N’en déplaise à ses détracteurs, Coco Gauff a prouvé qu’elle pouvait gagner un Grand Chelem. © getty images

Le plan de Coco Gauff pour devenir la meilleure joueuse de tennis de l’histoire

A seulement 19 ans, la star du tennis américain Coco Gauff a remporté l’US Open l’année dernière. Ne la comparez pas pour autant à Serena Williams: elle veut la dépasser.

Après un revers gagnant, elle tombe dos contre terre, emprisonne son visage entre ses mains et se met à sangloter. Lorsqu’elle salue ensuite son adversaire Aryna Sabalenka et va saluer sa famille dans les tribunes, les larmes de Coco Gauff coulent encore plus abondamment. Elle est devenue la nouvelle championne de l’US Open, la plus jeune depuis que son idole Serena Williams a remporté son premier titre en Grand Chelem à 17 ans, en 1999. Les 23 000 spectateurs de l’Arthur Ashe Stadium, plein à craquer et richement garni de célébrités, applaudissent à tout rompre. La clameur est loin de s’interrompre quelques instants plus tard lorsqu’elle brandit le trophée vêtue d’un tee-shirt tout neuf arborant l’inscription «Call Me (Coco) Champion».

Quand elle m’a dit qu’elle voulait devenir numéro 1 mondiale, je ne pouvais que la croire.

Son sponsor, New Balance, avait intelligemment anticipé une victoire en imprimant de nouvelles versions des tee-shirts conçus à l’été 2019. Coco Gauff avait alors atteint le tableau principal du tournoi de Wimbledon à 15 ans seulement, devenant la plus jeune joueuse à l’avoir fait. Loin de s’en contenter, elle avait même atteint les huitièmes de finale, écartant sur son passage la reine des lieux, Venus Williams (cinq fois sacrée à Londres). A new star was born. Une star que l’on appelait alors le plus souvent Cori, son vrai prénom. Celui de son père étant Corey, la prodige avait préféré utiliser son surnom: Coco. Il n’en fallut pas plus à New Balance pour créer la campagne «Call me Coco».

Quatre ans et de nombreuses péripéties plus tard, la marque y a donc ajouté «Champion». Un premier pas vers la concrétisation d’un souhait formulé par Gauff à l’âge de 4 ans, lorsqu’elle avait regardé la finale de l’Open d’Australie 2009 avec son père et vu Serena Williams l’emporter. Corey avait ce jour-là surnommé Williams la «Goat», expliquant à sa fille que l’acronyme signifiait «Greatest of All Time» (la plus grande de tous les temps). Réponse de Coco: «Papa, je veux être la Goat!» Huit ans plus tard, l’objectif n’était plus si irréaliste: Gauff remportait, à 12 ans, le Junior Orange Bowl, la Coupe du monde non officielle des 12-14 ans. Les seules à l’avoir fait avant elle à cet âge? Steffi Graf, Monica Seles et Jennifer Capriati, détentrices, ensemble, de 34 titres du Grand Chelem. Par la suite, l’adolescente de Delray Beach, en Floride, a continué de s’exprimer devant la presse américaine sur son désir de s’imposer comme la Goat. Sur Instagram, elle a en outre précisé qu’elle ne voulait pas être la nouvelle Serena Williams, mais la première Cori «Coco» Gauff.

Père et entraîneur, deux rôles que Corey Gauff n’a plus souhaité concilier.
Père et entraîneur, deux rôles que Corey Gauff n’a plus souhaité concilier. © getty images

Sur la voie des Williams

Le sport fait partie de l’ADN de Coco Gauff. Son père a longtemps brillé sur les parquets de basket-ball avec l’équipe de l’université d’Etat de Géorgie. Sa mère, Candi, a excellé comme gymnaste et athlète polyvalente au lycée et à l’université. Si Coco est longtemps restée plus petite que ses camarades, elle a compensé par ses longs bras, sa vitesse, sa force et son agilité. Dès son premier stage de tennis à l’âge de 6 ans, sa technique s’est aussi révélée exceptionnellement bonne. A peine deux ans plus tard, elle se faisait déjà un nom dans les académies de tennis de Floride. Lorsque l’entraîneur Gerard Loglo, qui avait travaillé avec les sœurs Williams, l’a vue à l’œuvre pour la première fois, il a tout de suite été convaincu: «Votre fille sera un jour une championne», avait-il prédit à Corey Gauff.

Déjà à 15 ans, elle entrait sur le court de l’US Open telle une superstar.

Lui et sa femme n’ont pas eu besoin d’être convaincus. Pour preuve, ils ont quitté leur emploi pour épauler Coco à plein temps. Corey est devenu entraîneur, Candi a scolarisé sa fille à domicile et s’est occupée de l’éducation de ses deux jeunes frères. Les parallèles avec les idoles de Coco, les sœurs Williams, sont frappants. Richard Williams avait lui aussi consacré sa vie à l’éducation tennistique de ses filles. Avec pour seul objectif d’en faire les meilleures du monde. Coco Gauff a également joué sur les mêmes courts de Pompey Park, à Delray Beach, que Venus et Serena lorsqu’elles étaient adolescentes, et elle s’est entraînée dès l’âge de 10 ans à Nice, à l’académie de Patrick Mouratoglou, l’ancien entraîneur français de Serena. Déjà à l’époque, il avait été impressionné par les qualités générales de Coco et sa mentalité de gagnante: «Quand elle m’a dit qu’elle souhaitait devenir numéro un mondial, je n’ai pas pu m’empêcher de la croire.»

Ses exploits sur le court le justifiaient: jeune adolescente, elle dominait ses rivales, aux Etats-Unis et au-delà. Elle a non seulement remporté le Junior Orange Bowl mais aussi, deux ans plus tard, en 2018, l’US Open juniors , toujours en tant que plus jeune joueuse de l’histoire. Pourtant, tout n’a pas été rose. Sa relation avec son entraîneur et père, notamment, fut parfois très tendue: il était très critique, et elle, en pleine adolescence, répliquait à la moindre parole. Jusqu’à ce que sa mère intervienne et mette les deux protagonistes d’accord: Coco devait apprendre à distinguer son père de l’entraîneur, Corey devait adapter sa façon d’entraîner et comprendre qu’il était avant tout un père.

Percée à Wimbledon

Ce fut un point de bascule dans leur relation. Et un coup de pouce supplémentaire pour la carrière de Coco qui, l’année suivante, en 2019, se hissait en huitièmes de finale à Wimbledon, chez les adultes. Lors de l’US Open qui suivit, la hype Coco Gauff était devenue énorme aux Etats-Unis. Jusqu’à l’affrontement avec la championne en titre, Naomi Osaka, au troisième tour. Cette rencontre fut cinglante: la Japonaise balaya la jeune Américaine, ne lui laissant que trois jeux et des flots de larmes sur le visage dans la foulée d’une balle de match bien plus rapide que prévu. Dans un geste de consolation, Osaka lui proposa de faire ensemble la traditionnelle interview d’après-match, à même le court. Du haut de ses 15 ans et bien que rongée par le chagrin, Coco Gauff ne s’est pas démontée. Immédiatement, elle a su qu’elle apprendrait beaucoup de cette défaite. Peut-être même ce match deviendrait-il l’un des plus importants de sa carrière. A raison puisqu’elle remporta son tout premier tournoi WTA, à Linz, un bon mois plus tard.

Les courts de Pompey Park, à Delray Beach, terrains de jeu des sœurs Williams et... de Coco Gauff.
Les courts de Pompey Park, à Delray Beach, terrains de jeu des sœurs Williams et… de Coco Gauff. © getty images

Après une saison moins aboutie et plombée par la crise sanitaire en 2020, la courbe de progression de la jeune athlète a poursuivi son ascension en 2021 avec une victoire à Parme, puis un premier quart de finale dans un tournoi du Grand Chelem sur la terre battue de Roland-Garros. En 2022, Gauff a fait encore mieux à Paris, où elle a atteint la finale à seulement 18 ans. Malgré une défaite sans discussion face à Iga Swiatek, la hype Coco s’est encore amplifiée. Lors des quatre levées du Grand Chelem suivantes, pourtant, les performances de la toujours très jeune Américaine n’ont pas atteint les sommets espérés. Elle a échoué à trois reprises entre le troisième tour et les quarts de finale, avant de quitter Wimbledon dès son premier match, trahie par un coup droit toujours trop fébrile dans les moments de vérité.

Les parallèles avec les sœurs Williams, ses idoles, sont frappants.

Son père avait donc décidé, avant même Wimbledon, de faire un choix humainement difficile mais crucial: se retirer du poste d’entraîneur principal de sa fille. Rien n’était cassé, mais une nouvelle approche, moins émotionnelle, avec des personnes extérieures et expérimentées, était nécessaire, selon lui. Après concertation avec Coco, Pere Riba et Brad Gilbert ont été engagés, en deux temps, respectivement comme entraîneur et conseiller. Gilbert, 62 ans, ex-entraîneur d’Andre Agassi, entre autres, avait travaillé les dernières années comme analyste pour la chaîne ESPN et devait utiliser ses connaissances pour pousser Coco à plus d’intelligence tactique. Son premier objectif: exploiter davantage les meilleures armes de la joueuse (agilité, vitesse, revers et service) plutôt qu’affiner son «faible» coup droit.

Sur le plan mental, Gilbert a également amené Coco à penser différemment. Bien qu’elle se soit toujours fixé un objectif de carrière très ambitieux et franc – devenir la Goat – l’Américaine manquait souvent de confiance et de combativité lorsqu’elle était menée au score. Cette nouvelle approche a immédiatement porté ses fruits: Gauff a remporté son premier tournoi WTA 500 à Washington et a enchaîné avec un titre dans le tournoi Masters 1000 (le niveau juste sous les grands Chelems) de Cincinnati. Elle y a battu pour la première fois en huit matchs son adversaire redoutée, la numéro 1 mondiale Iga Swiatek.

Coco Gauff et les épreuves de Dieu

Ainsi, pour la première fois de sa carrière, Coco Gauff a entamé le dernier US Open en étant l’une des favorites. Celle qui avait le plus de pression sur les épaules d’ailleurs, puisqu’elle jouait devant son public, là où elle avait craqué en 2019 face à Naomi Osaka. Cette fois, pas question de s’incliner. Par trois fois au cours du tournoi, elle a perdu le premier set – au premier et au quatrième tour et en finale contre Sabalenka – mais à chaque fois, elle a inversé la tendance. Au cours des trois matchs, contre des joueuses aux styles de jeu totalement différents, elle a trouvé la clé pour s’adjoindre les deuxième et troisième sets. L’adolescente volatile d’antan est devenue une gagnante inébranlable en Grand Chelem, une championne capable de vaincre sans même évoluer à son meilleur niveau tout au long de la confrontation. Grâce aux obstacles rencontrés ces dernières années. «Dieu m’a mise à l’épreuve. C’est pourquoi ce moment a un goût encore plus doux que je n’aurais pu l’imaginer», a déclaré la championne.

Pour elle, cette victoire est aussi une revanche sur les critiques qui, sur les médias sociaux, avaient prédit qu’elle ne remporterait jamais un Grand Chelem. «Ceux qui pensaient pouvoir éteindre ma flamme l’ont tellement alimentée. Ce n’est pas agréable, mais je suis très têtue et je m’inspire de cette négativité. En ligne, je ne pouvais pas répondre, alors j’ai répondu avec ma raquette», a-t-elle lancé aux journalistes après la finale.

Surtout, Coco Gauff a appris à relativiser la pression. «Les gens qui luttent pour subvenir aux besoins de leur famille et qui ne savent pas où ils trouveront leur prochain repas… c’est la vraie pression, celle de la vraie vie. Je suis dans une position privilégiée. Je suis payée pour faire ce que j’aime. Même si je perds, je sais que j’aurai toujours une vie fantastique.»

La victoire reste néanmoins sa plus grande motivation. Elle n’a pas oublié cette petite phrase, glissée à son père devant une Serena Williams qui rayonnait de l’autre côté de l’écran: «I want to be the Goat.»

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