L’ÉCHEC (BIO)MASSIF DE LA FLANDRE

Joyce Azar Journaliste VRT-Flandreinfo et co-fondatrice de DaarDaar

« La Flandre est douée pour dire ce dont elle ne veut pas : de préférence pas de centrales nucléaires, pas de biomasse onéreuse, pas d’éoliennes dérangeantes, et pas de panneaux solaires coûteux.  » Cet extrait d’un article du Morgen du 4 mai en dit long sur la politique énergétique du nord du pays. Le débat occupe les esprits depuis plusieurs années, mais la démission de la ministre flamande de tutelle, Annemie Turtelboom, le 29 avril dernier, a fait apparaître au grand jour la complexité du dossier, et l’indolence politique dont il a fait l’objet.

Tout est parti d’un excès de certificats verts trop longtemps accordés par les autorités flamandes aux entreprises et particuliers désireux d’investir dans une énergie durable. Très vite, le succès des panneaux solaires vire à l’endettement. Pour combler le trou, une taxe sur l’électricité, rebaptisée Turteltaks, est instaurée. D’un montant de 9 milliards, elle doit, dans la foulée, soutenir l’objectif climatique européen imposant à la Flandre de produire 10,5 % d’énergie verte d’ici 2020. Un objectif qui, dans l’état actuel, semble hors de portée. Tout comme le sont les solutions pragmatiques.

C’est pourtant ce qu’a tenté de trouver le gouvernement flamand en investissant dans deux centrales à biomasse. Mais, retournement de situation, les subsides ont récemment été annulés, in extremis. En cause : l’énergie biomasse ne serait pas si durable qu’on ne l’affirme. Pourquoi aura- t-il fallu autant de temps aux dirigeants pour comprendre que l’importation de granulés de bois venus d’Amérique du Nord n’était pas une réponse écologique en soi ? D’aucuns évoquent des intérêts privés dans l’investissement. Qu’il s’agisse de faveurs, de manque d’expertise ou de négligence politique, la marche arrière du gouvernement flamand risque de lui coûter cher, puisque l’entreprise gantoise chargée de la construction d’une des centrales envisage de réclamer des dommages et intérêts.

C’est donc avec une sérieuse épine dans le pied que le nouveau ministre flamand de l’Energie, Bart Tommelein, Open VLD comme Turtelboom, s’affaire à trouver des solutions. Sa première proposition en étonnera plus d’un, puisqu’elle relève d’un retour à la case départ :  » Installez des panneaux solaires, même s’ils ne sont pas subsidiés « , a-t-il lancé lors de sa première intervention officielle. Pour convaincre, Tommelein, qui s’autoqualifie de  » libéral vert « , joue la carte économique, arguant qu’un tel investissement est finalement plus rentable qu’un compte d’épargne bancaire. Pas sûr toutefois qu’il parvienne à séduire les particuliers, dont la confiance est au plus bas. Dans une tentative d’encouragement, le ministre appelle le gouvernement flamand, mais aussi le fédéral, à montrer l’exemple :  » Le ministre de l’Intérieur pourrait munir les bâtiments publics de panneaux solaires. La Défense aussi a beaucoup de place pour en installer.  » Il est vrai que l’armée détient un espace écologiquement conséquent, d’autant que ses bases aériennes empêchent la construction de parcs éoliens en Flandre. Deux cent turbines suffiraient pourtant à remplacer deux centrales à biomasse.

L’absence de continuité politique et de vision environnementale à long terme joue aujourd’hui en défaveur d’une Flandre pourtant exemplaire dans bien des domaines. Jusqu’ici, les décisions semblent avoir été motivées par des calculs financiers à court terme, plutôt que par l’opportunité d’un renouveau économique. Des projets audacieux et une once de courage politique pourraient changer la donne… d’ici 2050.

Joyce Azar

 » L’absence de continuité politique et de vision environnementale à long terme joue aujourd’hui en défaveur de la Flandre  »

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