Le WC non genré
Des toilettes mixtes et ouvertes à l’école maternelle, puis, dès 6 ans, voilà que l’école sépare les filles et les garçons. Plusieurs associations réclament à nouveau des WC non genrés dans les établissements scolaires. C’est le cas de la Ligue des droits de l’enfant. Pour son président, le droit fondamental à l’inclusion scolaire implique d’équiper toutes les écoles de toilettes dégenrées. En d’autres termes, des toilettes ni pour filles ni pour garçons, mais des toilettes neutres pour que chacun puisse choisir. Qui restent très souvent évitées par les élèves: 70% se retiennent ou sont tellement gênés par l’odeur qu’ils diffèrent le plus possible leurs visites, selon une enquête Geberit/iVox, publiée en 2022. Ce rejet est enfin pris au sérieux par les autorités et, précisément, depuis le printemps 2020. En Fédération Wallonie-Bruxelles, une enveloppe de 25 millions d’euros est à disposition des écoles qui souhaitent rénover leurs sanitaires. «La question d’égalité de genre est un des paramètres», lit-on dans le dossier de candidature. Edith Maruéjouls, géographe et spécialiste des questions d’égalité dans l’espace public, observe, depuis dix ans, les cours de récréation et les toilettes. Elle note que c’est dans ces endroits cloisonnés que se déroulent harcèlement et humiliations. Pour elle, penser que la non-mixité règle ces problèmes est une erreur ; parfois même, elle les aggrave. Mine de rien, cet espace, à la fois privé et public, demeure partout stratégique, sensible, pour les questions de genre. C’est ce qu’étudie Kathryn Anthony, professeure d’architecture à l’université de Chicago. Les femmes passent en moyenne deux fois plus de temps aux toilettes que les hommes, pour diverses raisons: elles doivent en partie se déshabiller, puis se rhabiller, changer leur protection hygiénique lorsqu’elles ont leurs règles… Ce sont elles aussi qui, la plupart du temps, emmènent les enfants au petit coin, sans oublier le fait que les tables à langer se trouvent généralement dans les toilettes des femmes. Or, selon Kathryn Anthony, la plupart des lieux publics prévoient le même nombre de toilettes pour les hommes que pour les femmes. Résultat: ça bouchonne très souvent. Le journal britannique The Guardian s’est amusé à chiffrer ceci: si 150 hommes et 150 femmes – soit le nombre d’élèves d’un petit établissement – se rendent dans des WC non mixtes comportant chacun six cabinets, le temps d’attente sera respectivement de vingt-sept secondes et… de sept minutes et quarante secondes. CQFD.
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