© FRÉDÉRIC RAEVENS

Le lapin blanc de la gauche anversoise

Joyce Azar Journaliste VRT-Flandreinfo et co-fondatrice de DaarDaar

Détrôner Bart De Wever (N-VA) de son poste de bourgmestre d’Anvers : voilà ni plus ni moins le défi que deux partis progressistes ont décidé de relever, ensemble, lors des élections communales de 2018. Ensemble (Samen) est d’ailleurs le nom de cette alliance entre les écologistes et les socialistes flamands. Ne dites surtout pas  » cartel « , car la nouvelle liste électorale n’est pas exclusivement réservée au petit club politique Groen/SP.A. Une nouvelle stratégie – très à la mode ces temps-ci – s’impose : inclure, parmi les candidats, des personnes issues de la société civile. Vingt pour cent au total avec, en bonne place sur la liste, une figure pour le moins particulière : une femme flic d’origine étrangère.

Jinnih Beels, 40 ans, fait ici office de  » lapin blanc  » (wit konijn), terme utilisé en Flandre pour définir un candidat ne provenant pas de la sphère politique. La commissaire, longtemps cheffe du service diversité de la police d’Anvers, n’a pas été choisie au hasard. Placée en deuxième position, entre le candidat bourgmestre et ex-président de Groen, Wouter Van Besien, et le président des socialistes anversois, Tom Meeuws, elle vient combler une lacune du programme des deux partis de gauche : la sécurité, un thème central dans la campagne électorale de la N-VA. La nomination de Jinnih Beels tombe aussi au moment où la tension entre certains jeunes du district anversois de Borgerhout et la police locale est à son comble. Cette police, elle l’a intimement connue pour y avoir travaillé une quinzaine d’années et y être devenue, en 2003, la première commissaire femme  » de couleur « . Confrontée à l’approche répressive du chef de corps, et bras droit de Bart De Wever, Serge Muyters, elle a toutefois fini par claquer la porte pour rejoindre la zone de Malines.

Outre son expérience, et le fait d’être une femme au sein d’une formation politique où la parité est un devoir, la candidate surprise de la liste Samen a un autre atout. Née à Calcutta, d’un père belge et d’une mère indienne, ses racines ne sont pas anecdotiques dans une ville flamande où, d’après les chiffres de l’administration, plus de la moitié de la population sera d’origine étrangère d’ici le scrutin de 2018. Pour évincer Bart De Wever, le nouveau front de gauche aura bien besoin de ce vaste électorat, dont une tranche a obtenu, en 2004, le droit de voter aux communales. La policière, victime l’an dernier d’un acte raciste au sein de son nouveau service, pourrait être en mesure d’attirer les voix de ceux que certains Flamands appellent les  » allochtones « , à travers son approche préventive de la sécurité, son discours pour plus d’égalité entre les citoyens, et son engagement dans la lutte contre le profilage ethnique.

A Anvers, la candidate indépendante vient renforcer un parti socialiste anversois à la dérive, et des verts en plein boom. Samen werkt beter (ensemble ça marche mieux) dit leur slogan. Tel pourrait être le cas, au vu des sondages qui prévoient un coude-à-coude avec la N-VA du bourgmestre en place. Après la grande bataille électorale gauche – droite qui s’annonce, viendront les négociations pour former une coalition. Le CD&V de Kris Peeters et la gauche radicale PVDA se profilent déjà comme les faiseurs de rois. Deux scénarios se dégagent : la continuité, ou le basculement. Les 521 000 habitants de la plus grande métropole de Flandre sauront alors ce qu’il adviendra de leur sécurité, du vivre-ensemble et de la gestion de leur ville.

JOYCE AZAR

 » La policière, victime l’an dernier d’un acte raciste au sein de son service, pourrait attirer les voix de ceux que certains Flamands appellent les « allochtones »  »

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire