Les accros du BlackBerry pourront-ils réclamer des heures sup’ ?

Aux Etats-Unis, des employés ont attaqué leur employeur en justice au motif que le smartphone ou l’ordinateur portable mis à leur disposition serait devenu l’instrument d’heures supplémentaires non rémunérées. Mais ont-ils vraiment été contraints de prester plus ?

Pas facile de déconnecter du bureau à l’heure où la communication mobile est partout. Souvent, le traitement d’un message professionnel sur un smartphone , une tablette ou un PC portable ne grignotera que quelques secondes de la sphère privée et fera peut-être même gagner du temps. Parfois, il peut engloutir des heures entières d’un week-end. De là à pouvoir réclamer des heures sup’ ? C’est le pas qu’a franchi cet été un certain Jeffrey Allen, un policier de Chicago qui réclame le paiement de 500 heures supplémentaires ! Alerté en permanence par diverses urgences professionnelles via un BlackBerry qu’il consultait allègrement même  » off duty « , le policier très zélé n’hésitait pas à sacrifier son temps libre. Sans trop râler, jusqu’à ce qu’il soit muté à une fonction moins plaisante… Du coup, il a saisi les tribunaux et espère pouvoir rallier 200 collègues à sa cause en faisant de son cas personnel une action collective ( » class action « ). Avant lui, un employé new-yorkais de l’entreprise télécoms T-Mobile et un agent immobilier de CB Richard Ellis, au Wisconsin, ont monté des dossiers comparables.

On ne sait toujours pas s’ils obtiendront gain de cause. Mais la jurisprudence qui va en sortir intéresse en tout cas les spécialistes du droit du travail en Europe, car ces affaires pourraient faire des émules. A en croire Michaël De Leersnyder, avocat spécialisé en droit du travail chez CMS De Backer, ils ne doivent pas se faire trop d’illusions.  » La loi dit que le temps de travail est le temps imposé par l’employeur. Le travailleur ne peut pas réclamer d’heures supplémentaires s’il ne peut pas prouver que ces heures lui ont bien été imposées par son employeur. Et si un employé estime qu’un surplus de travail l’oblige à faire des heures sup’, il est censé en informer son employeur au préalable. « 

Zone d’ombre

L’utilisation accrue de la communication mobile ne change rien quant au fond : le salarié doit apporter la preuve que les e-mails envoyés en dehors des horaires de travail contractuels ne l’ont pas été de sa propre initiative.  » Il faut démontrer la contrainte. Par défaut, le BlackBerry ou autre est considéré comme un outil de travail à utiliser pendant les heures de travail. Sauf si votre employeur vous impose de répondre dans un délai précis, vous l’utilisez à vos risques et périls « , explique Michaël De Leersnyder, qui rappelle que l’idée même d’heure supplémentaire ne vaut pas pour les  » personnes investies d’un poste de confiance ou de direction « .

D’après l’avocat, les plaintes américaines, même si elles ont peu de chances d’aboutir, sont sans doute l’occasion pour les responsables GRH de rappeler que, par défaut, un outil de travail est à utiliser pendant les heures de travail. Et de clarifier la notion de temps de travail pour certains postes de garde à domicile, typiquement l’informaticien qui est en stand-by les week-ends. Sans pour autant aller trop dans les détails. Les sphères privée et professionnelle sont devenues si imbriquées qu’il y aura toujours une zone d’ombre. Après tout, à l’ère de Facebook, il arrive aussi que le travailleur consulte des mails privés pendant les heures de travail.

OLIVIER FABES

 » LES PLAIGNANTS NE DOIVENT PAS SE FAIRE TROP D’ILLUSIONS « 

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