Le baiser de la chimère
S’il fallait une preuve décontextualisée de l’œil aiguisé de la galeriste Justine Jacquemin, on ferait indéniablement valoir l’actuel pop-up que l’intéressée a implanté dans une moitié (l’aile droite) de la galerie Jonathan F. Kugel, au Sablon – notamment grâce au prêt de douze sculptures du remarquable Etienne Pottier. Deux pièces en enfilade suffisent à la jeune femme pour esquisser une infinité d’historiettes à mi-chemin entre la mythologie et «l’inquiétante étrangeté» telle que mise au jour par Sigmund Freud.
Pour le visiteur, c’est l’assurance de perdre délicieusement pied dans un réjouissant dédale de «chairs contrariées». Trois typologies d’œuvres sont ici nouées qui s’entrelacent avec le plus grand des naturels: les photographies de Jacques Courtejoie, les céramiques de Barbara Leclercq, les peintures et aquarelles, parfois satinées de cire, d’Oda Jaune. Les images du premier se présentent comme des foisonnements magnétiques – qu’il s’agisse de ses grands tirages réalisés à la fin des années 1980 ou de somptueux polaroids, plus tardifs, rehaussés à l’encre. Barbara Leclercq, elle, convoque une imagerie que n’aurait pas renié le Jean Cocteau de La Belle et la Bête à travers des entrelacs organiques de mains et de pattes se présentant avec ou sans émail. Enfin, peintre allemande d’origine bulgare, Oda Jaune, formée au contact du néo-expressionniste Jörg Immendorff, livre des compositions en forme de chocs visuels. Au centre de celles-ci, il est souvent question du corps, des organes et d’agencements inattendus. Le tout pour un traitement qui marque. Situés à mi-chemin entre le spectaculaire et l’intimiste, entre le surréalisme et la peinture classique, entre l’ombre et la lumière, ses tableaux empêchent tout classement réducteur.
A la galerie Jonathan F. Kugel, à Bruxelles, jusqu’au 19 février.
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