Inondée, la pelouse du stade Roi Baudouin n’a pas pu accueillir le match amical qui s’est récemment déroulé entre les Diables Rouges et la Serbie. © vtm

Le foot féminin sauvera-t-il les stades belges?

Matthias Stockmans Matthias Stockmans is redacteur van Sport/Voetbalmagazine.

Candidate à la coorganisation de la Coupe du monde féminine, la Belgique se heurte à un problème devenu refrain: ses stades vétustes ne sont pas à la hauteur de l’événement.

Certains l’avaient rêvée en 2018 ou en 2022, au prix d’une candidature conjointe avec les voisins néerlandais qui n’avait pas pesé lourd face aux fortunes russes et qataries. Finalement, c’est en 2027 qu’une Coupe du monde pourrait atterrir sur dans des stades belges. Le 8 décembre prochain, les fédérations allemande, néerlandaise et belge de football remettront un dossier de candidature commun à la Fifa en vue de l’organisation de la prochaine Coupe du monde féminine.

Entre les trois pays voisins, on parle de «Breaking New Ground». Un slogan choisi pour faire du futur Mondial un Mondial du futur, prenant en compte une cause écologique régulièrement oubliée des événements footballistiques planétaires ces dernières années. Dans le communiqué de presse de la candidature, on peut ainsi lire que «les matchs se dérouleront dans un environnement compact, près des frontières des trois pays. L’ambition est de limiter les déplacements et d’organiser un tournoi durable.»

Puisque la majeure partie de la Belgique se trouve à distance raisonnable des frontières allemande et néerlandaise, toutes les villes avaient l’allure de candidates crédibles. Il y en a finalement quatre: Bruxelles – avec le Lotto Park d’Anderlecht – Gand, Genk et Charleroi. L’ennui, c’est que chaque stade rencontre un problème: le RSC Anderlecht attend toujours un accord du conseil communal, Gantois et Limbourgeois négocient toujours le coût des modifications nécessaires au stade – et donc des subsides qu’ils recevront – alors que la construction de la nouvelle enceinte carolo n’a pas encore commencé.

Le 8 décembre, la Belgique devra confirmer le nom de ses quatre villes hôtes, lançant une course pour laquelle la ligne d’arrivée est placée au 17 mai 2024, date de l’annonce officielle des organisateurs. Avec le Brésil, l’Afrique du Sud ou une candidature conjointe des Etats-Unis et du Mexique (déjà impliqués dans l’organisation du Mondial masculin de 2026), la concurrence s’annonce rude.

L’Eurostadium, incarnation de la polémique des stades

Pour la Belgique, l’opportunité est grande d’encore stimuler un football féminin certes en croissance, mais encore loin du professionnalisme des voisins allemand et néerlandais. Surtout, une telle organisation permettrait de s’attaquer à l’un des problèmes majeurs du football belge depuis plusieurs années: les stades. Depuis des années, plusieurs projets de construction se heurtent à des retards dans les procédures de réclamation ou sont carrément rejetés. La saga du stade du Club Bruges a tourné à la mauvaise blague à force de querelles locales et de refus de permis, l’Union Saint-Gilloise rêve d’une nouvelle enceinte sur le site du Bempt, alors que l’Antwerp n’a toujours pas trouvé d’accord pour réaliser la quatrième tribune de son Bosuil presque entièrement modernisé.

Bruxelles, Gand, Genk et Charleroi seraient les quatre points de chute belges de la Coupe du monde.

Tout cela n’est rien à côté de la débâcle de l’Eurostadium, exposée aux yeux du continent entier à l’occasion du championnat d’Europe de 2020. Alors président de l’UEFA, Michel Platini avait rêvé d’un tournoi disputé aux quatre coins de l’Europe, avec la capitale bruxelloise en ville hôte du match d’ouverture et d’une demi-finale. La Fédération voulait profiter de l’occasion pour ériger une nouvelle enceinte, sur le site du grand parking C du Heysel. Un scénario prévoyait même déjà qu’Anderlecht loue le stade hors des fenêtres internationales, mais le projet a fini par mourir sur l’autel des querelles communautaires, des rivalités de dirigeants de clubs et de protestations de riverains. Finalement disputé en 2021 à la suite de son report pour cause de crise sanitaire, l’Euro s’est joué sans point de chute belge car aucun stade ne répondait aux normes de l’UEFA pour l’organisation d’un tel événement.

Un rappel à l’ordre

En conséquence, les Diables Rouges jouent toujours dans un stade Roi Baudouin vétuste, pour lequel la Fédération de football paie un loyer de 150 000 euros par match à la Ville de Bruxelles. Cette dernière a tout de même investi sept millions d’euros l’année dernière dans des aménagements (nouveaux sièges, nouvelle piste d’athlétisme, rénovation des vestiaires) nécessaires pour continuer à proposer des événements internationaux tels que le Mémorial Van Damme et les matchs des Diables Rouges. Un budget est également prévu pour s’attaquer aux loges VIP, à l’éclairage et à la toiture en temps voulu, assure Manu Leroy, administrateur délégué de la Fédération. «Mais la Coupe du monde 2027, c’est trop tôt», ajoute-t-il.

Dans le monde du football, on parle de ces aménagements comme d’un emplâtre sur une jambe de bois. D’autres soulignent que l’érection d’un stade national est superflue, et citent l’exemple de pays comme l’Espagne ou l’Allemagne, mais négligent le fait que dans ces pays, de nombreux clubs disposent d’enceintes récentes, bien plus adaptées aux nouvelles contraintes réclamées par les rencontres de football.

Le déplacement récent du match amical de la sélection de Domenico Tedesco face à la Serbie à Louvain pourrait, à ce titre, avoir son utilité. Inondée, la pelouse du stade Roi Baudouin était injouable et la rencontre a dû se dérouler dans un autre stade et à huis clos. A la Fédération, on espère qu’il s’agira d’un rappel à l’ordre quant à la gravité de la question nationale des stades. «C’est surtout une question politique. Il faudrait simplifier l’administration et la réglemen- tation des permis de bâtir», a d’ailleurs confié Manu Leroy au micro de Sporza. Une opinion partagée par Lorin Parys, passé de la politique – il était élu N-VA au parlement flamand – au football pour devenir CEO de la Pro League, et vu par certains comme un intermédiaire de choix entre les deux mondes pour faire avancer les choses grâce aux relations de sa vie d’avant.

La perspective de la Coupe du monde 2027 reste pourtant le principal atout pour faire bouger le pays. Parce que quelques années après le continent lors des cafouillages de l’Eurostadium, c’est cette fois le monde qui pourrait attendre la Belgique au tournant.

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