Le coupon gagnant

Emmanuel Paquette Journaliste

En deux ans et demi, le site d’achat groupé qui propose des remises en ligne a conquis plus de 40 pays. Son fondateur pourrait introduire sa pépite en Bourse.

C’est l’histoire d’un jeune homme qui recherchait 10 milliards de dollars pour un projet fou : recouvrir la ville de Chicago d’un dôme en verre afin de protéger ses concitoyens du froid hivernal. Andrew Mason n’a pas hésité, en 2007, après un détour par l’industrie musicale, à lancer un site Internet pour parvenir à ses fins. ThePoint.org appelait aux dons pour financer son fameux dôme et autres lubies. Il n’a jamais décollé. Qu’importe. Quatre ans plus tard, le tout juste trentenaire, un passionné de piano au visage poupon, se trouve à la tête d’une société valorisée de 15 à 20 milliards de dollars.

Groupon – contraction des mots group et coupon – repose sur la même idée : fédérer les internautes. Mais il ne s’agit plus de solliciter leur générosité. Plus prosaïquement, Mason leur offre des bons de réduction. Chaque jour, des commerçants proposent des prestations à tarif réduit dans plusieurs villes. Aussitôt alertés par e-mails, les consommateurs ont vingt-quatre heures pour se regrouper et atteindre un nombre minimal d’acheteurs pour profiter d’une remise de 50 %, voire plus. Spas, restaurants, cours de pilotage, l’offre est pléthorique.

En l’espace de deux ans, la société a explosé. Clients adeptes de bons plans et commerçants soucieux d’accroître la fréquentation ont immédiatement adhéré au système.

La société Groupon, qui comptait 120 employés aux Etats-Unis en 2008, est aujourd’hui implantée dans 45 pays et 500 villes. Avec plus de 4 000 salariés à travers le monde, elle aurait enregistré près de 800 millions de dollars de chiffre d’affaires l’an dernier, se payant même le luxe de refuser une offre de rachat de 6 milliards de dollars émanant de Google.

Qualifié par le magazine Forbes de start-up à la croissance la plus rapide de l’histoire, ce Gargantua des temps modernes a avalé à la vitesse de l’éclair ses concurrents du monde entier. En guise d’apéritif, il a englouti, en mai 2010, CityDeal, présent sur les marchés anglais, français et allemand. Un mois plus tard, c’était le chilien ClanDescuento, puis Beeconomic à Singapour, uBuyiBuy à Hongkong, Atlaspost à Taïwan. Suivront, en 2011, des acquisitions en Inde, en Afrique du Sud et en Israël.

Crise oblige, les internautes se sont précipités en masse pour décrocher les fameux coupons. Ils sont 50 millions dans le monde à être enregistrés sur le site. Lancé en Belgique en mai 2010, Groupon emploie déjà 35 personnes et envoie ses newsletters à 500 000 personnes.

Pourtant le jackpot n’est pas forcément au rendez-vous. Selon une étude menée par l’université Rice, à Houston (Etats-Unis), auprès de 150 marchands, près d’un tiers d’entre eux estiment que le procédé n’est pas rentable et plus de 40 % ne veulent plus en entendre parler ! Les raisons évoquées sont doubles. D’une part, l’opération est complexe à rentabiliser car il faut non seulement concéder une forte remise mais également reverser près de la moitié du prix de vente au site Groupon. D’autre part, le nombre de clients bénéficiant d’un coupon n’étant pas limité, le commerçant peut se retrouver devant un afflux qu’il ne peut maîtriser. Et, du coup, susciter plus de mécontentement que de satisfaction. Aujourd’hui, les responsables du site assurent plafonner le nombre de coupons en accord avec les partenaires. Malgré cela, des doutes subsistent.

 » Beaucoup de clients ne reviendront pas  »  » Ce modèle n’est pas forcément vertueux pour les commerçants, souligne Jean-David Chamboredon, président exécutif du fonds d’investissement Isai. Beaucoup de clients cherchent seulement une bonne affaire et ne reviendront pas. Qui plus est, l’empressement de la société à vouloir se coter cette année peut signifier que les dirigeants anticipent un tassement du chiffre d’affaires. « 

Car Groupon fait des envieux. Et de nombreux clones veulent leur part du gâteau. Ils seraient plus de mille dans le monde, sans compter l’arrivée de géants comme Facebook, eBay ou Google . Mais Andrew Mason prépare déjà sa riposte avec la distribution de coupons durant quelques heures de la journée à partir de la localisation des internautes. Groupon now ! cherche à remplir des restaurants à l’heure du déjeuner ou des salles de spectacle le soir en misant sur la proximité géographique de l’internaute. En attendant son arrivée dans le monde entier, le fondateur travaille à l’introduction de sa société en Bourse.

EMMANUEL PAQUETTE

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