Le GSM qui paie
Notre téléphone portable, transformé en outil de micro-paiement, parviendra-t-il davantage que la carte Proton à séduire les consommateurs autant que les commerçants ?
Il y a plus de cartes SIM que de cartes de banque dans notre pays. A fortiori que de cartes de crédit, auxquelles les plus jeunes n’ont pas droit. Il n’est dès lors pas étonnant que les opérateurs télécoms, au premier rang desquels Belgacom, via sa marque PingPing, souhaitent transformer notre GSM en outil de paiement. » Le téléphone portable est une sorte de couteau suisse des temps modernes « , compare Frédéric Herzeele, consultant en stratégie et innovation chez Belgacom. Sous-entendu : dans un monde dématérialisé, il n’y a pas de raison que la fonction » paiement » lui échappe. Mais pourquoi le téléphone portable réussirait-il à faire décoller le micro-paiement électronique alors que Proton n’y est pas parvenu ? D’autant plus que les premières tentatives de paiement mobile de GSM à GSM, comme m-Banxafe (collaboration en 2007 entre Banksys et les trois opérateurs mobiles), n’ont convaincu qu’une poignée de commerçants.
» C’est simple : il suffit que le micro-paiement électronique apporte une valeur ajoutée supérieure au coût qu’il entraîne « , résume Robert Masse, directeur général de Loyaltek, un fournisseur de logiciels et de terminaux de paiement électronique. » Proton évitait certes d’avoir toujours de la monnaie sur soi, mais il fallait recharger la carte à un distributeur de billets. De plus, si on perdait la carte, on perdait l’argent. Et pour le commerçant, le terminal coûtait plus de 1 000 euros, auxquels il fallait ajouter des frais récurrents. » Quant à un paiement mobile par m-Banxafe, il coûte tout de même 0,25 cent au consommateur, réduisant son attrait pour de petites opérations.
Un système comme PingPing présente l’avantage de ne pas devoir passer par un distributeur de billets, ou dans le cas d’un système interne de paiement en entreprise, de ne pas devoir assurer la maintenance de bornes de rechargement. Le porte-monnaie électronique est alimenté directement en ligne par virement sur un site Web dédié, essentiellement par carte de crédit (pour l’heure, seule la banque Keytrade permet des virements du compte courant vers PingPing). Pour ceux qui n’ont pas de carte de crédit, l’opérateur additionne tout simplement le montant du compte (limité à 100 euros par mois dans le cas de Proximus) à votre facture télécom.
Que l’ordre de paiement soit donné par un SMS ou au moyen d’une puce (un » tag « ) qui communique sans fil avec un terminal de paiement, le téléphone portable n’est en fait qu’un identifiant, une » clé » qui permet de commander à distance un compte électronique. En cas de vol ou de perte, l’argent reste sur le compte, ce qui constitue un autre avantage, au niveau de la sécurité. Cette fonction » télécommande » du GSM permet notamment à des parents d’approvisionner à tout moment le porte-monnaie virtuel de leur enfant, qui s’identifie alors devant le terminal de la cantine au moyen d’une carte d’élève pourvue du fameux » tag « .
Au Japon, cette puce permettant la communication à courte distance (NFC ou nearfield communication ) est déjà intégrée à la carte SIM, transformant d’office le GSM en carte de paiement. Cette évolution pourrait débarquer en Europe dès l’année prochaine.
Les prochains mois nous diront si une plus grande simplicité d’utilisation et un coût moindre, autant pour l’acheteur que le vendeur, nous feront changer nos habitudes. Certains observateurs estiment que le GSM ne s’imposera comme moyen de paiement que s’il permet également de gérer électroniquement des bons de réduction, des cartes de fidélité, etc.
Standardisation sine qua non
S’il réalise enfin la percée attendue depuis trois ans, le micropaiement mobile représentera en tout cas un marché juteux, encore bien supérieur à celui des SMS surtaxés (pour des sonneries, logos, etc.). Car qui détient le porte-monnaie électronique pourra l’intégrer à une plate-forme d’accès à toute une série de contenus, services ou produits, sur le Web comme ailleurs. Pas étonnant dès lors qu’il aiguise les appétits d’acteurs très divers. Les opérateurs mobiles bien sûr, mais aussi les spécialistes de la monétique comme Atos Worldline (ex-Banksys), le système de paiement sur le Web Paypal, les équipementiers télécoms tels Alcatel-Lucent, les fabricants de GSM ou smartphones eux-mêmes, sans oublier les banques. Cette diversité d’acteurs et d’intérêts risque de ralentir une standardisation bien nécessaire à une adoption de masse. Nous savons à bonne source que l’association des banques (Febelfin), les trois opérateurs mobiles belges et l’ex-Banksys notamment ont entamé des discussions. Prenant en ce sens exemple sur leurs voisins français, qui ont annoncé, cet été, une offre multi-opérateurs de micropaiement. Si l’argent n’a déjà pas d’odeur, il n’aura peut-être bientôt plus de domicile fixe.
OLIVIER FABES
Les banques visent une formule unique
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