Le djihadiste d’Amsterdam
Le procès de Mohammed Bouyeri, assassin du cinéaste Theo Van Gogh, révèle un itinéraire banal et inquiétant
J’ai agi par conviction, pas par haine. » En djellaba noire, coiffé d’un keffieh, un Coran à la main, Mohammed Bouyeri reconnaît son entière responsabilité dans l’assassinat du cinéaste néerlandais Theo Van Gogh, criblé de balles, puis égorgé et lacéré à coups de couteau, le 2 novembre 2004, dans le centre d’Amsterdam. L’accusé û condamné à la réclusion criminelle à perpétuité le 26 juillet û a laissé entrevoir la psychologie et le profil d’un de ces jeunes musulmans nés en Europe qui, comme les quatre terroristes des attentats de Londres, ont quitté la voie de l’intégration pour se rallier à l’islamisme armé.
Né à Amsterdam, Mohammed Bouyeri, fils d’immigrants marocains âgé de 27 ans, a froidement prévenu les juges : » Si jamais j’étais relâché, je referais la même chose. Exactement la même chose. » Bouyeri récuse la justice de son pays. Il a refusé toute défense. Ses actes sont fondés sur » la loi qui m’ordonne de couper la tête de quiconque insulte Allah ou le Prophète « . Manifestement, s’il éprouve un regret, c’est de ne pas être mort en plein djihad. Aux policiers sur lesquels il a ouvert le feu lors de son arrestation il a ainsi lancé : » J’ai tiré pour tuer et être tué. Vous ne pouvez pas comprendre. » Avant de commettre son meurtre, le jeune homme avait vidé son compte en banque, inventorié ses livres, rédigé ses dernières volontés. Face à un expert en droit islamique qui l’interrogeait, Bouyeri a déploré que la peine de mort n’existe pas aux Pays-Bas, car il » l’aurait demandée « . Un autre signe, selon lui, que les Néerlandais sont des » perdants « . Puis il s’est tu.
C’est cette passion du sacrifice au nom de Dieu qui a le plus choqué. Car Mohammed Bouyeri présentait tous les signes d’une intégration ordinaire. Bon élève, il avait décroché un diplôme de technicien supérieur. Il était aussi animateur bénévole dans son quartier. Solitaire, marqué par la séparation de ses parents et le décès de sa mère, il passe pourtant pour irritable. Une rixe lui vaut un séjour en prison. Il y rencontre alors l’islam radical. Libéré, il fréquente la mosquée intégriste al-Tawhid et, sous l’influence d’un prêcheur syrien en fuite se faisant appeler Abou Khaled, bascule dans le délire islamiste.
Bouyeri est lié à d’autres militants, en Espagne, au Royaume-Uni, comme aux Pays-Bas. Parmi ceux-là, le » groupe Hofstad « , une cellule de 12 membres inculpés pour terrorisme qui seront jugés à l’automne. Selon le ministre de l’Intérieur, Johan Remkes, de 10 à 20 noyaux radicaux, regroupant quelques centaines d’individus, seraient actifs dans le royaume. Des » allochtones » de sexe masculin, pour la plupart. Mais aussi, de plus en plus, des femmes et des Néerlandais de souche convertis à l’islam.
Jean-Michel Demetz
ôJ’ai tiré pour tuer et être tué. Vous ne pouvez pas comprendre »
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