L’art et la crise
Plus d’un an après l’effondrement des marchés financiers, comment se porte l’art contemporain?
Entre les fluctuations des marchés financiers et celles du marché de l’art, il existe des relations, avec un décalage de six mois à un an. » Ainsi parlait, en mai 2009, Raymonde Moulin, sociologue française spécialiste des relations entre art et économie. Pour souligner son propos, la fondatrice du Centre de Sociologie des Arts au CNRS évoquait le marché qui avait chuté de 60 % au début des années 90, au moment de la guerre du Golfe. L’exemple était parlant mais pas forcément nécessaire. En ce mois de mai 2009, un petit tour dans les salles de vente de l’autre côté de l’Atlantique – Sotheby’s, Christie’s ou même Philips – aurait fait l’affaire. A ce moment-là, le bilan était franchement catastrophique: toutes réalisaient leurs pires performances des 5 à 8 dernières années. Un exemple de la santé du marché d’alors? La vente à New York du Easter Egg with Bow (photo) de Jeff Koons, gros £uf de Pâques en chrome inoxydable, pour 4,5 millions de dollars. A priori, on aurait pu croire que le marché s’en sortait bien. Sauf que… ce lot phare avait été acheté in extremis par Larry Gagosian, le marchand de l’artiste, qui s’en était porté acquéreur pour le montant mentionné, très en dessous des 6 à 8 millions attendus, soit déjà une estimation très inférieure aux espérances initiales du vendeur, le gestionnaire de hedge fund Daniel Loeb. Ironie du sort, l’£uf avait été proposé à 25 millions de dollars lors d’une exposition temporaire de Koons à Moscou organisé par le même Gagosian. En un mot comme en cent, en mai 2009, le marché de l’art était alité et, qui plus est, sous perfusion, en raison d’un sevrage radical. Privées des achats compulsifs des traders dopés aux bonus, des places telles que New York et Londres se sont enrhumées. La preuve, la Frieze Art Fair de Londres en octobre dernier s’est avérée plutôt morne plaine. Sur le Vieux Continent, en revanche, la foire de Bâle et la Fiac ont plutôt envoyé des signaux positifs. Comme si, en deçà de l’Atlantique, on supportait mieux l’idée d’un marché assaini, d’un réajustement des valeurs. Un marché où il ne s’agit plus pour les collectionneurs de préacheter deux heures avant l’ouverture d’une foire mais au contraire de revenir plusieurs fois et de fonder leurs achats sur la raison et le long terme.
Michel Verlinden
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