Le cirque des champs
Les arts du cirque se dotent d’une nouvelle infrastructure polyvalente, implantée en pleine campagne, à Marchin. Une nouvelle appréciable pour un secteur toujours cadenassé par le corona.
Le village n’est qu’à une quinzaine de minutes de l’autoroute, mais les champs et les forêts qu’il faut traverser donnent au voyageur qui arrive à Grand-Marchin comme une impression de « bout du monde ». C’est là, dans l’arrondissement de Huy, qu’a récemment surgi de terre le Cirque: une cathédrale toute de bois, au plancher rebondissant, qui, dans sa structure même, célèbre le mariage architectural d’un chapiteau traditionnel et d’une « black box » cubique typique des spectacles contemporains.
Le Cirque, c’est la nouvelle infrastructure de Latitude 50, Centre des arts du cirque et de la rue ancré à Marchin depuis 2004 et unique Centre scénique de la Fédération Wallonie-Bruxelles en zone rurale. Pourquoi là? Un « concours de circonstances », comme l’explique Olivier Minet, son directeur, ancien jongleur résidant alors à Marchin et qui cherchait un lieu de répétition pour sa compagnie, le duo Les Globouts. « Nous avons frappé à la porte du Centre culturel de Marchin, qui a mis un espace à notre disposition. » En 2003, les Globouts, le Centre culturel de Marchin et le Centre culturel de Huy organisent dans le village les deuxièmes Renc’Arts de la FAR, le festival de la Fédération professionnelle des arts de la rue, des arts du cirque et des arts forains (aujourd’hui rebaptisée Aires libres). « Trois jours, 70 compagnies, 5 000 spectateurs. Ce fût un moment très fort pour le village. Une semaine après, mon collègue m’annonçait qu’il voulait arrêter Les Globouts et, deux semaines plus tard, le bourgmestre Eric Lomba et le centre culturel me proposaient de développer un projet autour des arts du cirque. » Défi accepté.
Une cathédrale toute de bois célèbre le mariage architectural d’un chapiteau traditionnel et d’une « black box » cubique typique des spectacles contemporains.
Depuis lors, pour caser ses spectacles, Olivier Minet s’est fait jongleur de lieux. A la belle saison, on investit les espaces extérieurs, comme pour La Nuit des fanfares, qui clôt traditionnellement la saison en mai, autour du kiosque de la place. Une ou deux fois par an, une compagnie de réputation internationale débarque avec sa propre structure, comme les frères Forman ou le Cirque Trottola. Mais le plus souvent, c’était au chapiteau Decrollier, installé à Marchin en permanence, que les artistes prenaient place. « Il peut accueillir jusqu’à 200 spectateurs. C’est un petit espace. On peut y présenter de la jonglerie, de l’accro, de l’équilibre et un petit mât chinois, mais pas plus. Il y a deux ans, le propriétaire a rehaussé le plancher et y a placé le gradin. On a donc perdu en visibilité. Ça fait deux ans qu’on ne l’utilise plus », précise Olivier.
ArcelorMittal
Mais l’idée d’une structure propre et adaptée à tous les besoins du cirque remonte à plus loin, à une décentralisation catastrophique en 2012. « Comme on manquait de hauteur sous le chapiteau Decrollier, on s’est dit que ce serait chouette d’occuper les anciennes usines ArcelorMittal de Marchin, se souvient le directeur. On avait installé un gradin de 500 places, c’était bourré. A 19 h 30, alors que le spectacle devait démarrer à 20 h 30, on s’est rendu compte que l’électricité ne tenait pas. L’horreur. On a eu deux heures de retard, le public est resté. Pendant ce temps-là, personne n’avait pensé à vérifier le fioul du système de chauffage et ça a soufflé de l’air froid pendant tout le spectacle. Là, on s’est dit qu’il nous fallait un lieu à nous. »
Olivier Minet n’est pas le seul circassien à avoir atterri à Marchin. « Alors qu’on venait d’acheter la maison, j’ai vu quelqu’un passer dans la rue en monocycle, se rappelle-t-il. J’ai découvert que ma voisine, Véronique Swennen, psycho- motricienne formée au cirque à Tournai, donnait ici un atelier de cirque. » Aujourd’hui, l’Ecole de cirque de Marchin est fréquentée par pas moins de 600 enfants et jeunes (en extrascolaire, en scolaire et en handicirque). Ici aussi, forcé d’occuper une salle communale à partager avec d’autres, on aspirait à « un lieu à soi ». Dans un renforcement des liens entre pros et amateurs, les deux projets d’infrastructures ont été déposés conjointement, conçus par l’Atelier d’architecture Meunier-Westrade (Tournai) et l’entreprise spécialisée dans les constructions en bois Stabilame (Couvin), et trônent aujourd’hui côte à côte. Budget: 1,1 million d’euros, financés par la Province de Liège.
Boîte vide
Le projet ne s’arrête pas là. Une deuxième phase comprend les aménagements intérieurs du Cirque, y compris un gradin fixe. « La ministre de la Culture Bénédicte Linard est venue le 25 septembre dernier, elle a remarqué que la boîte était vide et on espère qu’elle va nous aider à la remplir », glisse malicieusement Olivier Minet. Autre volet de la phase 2: des modules de logement pour les artistes en résidence (les demandes affluent, déjà près de 150 cette année, de compagnies belges et européennes). « On a constaté qu’avec cet espace plus grand, on accueille de plus grosses équipes. Nos logements actuels ne suffisent plus. » A Marchin, petit cirque deviendra grand. C’est tout ce qu’on lui souhaite.
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