Les 50 personnalités qui font bouger Liège
Cinquante personnalités liégeoises, certaines connues, d’autres moins, pour fixer l’image toujours changeante d’une cité décidément hostile à la grisaille.
Michel Preud’hommE: Gardien de la tradition » rouche »
Le bourgmestre de Liège Willy Demeyer se plaît à le répéter : quand il représente la Ville à l’étranger, c’est du Standard qu’on lui parle le plus. Impossible d’évoquer la Cité ardente sans parler des Rouches de Sclessin. Et Michel Preud’homme, entraîneur du Standard de Liège, en est sans aucun doute une des figures emblématiques. Né à Ougrée, à un jet de ballon du stade, en 1959, le gardien de but rejoint l’équipe première en 1977, alors qu’elle est en pleine gloire. Il remportera deux titres de champion avec le club, avant d’émigrer à Malines, avec qui il gagnera tout, Coupe d’Europe comprise, ensuite au Benfica Lisbonne, d’abord comme joueur puis comme responsable commercial. Deux Souliers d’or, 58 capes internationales, plus de cent matchs européens, meilleur gardien de la Coupe du monde 1994 : son palmarès est impressionnant ! Loin de l’image d’Epinal du footballeur borné, l’homme est un brillant touche-à-tout : après Benfica, il revient à Liège comme entraîneur puis directeur technique. Il exerce parallèlement de hautes responsabilités à l’Union belge, où il lance un ambitieux plan de formation et de protection des jeunes footballeurs, qui porte son nom. Mais l’immobilisme de la Fédération lui pèse : à la surprise générale, il redevient entraîneur en septembre dernier. Et redresse brillamment le club. Méticuleux et professionnel à l’extrême, terriblement superstitieux, c’est un vrai Liégeois, avec la tête souvent près du bonnet.
Pierre Kroll: L’homme qui croque plus vite que son ombre
Impertinent, anticonformiste, perspicace : le trait de Pierre Kroll est aussi célèbre que les personnalités qu’il caricature. Né au Congo en 1958, cet architecte licencié en sciences de l’environnement dit avoir toujours gribouillé dans les marges de ses cahiers. Dessinateur professionnel depuis plus de vingt ans, il croque et commente l’actualité pour Le Soir, pour le magazine Télé-Moustique, dans Mise au point et au Jeu des dictionnaires. Incisive, sa plume n’épargne personne. A vérifier dans son album Dessine-moi la Belgique, manuel à l’usage des électeurs du 10 juinà
Jean-Pierre Rousseau: Partition sans fausses notes
» J’ai l’âge de Sarko et je suis né chez Ségo, dans les Deux-Sèvres : vous voyez, je ne suis pas sectaire ! » Directeur général de l’Orchestre philharmonique de Liège depuis plus de sept ans, le Français Jean-Pierre Rousseau a le sens de la formule. Un don hérité peut-être de sa longue expérience de collaborateur de plusieurs parlementaires à Paris. » Mon boulot, en fait, était celui d’un nègre. » Titulaire de trois licences (allemand, russe, droit), l’homme a aussi fait le Conservatoire de Poitiers ( » Sans jamais me prendre pour le nouveau Horowitz « ), mais ses goûts pour la musique sont étendus. A la fin des années 1970, il est plus » disco » que Mahler. Fatigué de son statut de » professionnel de la politique « , il devient, en 1986, responsable de la musique à la Radio Suisse Romande, puis directeur de France Musique. Avant de débarquer à Liège. » Il y avait des trous partout à l’époque, sourit-il. Mais, très vite, j’ai senti quelque chose dans cette ville. Une ambiance. Une chaleur. » Perfectionniste, très au fait de la politique mais absolument pas embourbé dans le microcosme liégeois, l’homme fait rapidement merveille. Change tout ou presque à l’OPL. Remet le public et la qualité de son accueil au centre de ses préoccupations. Résultat : l’orchestre a vu sa fréquentation doubler en cinq ans, ne cesse d’enregistrer, est invité à l’étranger. C’est prodigieux.
Marie Honnay: Liège au féminin pluriel
» Je suis une Liégeoise pure souche ! » annonce d’emblée Marie Honnay, la jeune rédactrice en chef du site Internet ElleinLiège. Celle qui est née, vit et travaille dans la Cité ardente, qui a toujours rêvé d’écrire dans la presse féminine après sa licence en germanique à l’ULg a décidé, voici trois ans, de lancer son propre journal en ligne. Rendez-vous conjugué au féminin pluriel, ElleinLiège présente régulièrement des portraits de femmes, qu’elles soient artistes, commerçantes, chefs d’entreprise, personnalités politiques ou engagées pour une cause. » Ce qui guide mes choix, ce sont surtout la passion et l’enthousiasme que dégagent ces femmes, quels que soient leurs domaines d’activité. A ce titre, je trouve qu’elles méritent d’être mises en valeur « , insiste Marie Honnay. » S’il s’agissait, au début, d’une expérimentation, ce site est devenu une véritable passion et m’a permis de décrocher, dans d’autres magazines féminins, des collaborations d’écriture et de traduction « , ajoute celle qui a fait le choix délibéré de mettre sur le devant de la scène la gent féminine. Mais de ghetto, de cloisonnement, de rendez-vous interdit aux hommes, il n’est nullement question. » Le site reçoit beaucoup de visites d’hommes et je parle d’eux, bien sûr, mais via des femmes ! » sourit-elle. Amoureuse de sa Liège, Marie Honnay désire, au travers d’une écriture fine et subtile, valoriser celles qui contribuent à l’ardeur de sa cité.
Hassan Bousetta: » Un Liégeois sur deux a des origines étrangères »
» Toujours là où on ne m’attend pas ! » Hassan Bousetta, chercheur au Centre d’études de l’ethnicité et des migrations, est né à Hasselt en 1970. Ses parents, résidant à Fraipont, sont arrivés en Belgique en 1964, à l’époque de la première vague d’immigration de travailleurs marocains. Durant onze ans, Hassan se forme à l’ULB, à l’ULg, à la KUB ( » or je ne suis ni flamand ni catholique « ), à la KUL, ainsi qu’à Utrecht et à Bristol, avant d’être nommé chercheur qualifié FNRS à l’ULg. Passionné par l’immigration, il a été élu conseiller communal à Liège – où il estime que la moitié de la population a des origines étrangères – et occupe la 9e place sur la liste du PS à la Chambre.
Christian Beaupère: Un flegme de » Bobby »
Patron de la police liégeoise depuis 2000, Christian Beaupère, 51 ans, affiche un flegme étonnant pour un homme chargé de telles responsabilités : calme et souriant, il donne l’impression de ne jamais s’énerver. » Disons qu’on n’a pas le droit, dans ma position, de perdre la maîtrise de ses nerfs. Il faut un mélange subtil de calme et d’autorité « , affirme-t-il. Né au Congo, l’homme a pratiqué tous les métiers de la police, en commençant tout en bas de l’échelle et en changeant régulièrement de quartier. Ce qui lui confère une vision d’ensemble des plus utiles pour exercer ses fonctions actuelles. Quant au justiciable : » Le Liégeois est un peu latin. Rétif à l’autorité, souvent. Mais il est compréhensif. »
Stefano Mazzonis di Palafrera: Un italien à l’opéra
Son curriculum vitae était prestigieux, son expérience, diversifiée, sa notoriété, internationale. Sa nomination à la tête de l’Opéra royal de Wallonie, en janvier 2006, et, surtout, son accord enthousiaste furent presque vécus comme un honneur par les responsables de la Communauté française de Belgique. Pourtant, la première rencontre avec Stefano Mazzonis di Palafrera laissa l’auditoire perplexe. Certes, le successeur de Jean-Louis Grinda ne manquait pas d’allure et parlait admirablement le français. Mais encore ? Il distinguait la comédie musicale comme une des grandes réussites de la maison et, pour le reste, préférait attendre de sentir ses équipes, son public et sa future ville d’adoption avant de se prononcerà Un an plus tard, on vit revenir le même présenter son programme : verve incroyable (bagou, pourrait-on dire), humour, détermination dans les choix artistiques, précision dans les chiffres, et, justement, solide sens commercial. L’élégant Italien ne s’en cache pas : l’opéra transalpin sera roi lors de la première saison ! Adieu les classiques du xxe siècle – Jean-Louis Grinda avait mis dix ans à les faire aimer -, adieu les Allemands, les Français (juste Le Roi d’Ys, d’Edouard Lalo) ou les Belges devenus les stars du lyrique contemporain, et on ne parle pas de la créationà Mais les belles voix seront toujours au rendez-vous, et le plaisir, et la fête ! Conservatisme ou subtile stratégie ? On verra dans deux ansà
Claude Emonts: L’enfant de Mai 68
Gravement touché dans sa chair par la poliomyélite qui lui valut deux ans d’hôpital en pleine adolescence tout en le laissant handicapé, Claude Emonts, président du CPAS, est un enfant de Mai 68. » J’avais alors 20 ans, je terminais ma rhéto, et je m’apprêtais à étudier les langues germaniques, mais j’ai été irrésistiblement pris dans ce mouvement. Les gauchistes me sont tombés dessus ! » Il a donc opté, finalement, pour une licence en sciences politiques et sociales. Son engagement à gauche ne se démentira jamais. » J’étais un altermondialiste avant la lettre « , sourit-il. Elu PS au conseil communal en 1988, il impressionne le parti en redynamisant la Ligue de l’Ouest dans son quartier de Sainte-Marguerite, et en 1995 il se voit offrir le fauteuil de la présidence du CPAS de Liège et celui de la Fédération des CPAS, laissés vacants par Maggy Yerna. » A ce moment-là, je savais à peine quel était le rôle du CPAS, mais mon engagement politique de toujours était finalement en accord avec mes nouvelles fonctions. » Mais l’événement le plus marquant de la vie de Claude Emonts, » le plus structurant « , ce fut un voyage d’étudiant au Chili en 1971 : » J’y ai rencontré Salvador Allende et, là aussi, je me suis retrouvé saisi par les événements. J’y suis retourné en 1973, peu avant le coup d’Etat. » Depuis, le Chili est le deuxième amour de cet intarissable polyglotte, juste après sa bonne ville de Liège.
Vincent Sauvage: Défenseur des marionnettes liégeoises
Un passionné, un vrai. Né en 1958, Vincent Sauvage a été » happé » par les marionnettistes de fêtes foraines. Etudiant en droit à l’ULg, il » brosse » des cours pour apprendre le métier de montreur. La flamme le gagne en 1987, et il n’a, depuis, plus quitté le théâtre » Du Haut Pré » d’Ougrée, où une centaine de spectateurs se pressent chaque dimanche. Cet avocat, spécialiste en droit de la famille, milite pour que l’Unesco proclame les marionnettes liégeoises » chef-d’£uvre du patrimoine oral et immatériel de l’humanité « . La douzaine de théâtres liégeois de marionnettes devraient déjà être inscrits en juin sur la liste du patrimoine exceptionnel de la Communauté française. Et à ceux qui, dans sa profession, ont ironisé sur sa passion, il répond : » Je préfère manipuler les marionnettes plutôt que faire le guignol au palais de justice. »
Luc et Jean-Pierre Dardenne: Cinéma de combat
Scénaristes, réalisateurs, producteurs, les frères Dardenne, nés à Engis en 1951 et 1954, ont placé Liège et sa banlieue sur la carte du cinéma mondial. Issu du documentaire, leur cinéma sans concession se nourrit de la grise réalité sociale et du climat postindustriel sérésien. Les cinéphiles découvrent leur £uvre avec leur troisième long-métrage, La Promesse. Deux de leurs trois films suivants, Rosetta et L’Enfant, décrochent la Palme d’or au Festival de Cannes, leur conférant une stature internationale. Engagés, discrets, ils sont aussi de grands découvreurs de talents (Olivier Gourmet, Jérémie Rénier, Déborah François, Emilie Dequenne).
Bernard Rentier: Plus de collégialité pour l’ULg
Avant de diriger les 4 000 personnes, dont 450 professeurs, et les 17 000 étudiants qui gravitent autour de l’ULg, Bernard Rentier étudiait les virus. Après des années passées comme chercheur et professeur à la faculté de médecine, ce virologue devient vice-recteur de Willy Legros, de 1997 à 2005, avant d’accéder, il y a deux ans, au rectorat.
D’ici à la fin de son mandat, Bernard Rentier désire revoir de fond en comble la gouvernance de l’Alma Mater. Prônant la collégialité, il entend bousculer la structure pyramidale afin de déléguer davantage. Ce qui implique une refonte des facultés et une révision de leur financement. Parfois étiqueté libéral – quand lui-même dit choisir la neutralité et agir en dialogue avec les instances politiques -, Bernard Rentier refuse la vision » sarkozienne » d’un enseignement purement utilitariste. Défenseur d’une formation qui » apprend à apprendre « , il communique via son blog et vise l’excellence, notamment grâce à d’inévitables rapprochements entre universités. Les points forts de l’ULg: le spatial, les biotechnologies, les pôles de l’eau et de l’environnement. L’étude des langues, que le recteur rendra obligatoire dès la rentrée, constitue à ses yeux le grand défi de cette » plus grosse entreprise de la région « .
France Arets: La voix des sans-papiers
Ne vous fiez pas à la douceur de ses manières, à sa voix presque traînante : France Arets est une révoltée. Il faut la voir, porte-voix à la main, perchée sur son échelle, donner de la voix devant les grilles du centre fermé pour étrangers de Vottem. Avec le Cracpe, qu’elle a contribué à créer, elle y est tous les mercredis et samedis. Depuis près de dix ans. » J’ai toujours lutté pour une société plus juste, explique la professeure d’histoire de 48 ans. Et je pense qu’à l’heure actuelle les sans-papiers sont victimes de la pire discrimination. Ils ne sont pas illégaux : c’est la politique menée à leur égard qui l’est. »
Gil Honoré: L’architecture vivante
Longtemps collaborateur d’un autre architecte liégeois en vue, Pierre Hebbelinck, Gil Honoré, 38 ans, est l’étoile montante de la profession à Liège. Adepte d’une architecture résolument contemporaine, il travaille actuellement sur le futur pôle professionnel de la Médiacité et a présenté un projet pour la refonte complète de la place du XXe Août. Ingénieur-architecte de formation, il s’intéresse également au design, et l’urbanisme est sa passion. » Il est agréable de travailler à Liège, affirme ce Montois de naissance, parce que les Liégeois sont ouverts aux idées neuves, sans a priori. »
Francis Degée: Respect et dialogue
L’industrie sidérurgique est totalement consubstantielle à la ville de Liège. Suite aux fusions et acquisitions, il ne reste pourtant plus guère de Liégeois dans les plus hautes sphères du géant Arcelor-Mittal. Mais il y a tout de même Francis Degée. Né à Huy voici cinquante-six ans, ingénieur civil diplômé de l’université de Liège, il entre à Cockerill Sambre en 1979. L’organisation efficace du travail qu’il met en place sur le site de Chertal dans les années 1990 lui vaut de se voir confier la direction des ressources humaines du groupe en 1995. Pendant huit ans, il lui faut faire avaler aux travailleurs l’alliance avec Usinor, la naissance d’Arcelor, ainsi que le fameux plan Apollo de fermeture de la phase à chaud. Son sens du dialogue et le respect qu’il porte aux travailleurs font mouche. » J’ai passé beaucoup de temps à expliquer aux gens le pourquoi des choses. Certains pourraient dire que j’ai perdu beaucoup de temps. Mais c’est important, le respect. » Après deux ans en Lorraine, il est rappelé à Liège en 2005 pour mener la fermeture de la phase à chaud qui lui est pourtant si chère : » J’ai mal vécu cette annonce. Je trouvais que c’était trop tôt, pas toujours fondé sur des arguments très solides. Mais je me suis dit que même une fermeture, il fallait pouvoir la mener avec professionnalisme. Et je ne voulais pas fuir cette responsabilité. » Fût-elle déchirante.
Fabrice Lamproye: Les belles nuits électriques
Si la Cité se montre à nouveau ardente en matière de rock, elle le doit sans aucun doute à Fabrice Lamproye. A 39 ans, ce diplômé en droit de l’ULg au look de gendre idéal secoue depuis une quinzaine d’années la culture liégeoise. D’abord, en donnant vie, dès 1992, au café-club musical L’Escalier, puis en rachetant et en aménageant, quatre ans plus tard, la gare désaffectée de Jonfosse, rebaptisée Soundstation : à la fois club, resto, studio, label musical… Le troisième volet de cette success story accouchée dans la douleur (financière) arrive au début de l’été 2006 lorsque Fabrice – en tandem avec Gaëtan Servais – lance la première édition des Ardentes, résolument » electro rock festival « . Dans le sillage du groupe vedette du jour, Indochine, 80 000 entrées sont enregistrées en trois soirées. Un score plus que satisfaisant. » L’aboutissement d’une vieille idée « , budgétée à un million d’euro, pourrait déjà trouver son équilibre financier avec la seconde édition – du 5 au 8 juillet – qui rassemblera Air, Ghinzu ou les Rita Mitsouko. L’avenir du rock à Liège, Fabrice y croit, même si la ville » amoureuse de nocturne souffre d’un sentiment d’amertume « . Préoccupations sociopolitiques qu’il transcende en citant » sa femme et ses quatre enfants » comme moteur de son épanouissement.
Infos sur www.soundstation.be et www.lesardentes.be
Benjamin Schoos : Poète pop et déjanté
Costume noir, cheveux gominés, sens de l’humour haut perché : Benjamin Schoos, alias Miam Monster Miam, a su se forger une véritable identité artistique dans le paysage musical. Né en 1977 à Seraing, où il vit toujours, il fait ses premiers pas sur la scène de L’Escalier, à Liège, à 17 ans. Soutenu par la Soundstation, il sort son premier album When I Was a Ninja en 1998, suivi de Cum at the Liquid Fancy Fair et Hey Thank ! en 2000. Le phénomène » Miam « , poète frôlant l’absurde, alliant dérision et talent, est lancé. Celui qui reconnaît que sa musique n’est pas vraiment commerciale multiplie les expériences artistiques : composition et interprétation, collages, organisation de concerts insolites, échanges avec des groupes rencontrés sur Internet. Il se fait aussi connaître, depuis quatre ans, par ses chroniques dans La Semaine/La Télé infernale et Le Jeu des dictionnaires où il capture, accent à l’appui, l’esprit de la région de Seraing. Il compose en 2005 Soleil noir, western sombre et mélancolique. Dans la foulée, il crée son label indépendant, » Freaksville Record « , via lequel il a produit une dizaine de disques. Benjamin Schoos vient de sortir son septième opus, L’Homme Libellule, voyage pop et psychédélique dans ses mondes imaginaires. Envie de science-fiction et de revival seventies : le chanteur n’a pas fini ses explorations. Et songe à un best of pour ses dix ans
Jacques Smits: L’arme de la mémoire
C’est à l’initiative de ce Sérésien d’origine que le Centre d’action laïque lançait en 1994 l’ASBL Les Territoires de la Mémoire. » L’idée est née au lendemain du dimanche noir (novembre 1991), premier gros séisme électoral causé par le retour de l’extrême droite : nous voulions faire un travail d’éducation en nous basant sur la mémoire des camps d’extermination. » Parcours symbolique permanent, édition, production de films, débats dans les écoles : les Territoires, c’est aujourd’hui 60 employés, et l’ambitieux projet » Mnema » de centre d’expression et de rassemblement citoyen dans les anciens bains communaux de la Sauvenière.
Jacqueline Depierreux: Les défis du tourisme
La FTPL, c’est sa seconde résidence. A 48 ans, Jacqueline Depierreux a mené toute sa carrière à la Fédération du tourisme de la province de Liège, qui compte cinq sites et emploie cent personnes. Elle a vu évoluer cet outil pour lequel elle remplit plusieurs missions avant d’en prendre la direction voici huit ans. Cheville ouvrière de l’informatisation, Jacqueline Depierreux entend » ancrer le tourisme dans la reconversion, développer une offre hôtelière de qualité, miser sur la diversité naturelle « . Un défi qui n’effraie guère la responsable, toujours prête à défendre les atouts de la province.
Liliane Busnello: Toutes les saveurs de l’Italie
C’est en 1948, en pleine vague de l’immigration italienne, que l’actuelle tenancière du restaurant Le Veneto débarque à Liège. A l’époque, Liliane Busnello a 18 ans. Elle travaillera durant quatre ans à l’hôpital du charbonnage de Tilleur, comme interprète pour les mineurs italiens. C’est alors qu’elle rencontre Bruno. Heureuse coïncidence : celui qui deviendra son mari est originaire du même village qu’elle, dans la région de Vénétie. Le jeune couple s’installe au-dessus du Veneto, le café des beaux-parents de Liliane. Situé rue de la Madeleine, à deux pas de la place Saint-Lambert, l’établissement attire les professeurs de l’université tout proche, ainsi que des figures politiques, qui retrouvent, grâce à l’expresso, les saveurs de l’Italie. De bistrot, l’enseigne se mue en petit restaurant. Et c’est Liliane qui est aux fourneaux. Sa carte, inchangée depuis, fait la part belle à la cuisine italienne familiale. Aujourd’hui encore, à 78 ans, Liliane fait tourner les marmites tandis que sa fille Anne-Marie dirige la salle. Bruno, âgé de 88 ans, a tenu le bar et la comptabilité jusqu’il y a peu. Mais ce n’est pas que l’assiette qui réunit les visiteurs. Le Veneto mise sur l’accueil et la simplicité, dans un décor qui n’a pratiquement pas changé durant quatre générations de clients. Une » cantine » où les Italiens immigrés trouvaient une écoute, un lien, une aide ponctuelle. Une deuxième famille, c’est » mama » qui le dit.
Jean-Michel Foidart: » Le gynécologue, un confident »
Né en 1949, Jean-Michel Foidart, directeur du service de gynécologie-obstétrique du CHU a très vite su qu’il se tournerait vers » ce métier extraordinaire, celui de donner la vie, qui fait du médecin un véritable confident « . Après trois ans de recherche aux Etats-Unis, où il participe à la découverte de la protéine laminine, il gère la maternité du Bois de l’Abbaye, avant d’enseigner, pendant onze ans, la biologie. Et de comparer son laboratoire de biologie des tumeurs et du développement à un jeu de » Lego » en perpétuelle construction. Représentant belge de la Fédération internationale de gynécologie-obstétrique, le directeur scientifique de la société pharmaceutique Mithra a reçu le prix Joseph Maisin, récompense du FNRS couronnant toute une carrière
Pierre Heldenbergh: Le Grand Soir, dès le matin
» Un foyer de contestation, d’utopie et d’alternatives : un laboratoire d’expérience sociale. » Ainsi son créateur, Pierre Heldenbergh, décrit-il l’ASBL Barricade, installée dans le quartier populaire de Pierreuse. On y trouve un groupe d’achat de produits bio, une librairie engagée, un centre de formation aux logiciels libres : » C’est, cent ans plus tard et dans un monde qui a beaucoup changé, l’esprit des Maisons du peuple « . A 34 ans, Pierre Heldenbergh n’a pourtant rien d’une caricature de révolutionnaire : il respire la sérénité. » Le Grand Soir, j’en suis revenu : il y a des choses à faire dès le matin ! » Namurois de naissance, diplômé en sciences politiques à Bruxelles, il est tombé amoureux de Liège, » une ville où tout le monde se rencontre tout le temps « .
Jean-Luc Pluymers: La reconversion en ligne de mire
A entendre son parcours, on aurait presque le sentiment que Jean-Luc Pluymers n’a pas tout à fait choisi sa voie. Une impression vite dissipée lorsque l’homme évoque avec enthousiasme les défis de sa mission au GRE-Liège (Groupement de redéploiement économique pour le Pays de Liège). Ce Sérésien, gradué en travaux publics, travaillait à la ville de Seraing. Aux débuts de la crise sidérurgique, Guy Mathot crée le GRE-Liège. Délégué syndical CGSP, Jean-Luc Pluymers reçoit une note d’orientation. Insatisfait, il la remanie. » Pris à mon propre piège puisque Guy Mathot m’a désigné, en 1986, directeur de l’Arebs (Association pour le redéploiement économique du bassin sérésien) « , se souvient Jean-Luc Pluymers, qui se forme en gestion. Son aventure à l’Arebs, dont il est resté administrateur délégué, dure jusqu’en 2000.
C’est alors que l’annonce de fermeture de la phase à chaud ébranle la région. Chef de cabinet de Guy Mathot, il est parachuté par ce dernier à la direction du GRE-Liège (fondé en 2004). Objectif : lancer les axes de reconversion du pays de l’acier.
Quand on lui reproche une certaine inaction du GRE-Liège, il rétorque : » L’outil met de l’huile dans les rouages de grandes décisions politiques ou industrielles qui ne peuvent encore être dévoilées « . Décisions d’autant plus délicates que le flou règne sur un éventuel sursis de la sidérurgie. Patron du holding COGEP qui soutient l’économie sociale, Jean-Luc Pluymers, têtu, affirme » avoir toujours eu envie d’£uvrer pour le redéploiement de sa région « . Sa solide dose d’optimisme y est pour quelque chose.
Luc Partoune: L’homme du Chili à Bierset
Avec son éternel n£ud papillon et son visage poupin, Luc Partoune n’a pas vraiment le look d’un dirigeant d’entreprise. Pourtant l’avocat fiscaliste, né à Dalhem, n’avait que 33 ans quand, après dix années passées dans les cabinets ministériels, il prend la direction générale de l’aéroport de Liège. A l’époque, celui-ci n’est d’ailleurs pas encore complètement sorti de terre. Treize ans plus tard, le » pilote » de l’aéroport estime que le plan de vol a été respecté. » Liège Airport, c’est une vraie success story économique : de très gros investisseurs se sont déployés sur le site et plus de 4 000 emplois, directs et indirects, ont été créés. Mais à Liège, contrairement à ce qui se passe dans d’autres aéroports, le souci de l’environnement n’a pas été perdu de vue. Suivez son regard vers la capitaleà L’homme est également président de l’Agence de stimulation économique, la structure de coordination du plan Marshall wallon en région liégeoise. Plus surprenant, il est aussià consul honoraire du Chili à Liège ! » Le Chili voulait la présence à Liège d’un représentant visible, et, un peu par hasard, j’ai été mis en relation avec le gouvernement chilien qui m’a conféré ce titre. Mais il ne m’a pas été demandé de favoriser les échanges économiques et culturels avec le Chili : je n’ai pas de formalités administratives à remplir. »
Laurent Minguet: Des enregistreurs vidéo à l’énergie du futur
C’est » le » grand entrepreneur liégeois. Ingénieur civil de l’ULg, cet homme de 47 ans mène depuis près de quinze ans de vastes projets. De son parcours se détachent deux orientations : le traitement numérique de l’image et le développement durable, soit » la satisfaction des besoins en tenant compte des générations futures « . Après deux ans de coopération à Casablanca et un passage chez Petrofina, Laurent Minguet rachète, avec Pierre L’Hoest, la société EVS. Ils y développent des enregistreurs vidéo numériques à disque dur. Les applications des ralentis et » replays » valent à EVS de décrocher des contrats avec des télévisions du monde entier. EVS entre en Bourse en 1998. Dans la foulée, celui qui sera proclamé manager de l’année 2004 par le magazine Trends-Tendances crée la filiale XDC, leader en Europe dans la numérisation des salles de cinéma. Depuis quatre ans, Laurent Minguet s’attelle au développement durable. Via Horizon Pléiades, il veut créer un millier de logements et 20 000 mètres carrés de bureaux thermo-efficaces. Un projet d’envergure qui, à Visé toutefois, a provoqué quelques tensions au sein de la population. Convaincu qu’on pourrait chauffer la Belgique grâce à la biomasse (résidus d’origine végétale), il investit dans CORETEC, Green-Invest et ATS, toutes actives dans le secteur, ainsi que dans un projet de plantation de bois-énergie au Sénégal. Animé par l’envie de » mettre en place des projets cohérents « , cet environnementaliste convaincu se sent bien dans sa peau d’entrepreneur. Définitivement.
Nathalie Toro: » La boxe m’a tout apporté »
Un beau et franc sourire, des yeux de jais, beaucoup d’humour et de féminité : difficile d’imaginer quand on la rencontre que Nathalie Toro est boxeuse. Et pas n’importe laquelle : l’une des meilleures du monde, bardée de titres. Sur le ring, la petite Italo-Liégeoise de 35 ans a pu rendre coup pour coup à une vie qui l’a parfois durement frappée. » J’ai eu une enfance difficile, et la boxe m’a tout apporté : le respect, le goût de l’effort, l’équilibre « , affirme-t-elle aujourd’hui, quinze ans après ses débuts. Ça se voit, ça s’entend. Sur l’adversité, Nathalie est déclarée victorieuse auxà poings.
Michel Elsdorf: Wallon et fier de l’être, nom di dju !
Le wallon ne mourra pas. Michel Elsdorf, responsable de la société d’édition Noir Dessin, en est convaincu. A condition que les expressions populaires perdurent. L’auteur du Dictionnaire des jurons liégeois (23 000 exemplaires) se moque du fait que les puristes de la langue wallonne diabolisent ses ouvrages. Ce graphiste créa Noir Dessin avec son épouse, en 1992. Première parution : un recueil de dessins de Walthéry. Les livres sur Liège et d’autres villes se sont alors multipliés, portant le catalogue à 130 titres. Défenseur du régionalisme littéraire, amoureux du folklore, Michel Elsdorf a développé une gamme de jeux, tee-shirts et gadgets aux slogans accrocheurs. En wallon, cela va sans dire.
Jean-Michel Saive: Un palmarès kilométrique
Le short relevé bien haut sur les cuisses, le bandana sur le front, les dents serrées : Jean-Michel Saive offre depuis vingt-cinq ans la même image de farouche détermination. Le » Tcho » sonore et si caractéristique qui accompagne chacun de ses points gagnants, ils sont nombreux à l’avoir entendu jusqu’à la nausée de l’autre côté de la table de ping-pong. Car » Jean-Mi « , c’est un palmarès kilométrique. Des titres et des médailles comme s’il en pleuvait. Et si la meilleure partie de sa carrière est derrière lui, le natif d’Ans, à près de 38 ans, n’a rien perdu de sa ténacité. Ni de sa légendaire bonne humeur.
Jean-Marie Hermand: Un cinéma farouchement indépendant
Au xviie siècle, deux partis opposaient les Liégeois : les Chiroux, au pouvoir, et les Grignoux, revendicateurs. Si les premiers ont donné leur nom à la bibliothèque actuelle, les seconds désignent désormais l’ASBL de cinéma et d’éducation permanente dont Jean-Marie Hermand est le responsable de projets.
Cet économiste né en 1950 est animateur aux Grignoux depuis l’âge de 25 ans. Militant aux côtés des chômeurs, nullement hargneux mais » tenace « , Jean-Marie Hermand a le combat citoyen comme seconde nature. il se souvient de l’ouverture du cinéma le Parc, à Droixhe, en 1982. Puis ce furent les trois salles du Churchill, dans le centre-ville, en 1993. D’ici à la fin 2007, les Grignoux s’étofferont d’un troisième ensemble de quatre salles, en chantier place Xavier-Neujean. De quoi augmenter la fréquentation, doubler les sièges (de 800 à 1 600) et engager 80 personnes en plus des 60 actuelles. Pourtant, Jean-Marie Hermand défend l’ASBL de toute recherche de profit. Récompensés du prix d’économie sociale en 2005, les Grignoux font vivre, selon lui, » un cinéma différent, complémentaire à celui des multiplex, où les films sont projetés en VO et où l’on ne mange pas dans les salles « . Quand quelque chose ne leur plaît pas, Jean-Marie Hermand et ses collègues le font savoir, souvent via leur journal L’Inédit, tiré à 57 000 exemplaires. Quitte à ne pas se faire que des amis. C’est là le prix de leur » farouche indépendance « .
Jacques Delcuvellerie: La scène-choc
Une pointure. Jacques Delcuvellerie, d’origine française, continue de marquer la scène liégeoise, belge et internationale d’une irrépressible envie de soulever des questions brûlantes, avec les réactions en tout genre que cela déclenche. Ce pédagogue du Conservatoire de Liège et metteur en scène a fondé, en 1980, le collectif Groupov, y développant projets expérimentaux et pièces dramatiques. L’Annonce faite à Marie, La Mouette, Anathème, Bloody Niggers : autant de moments forts d’une £uvre dont le point d’orgue se trouve au c£ur de Rwanda 94, création choc sur le génocide.
Alain Declercq: Politiquement incorrect
Autodidacte complet, le sculpteur Alain Declercq, 39 ans, est l’un des plus joyeux trublions de la vie liégeoise. Il est le créateur de la Sculpture publique d’action culturelle (Spac), le » CPAS de la Culture » : chaque fois qu’un visiteur glisse une pièce dans l’horodateur près de l’£uvre, celle-ci produit une flamme. Grâce à cette action et à des sponsors privés, il constitue une collection (publique) d’art contemporain riche déjà de 32 £uvres achetées à de jeunes créateurs. Sa fameuse Roue de feu est connue des festivaliers de Dour, et il installe sa Porte de la paix, sculpture actionnée par une poignée de main, au rond-point Schuman, à Bruxelles. » Je veux que mes £uvres aient une micro-incidence sur la cité « , affirme-t-il.
Thierry Bodson: La voix des non-actifs
Il est plutôt discret, peu fanfaron. Mais lorsqu’ un combat se profile sur le terrain social, il fait entendre sa voix avec détermination. Comptable-fiscaliste de formation, ce Liégeois de 46 ans entre à la FGTB en 1982. Au service chômage, il apprend les réalités de la sécurité sociale, » à une époque où le chômage connaît un boom » se souvient-il. Adjoint, de 1993 à 2002, du secrétaire régional de la FGTB Georges Vandersmissen, Thierry Bodson lui succède en 2002. Un 1er mai, cela n’invente pas. Celui qui s’est toujours mis au service » de ceux qui sont du mauvais côté de la barrière » assure la gestion de la FGTB Liège-Huy-Waremme (la plus peuplée de Wallonie avec 150 000 affiliés) au niveau interprofessionnel et d’être le porte-parole de la régionale en termes de sécurité sociale. La voix des » non-actifs « , en quelque sorte. Technicien » têtu « , cet ancien conseiller communal à Beyne-Heusay, » mais désormais moins intéressé par les matières communales « , a su positionner sa régionale à la pointe dans certains dossiers. Lutte contre les contrôles des chômeurs à domicile, question du temps partiel, calcul du complément de chômage, création de l’asbl Vlaams Belang, en pied de nez à l’extrême droite : autant de sujets qui tiennent à c£ur du secrétaire, lui qui prône le respect mutuel entre la FGTB et le PS. Pour ce qui est de la région liégeoise, il a confiance en l’avenir : » on voit, dans les chiffres, un frémissement, un début d’embellie pour la situation économique et sociale « .
Pierre Luthers: Le G.O. des foires et salons
Marché de Noël, Initiatives, Epicuriales, Retrouvailles, Animalia : la patte de Pierre Luthers, responsable de l’ASBL Enjeu marque (presque) tous les événements festifs et fédérateurs de Liège. Ses lieux de prédilection ? L’Espace Tivoli et les Halles de Coronmeuse où s’organisent, immuablement au fil des saisons, les salons et grands rendez-vous signés par cette association privée, soutenue par la Ville. Ce quinqua passionné d’organisation présente pourtant un profil discret. Mais le dynamisme se trouve au c£ur de ces manifestations qui ont accueilli 15 millions de visiteurs en vingt ans
Pierre Berryer: Premier sur la balle
Cheville ouvrière du projet d’hôtel cinq-étoiles Royal Sélys, Pierre Berryer s’est lancé dans la promotion immobilière il y a cinq ans, après avoir créé et revendu plusieurs sociétés informatiques. Mais le » déclic » est ancien : né d’un père liégeois et d’une mère anversoise, il a vécu dans la Métropole jusqu’à ses 18 ans. » Et avec l’argent de la vente de notre petit appartement anversois, mes parents se sont acheté une très grosse maison à Liège ! » Pour lui, Liège est » la nouvelle Bratislava » : » Le marché est ouvert, et tout le monde arrive. » Lui est déjà là. Son projet pharaonique de casino à l’ancienne Grand-Poste fait beaucoup jaser.
Robert Stéphane: L’enthousiasme du précurseur
Innover, créer du lien social via les médias qui doivent, à ses yeux, avoir une » pédagogie des enjeux de société » : tel est le fil rouge de Robert Stéphane, qui a consacré sa vie aux médias. Né en 1932, ce Liégeois débute sa carrière à la radio de l’INR (ex-RTBF), en 1954. A 23 ans, il présente le tout premier journal télévisé. Un doctorat sur la sociologie de la télévision le conduira aux Etats-Unis, où il se familiarise avec la notion d’audimat. De 1961 à 1963, Robert Stéphane dirige le bureau d’études de la RTBF. Mais le terrain le démangeà Il dirige le studio liégeois ertébéen, qu’il transforme en centre de production. A son actif figure la création de RTC (télévision locale) en 1964, de TV5 en 1983, de l’émission Striptease – qui fera grincer des dents au conseil d’administration – et de la première télévision serbo-croate à Sarajevo, » autre chose que d’essayer d’unir MR et PS « , ironise le spécialiste, lui-même socialiste. Le patron de la chaîne publique de 1984 à 1993 créera en outre Vidéographies, une collection numérisée d’art vidéo. » Puis j’ai voulu me réinvestir fortement au niveau local « , rappelle-t-il. Convaincu que la reconversion passera, aussi, par la culture, il énumère les projets en chantier. Son cheval de bataille ? La création, d’ici à 2009, de la première télévision urbaine, série d’écrans géants installés aux endroits stratégiques de l’agglomération, » car la métropole doit affirmer son identité dans les esprits « . Son amour pour sa ville ne voile néanmoins pas sa lucidité : » Liège ne se sauvera pas toute seule ! »
Pinky Pintus: Quand les meubles ont une âme
D’origine italienne et gaumaise, Pinky Pintus a élu domicile à Liège. Artiste spécialisée dans la conception de meubles originaux, elle est présente dans de nombreux salons internationaux. Elle entend créer des » objets durables « , préférant ce terme au » design » qu’elle juge éphémère. Flexible, écologique et passionnée par la matière, elle rêve de lancer une ligne à son nom, avec les objets qu’elle fabrique, à ce jour, en édition limitée. Preuve que son travail, ses » lampes bidon » et son » mobilier mobile » rencontrent un énorme succès : sa petite boutique se dédoublera bientôt d’un espace d’exposition à Saint-Léonard.
Sylvie Henquin: La passion salvatrice
C’est » par pure passion » que cette patronne française, jusque-là active dans l’informatique, sauve, en 2002, la célèbre Cristallerie du Val Saint-Lambert, à Seraing, de la disparition pure et simple. De ce fleuron du passé industriel liégeois, devenu exsangue, elle a refait, en quelques années, une entreprise qui marche, diversifiant la production, faisant appel à des designers de renom, introduisant son entreprise en Bourse et ouvrant des boutiques dans les grandes capitales du monde. Comme ce cristal qu’elle adore, elle est un subtil mélange de délicatesse et de solidité.
Mgr Aloys Jousten: Entre rigueur et ouverture
Né à Saint-Vith, en 1937, de parents agriculteurs, Aloys Jousten suit des études au petit séminaire de Saint-Trond, puis au grand séminaire de Liège. Il est ordonné prêtre par Mgr van Zuylen en 1962 et devient docteur en théologie en 1966. Directeur de l’institut épiscopal Heidberg d’Eupen, vicaire à Amel, doyen à Eupen, ce voyageur infatigable allie rigueur et ouverture culturelle. Il est sacré 91e évêque de Liège en 2001 par le cardinal Godfried Danneels, dont il est considéré comme un des successeurs potentiels. Avec un atout incontestable : selon ses proches, il parle, écrit et rêve en français, en néerlandais et en allemand
Bernadette Merenne-Schoumaker: La géographie au service du redéploiement
» Il me faudrait trois vies ! Deux pour le travail et une pour moi. » Bernadette Merenne, 63 ans, a le regard perçant et le débit roulant de ceux qui ont le cerveau toujours en éveil. Née à Namur, docteur en sciences géographiques de l’Université de Liège où elle enseigne, elle crée en 1986 le Service d’études en géographie économique fondamentale et appliquée (Segefa), un bureau d’études interne à l’Université, mais qui s’autofinance. » J’ai toujours eu l’envie d’entreprendre. J’ai cette fibre-là. La création du Segefa avait un double objectif : aider les jeunes diplômés en géographie à s’insérer dans le monde du travail et montrer l’importance de la géographie au niveau économique et social. Beaucoup de projets économiques et commerciaux ont une dimension spatiale qui me paraissait nécessiter une approche géographique. » Bingo : 20 ans et 250 contrats plus tard, plus rien ou presque ne se fait en région liégeoise sans consulter le Segefa, qui dispose d’une banque de données statistiques et analytiques précieuse. Via le Segefa, Bernadette Merenne est la première à travailler sur la reconversion des friches industrielles, sujet désormais au centre des préoccupations du redéploiement économique. Elle est également passionnée de pédagogie, et contribue, à mi-temps, au développement du futur centre pédagogique de l’université.
Vincent Bourlard: Une vie rythmée par le rail
La voie qu’a empruntée Vincent Bourlard, administrateur délégué d’ Euro Liège TGV, épouse celle des lignes belges à grande vitesse. En 1969, cet Hennuyer débarque à Liège pour y décrocher un diplôme en droit. Séduit par la ville et ses habitants, il s’y établit. Engagé à la FGTB à Liège, il rejoint ensuite le centre d’étude bruxellois du syndicat socialiste. Et découvre la vie de navetteur. Le succès du TGV Paris-Lyon, en 1981, » à une époque du tout-à-la-voiture « , le marque profondément. D’autant que le chemin de fer belge montre des signes de faiblesse. » Je me passionne pour le sujet « , se souvient celui qui plaide pour un passage de la ligne Bruxelles-Cologne par Liège. La décision positive est acquise en 1991, quand Vincent Bourlard est nommé administrateur à la SNCB. Il devient directeur d’Euro Liège TGV, créé deux ans plus tard. La dynamique se met en marche pour la construction d’une nouvelle gare dont la maquette, signée Calatrava, est présentée en 1997. Vincent Bourlard, parfois découragé par les critiques et les retards, reste convaincu qu’il s’agit là d’un geste fort. Et que le train, désormais sur les rails, arrivera bel et bien en gare. Celui qui a démenti, en 2002, avoir exercé la moindre pression sur Christian Heinzmann, administrateur délégué démissionnaire, est actuellement l’un des directeurs généraux de SNCB-Holding. Amoureux de » sa » gare, l’homme s’imprègne même de son atmosphère collégiale une fois la nuit tombée. Sa devise, à 55 ans : » Tenir bon, même quand on sait que le chemin sera long « .
Georges Hennen: Eminent précurseur
Les anciens étudiants en médecine de l’université de Liège connaissent bien le septuagénaire, professeur de biochimie à la retraite, fondateur de Techland et Biocode. Né à Liège, médecin spécialisé en endocrinologie puis en médecine nucléaire, il a assumé, de 1989 à 2002, la lourde et triple charge de professeur de biochimie générale, humaine et pathologique, en 2e et 3e candidatures. Ses trois ouvrages publiés font autorité en Belgique et dans des universités françaises. Mais Georges Hennen a surtout créé en 1981 la toute première » spin-off » : la SA Techland, société de biotechnologie. Aujourd’hui, ces petites entités destinées à développer et à commercialiser les applications des travaux des unités de recherche universitaire sont encouragées et font partie des structures sur lesquelles Liège entend bâtir sa reconversion. Mais, à l’époque, l’initiative du Pr Hennen est une hérésie : » Le retour financier pour l’université a très vite été considérable, mais j’ai dû affronter les jalousies universitaires et les man£uvres de nos concurrents industriels. Nous avons fait l’objet de plusieurs enquêtes menées par le ministère du Commerce. » Inimaginable, aujourd’hui. Très largement débroussaillé par Techland (entre-temps devenue Zentec), le terreau des spin-off est aujourd’hui fertile. Le Pr Hennen en a créé une deuxième en 1989, Biocode-Hycel. Il pratique toujours la médecine à Liège.
Michel Antaki: Jardinier du Paradoxe
C’est avec un mémoire intitulé » Un explorateur syrien dans une commune du nord-ouest de l’Europe : Seraing » que Michel Antaki, venu du Liban en 1966, fourbit ses armes à Liège, » dernière ville latine du Nord « . Urbaniste et architecte, ce grand défenseur de l’insulte a choisi l’animation culturelle. Ce » bouffon du roi » fonde le Cirque Divers, qui rythmera le microcosme liégeois jusqu’en 1999, année où il a dû replier son chapiteau. Michel Antaki créera alors l’ASBL » D’une certaine gaieté « , héritière du Cirque Divers, dont elle a sauvegardé l’esprit, grâce notamment à des réalisations telles que le Jardin du paradoxe. Trublion au caractère trempé, le rédacteur en chef du mensuel C4 explore la question de l’identité.
Sophie Neuforge: Un autre regard sur la toxicomanie
Trouver un équilibre entre l’aide aux personnes toxicomanes et l’intérêt de la collectivité : tel est le but de cette Liégeoise de 46 ans, psychologue de formation. Ancienne directrice du Clean, premier centre liégeois résidentiel de crise pour toxicomanes, elle a abordé de front la détresse que provoque cette maladie. » Après cette expérience, plus aucun métier ne pouvait me faire peur ! » En 1995, elle devient responsable du volet toxicomanie du contrat de sécurité de Liège et chef de projet de l’Observatoire des drogues. Une fonction » difficile « , où elle découvre l’enthousiasme d’une équipe soudée, même si elle est souvent confrontée à des situations très délicates.
André Delecour: Le garant du Code
Patron de la Direction générale de l’aménagement du territoire, du logement et du patrimoine (DGATLP) de la Région wallonne à Liège, André Delecour dispose, à ce titre, de la délégation de signature du ministre. Il est le haut fonctionnaire chargé de faire respecter la lettre du très nébuleux Code wallon de l’aménagement du territoire (Cwatup). Son avis est contraignant pour tout ce qui touche à la légalité. Quand les projets sont d’utilité publique, c’est-à-dire menés ou subventionnés par la Région, c’est son service qui délivre ou refuse l’indispensable permis d’urbanisme. Autant dire que, si l’homme est totalement inconnu du grand public, pas un projet d’importance ne se développe sans lui. Très apprécié de son équipe presque entièrement féminine ( » un pur hasard ! « ), cet architecte de formation de 54 ans est un homme de dialogue et de synthèse. Lui qui a entamé sa vie professionnelle par un service civil de deux ans est aussi très attaché à la notion de service public : » L’intérêt public est la première de nos préoccupations : nous devons aider à trouver une harmonie de développement. Ce n’est jamais facile. » Mais c’est primordial.
Emile-Louis Bertrand: Directeur du Port autonome de Liège
Avec ses 20 millions de tonnes annuelles de transit, dont 14 par voie d’eau, le Port autonome de Liège (PAL) est le troisième port intérieur européen : il prend en charge, à lui seul, 60 % du trafic wallon. Autant dire qu’il représente l’un des atouts majeurs de la ville pour assurer son redéploiement économique. Son directeur est pourtant un homme discret et méconnu. Né à Liège il y a cinquante ans, licencié en droit de l’université de Liège, Emile-Louis Bertrand est de la race des grands commis d’Etat. Juriste au gouvernement provincial puis au ministère fédéral de l’Intérieur, attaché dans différents cabinets ministériels wallons, il débarque au PAL en 1998 pour y faire office de bras droit de Marie-Dominique Simonet. Quand celle-ci devient ministre régionale wallonne et communautaire, en 2004, il se retrouve seul à la barre. Une succession difficile : il faut faire face à la diminution du trafic sidérurgique pendant qu’Arcelor ferme peu à peu ses outils liégeois. Trois ans plus tard, l’homme se dit fier de son bilan : » Nous avons renoué des liens devenus inexistants avec le port d’Anvers, concrétisés d’ailleurs dans le Groupement d’intérêt économique qui mène le projet de plate-forme trimodale d’Hermalle-sous-Argenteau. Et nous sommes parvenus à faire glisser le port vers le futur. » Et, à l’en croire, le renouveau liégeois, dont certains doutent, ce n’est » pas du vent » : les collègues étrangers qu’il accueille régulièrement dans la Cité ardente affirment ne plus la reconnaître.
Guy Fontaine: Wallon, slavon: même combat
Dans la charmante église bleue de Laveu, Guy Fontaine, recteur de la paroisse orthodoxe de Liège, reçoit 300 personnes par mois lors des liturgies qu’il célèbre en slavon, langue liturgique russe. A son activité de prêtre, il faut ajouter la carrière journalistique. En effet, Guy Fontaine fut, durant dix ans, le président belge de l’Union de la presse francophone. Engagé à la RTBF en 1973, l’ancien instituteur anime alors Liège-matin et produit des Billets wallons et des émissions consacrées à cet idiome qu’il affectionne. En témoignent les Mots wallons qu’il diffusa sur antenne, aujourd’hui publiés.
Bouli Lanners: L’anti-strass du cinéma belge
Machiniste, régisseur, décorateur : Bouli Lanners, né à La Calamine en 1965, a exercé tous les métiers de coulisses auprès des Snuls, avant de devenir comédien, scénariste et réalisateur. Benoît Mariage lui offre son premier rôle dans Les convoyeurs attendent. Il a enchaîné une vingtaine de films, dont Bunker Paradise et le prochain Astérix, et s’apprête à tourner un road-movie où il incarne le personnage principal, après Ultranova sorti en 2005. Voyageur, cet amoureux de contre-culture – en témoigne son » festival officiel « , axé sur le cinéma brut – conserve son port d’attache à Liège, où il vit sur une péniche.
Danielle Reynders: Procureur du roi de Liège
Son frère Didier, vice-Premier ministre, ministre des Finances et président du MR, est puissant, très puissant. Elle, plus de vingt ans à l’instruction, doit se battre tous les jours pour justifier sa place. Installée depuis le 3 avril, elle fait face à une menace d’annulation de sa nomination à la tête du parquet de Liège, annulation recommandée par l’auditeur du Conseil d’Etat, sur la base d’un recours introduit par une candidate malheureuse. Le même scénario qu’en 2000, lors de son éviction de la présidence du tribunal de première instance de Liège.
De la combativité, il lui en faut aussi pour s’attaquer au fléau qui frappe Liège au quotidien : les trafics de drogue et la toxicomanie, l’exploitation de la misère des étrangers en séjour illégal par des trafiquants d’êtres humains et autres marchands de sommeil. Tenir un parquet qui compte 43 magistrats et une centaine d’employés n’est pas une sinécure. Mais elle a, dit-on, du sang-froid, de l’intelligence, du courage et – ce qui n’apparaît pas de prime abord tant elle est réservée – de l’humour. Juge d’instruction, elle savait faire preuve d’humanité en ordonnant des » mainlevées « , c’est-à-dire en libérant sans plus de formalités des inculpés dont elle estimait que leur place n’était plus en prison. Par exemple : lorsqu’un bébé fut enlevé à l’hôpital de la Citadelle et qu’elle ne prolongea pas la détention de la kidnappeuse, malgré une intense émotion collective
Pierre Verjans: En toute modestie
» Parler de moi ? Quelle ineptie ! » Si, avec une modestie qui n’a rien de feint, Pierre Verjans nie faire partie des Liégeois qui comptent, force est de constater que les analyses de ce chef de travaux en politologie générale à l’université de Liège sont très sollicitées et écoutées. C’est un habitué des plateaux télé et des colonnes des journaux. Les travaux de ce Visétois de 51 ans vont de l’analyse micropolitique locale à la gouvernance internationale via un réseau d’études international, en passant parà le Congo, qu’il a aidé à se doter d’une Constitution et d’une loi électorale, avec la collaboration de ses collègues congolais. Son regard sur la politique liégeoise est sans complaisance : » Une étude assez bien faite appelée Liège 2020 avait imaginé, voici quelques années, quatre scénarios possibles pour la ville à cet horizon. J’ai bien peur que nous ne soyons en plein dans la pire des situtations, appelée » les loups entre eux « . On ne parvient malheureusement pas à rassembler les énergies. On est toujours dans la division, les tiraillements. Liège a pourtant des atouts, notamment géographiques, c’est une ville universitaire où on rencontre donc beaucoup d’intellectuels et qui produit des hommes et des femmes politiques de qualité. Mais on y manque d’un regard constructif et fédérateur sur la ville. »
Yaël Nazé: Sous une bonne étoile
A 30 ans, Yaël Nazé, docteur en sciences, chercheuse à l’Institut d’astrophysique de l’université de Liège, auteur de publications et conférencière, vient d’être élue femme de l’année 2007. Après avoir obtenu le prix de vulgarisation scientifique de Haute-Maurienne pour son premier livre Les Couleurs de l’Univers, cette Montoise d’origine, attentive au statut des femmes, a reçu la Plume d’or pour son deuxième ouvrage, L’Astronomie au féminin, paru en 2006. Un angle de vue original pour cette passionnée du ciel et de ses constellations.
Louis Smal: Le c£ur à l’ouvrage
La voix rocailleuse, le verbe haut, Louis Smal fut, avec son vieil ami Josly Piette, de tous les combats syndicaux, d’abord à la tête des métallos de la CSC puis comme président de la fédération Liège-Huy-Waremme. Orphelin de père dès ses 9 ans, il apprend très tôt la valeur du travail et entre à 18 ans à la Fabrique nationale de Herstal, véritable vivier de vocations syndicales. Député fédéral CDH sortant, il est désormais aussi le président de la » Familles des Rouches « , ASBL qui fédère les clubs de supporters du Standard de Liège, où son sens du dialogue et sa chaleur humaine font mouche.
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