalité, tout nous pousserait à conserver les moules ancestraux de l’homme protecteur et de la femme dorlotée. » Jusqu’il y a peu, le genre humain sous-entendait le masculin, ajoute Myriam Tonus. Aujourd’hui, les femmes se rappellent au bon souvenir des hommes. Ils se sentent menacés de ne plus constituer que… la moitié de l’humanité. Dans leur inconscient collectif, il y a des millénaires de supériorité » naturelle « , le caractère sacré du père. » Depuis, des avancées féminines, comme l’acquisition progressive de droits égaux ou la maîtrise de la fécondité, ont, en quelques décennies, bouleversé des siècles d’évidence.
Une femme au top, intelligente, brouillerait les repères traditionnels de la femme proche de la nature et de l’homme faisant partie de la culture. Dans les vieilles représentations, la femme est le ventre qui porte, le sein qui nourrit. Qu’elle puisse réfléchir de façon abstraite ne semblait même pas possible aux scientifiques et aux médecins du xixe siècle, qui épiloguaient sur le poids de son cerveau. Sans parler des hommes d’Eglise et des philosophes.
Le charme du prince consort
Pourtant, les relations égalitaires existent et sont plus respectueuses et épanouissantes. » Les hommes ne se sentent pas toujours bien dans le rôle caricatural de PDG macho qui, le jour, dénigre sa secrétaire et, le soir, glisse sur des patins pour ne pas abîmer le parquet et devient le petit chien d’une femme omnipotente à la maison « , ajoute Lequeux. Mais selon les psys, il ne faudrait surtout pas oublier que ce sont les femmes d’aujourd’hui qui font les machos de demain, ces mères qui mettent leurs fils sur un piédestal. En oubliant de leur parler de Cléopâtre, de la reine d’Angleterre et… du charme du prince consort.
(1) Rens. : tél. 081/45 02 99 ou www.couplesfamilles.be
Dorothée Klein
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