L’art, c’est forcément beau ! Faux.

L’art, c’est naturellement beau et hors de prix et l’artiste – fatalement inspiré – est un génie ! Pas sûr ! Tout au long de cet été, Le Vif/L’Express traquera les poncifs éculés. Perturbations et sérieuses remises en cause garantis !

Au fil du temps, l’idée du beau a subi de profondes mutations. Pour les philosophes grecs, le beau s’incarnait dans la représentation de formes parfaites établies selon des canons de proportions précis. Les siècles suivants, l’art chante la gloire d’un dieu unique et la beauté est intimement liée à la représentation d’épisodes de l’histoire sainte. Le temps aidant, la science modifie la vision. A la Renaissance, l’invention de la perspective entraîne la représentation de la profondeur. A travers le point de fuite, l’homme devient le centre du monde et voit du  » beau  » dans des sujets épargnés de religiosité (portraits, natures mortes, paysages et scènes de genre). L’emprise de l’Eglise s’estompera pour laisser place à une beauté relative, subjective et aléatoire.

L’art de déplaire

La vraie rupture intervient au tournant du XXe siècle. L’art se voit radicalement désacralisé par des artistes qui revendiquent haut et fort leur conduite fallacieuse. Pis ! Ces agitateurs semblent convaincus que l’art, s’il n’est que beau, est d’une profonde inutilité (ou insipidité). Ne cherchant plus nécessairement à plaire, ces artistes vont viser l’expressivité ou chercher à dénoncer. Peut-on dire que Guernica (1937) de Pablo Picasso est un beau tableau ? Non ! C’est plutôt un cri d’horreur, une effrayante scène de guerre avec des corps déchiquetés, des lignes agressives, des visages horrifiés. Ni le sujet ni le traitement plastique ne peuvent être qualifiés de beaux et pourtant, c’est une merveille. Un chef-d’£uvre ! Même constat pour Le Cri (1893) de Munch.

Les plasticiens peuvent aussi chercher à manifester une idée en dehors de toute préoccupation esthétique, poussant parfois la provocation en explorant les venelles du laid, de l’indigne et de l’indécent. A l’instar de Piero Manzoni qui, piqué au vif par son père le traitant d’artiste de merde, réplique en déféquant dans 90 boîtes de conserve qu’il baptise Merda d’artista (1961). Cette démarche d’un goût douteux a pourtant marqué l’histoire de l’art. Le but de ces £uvres ? Susciter des réactions émotionnelles très fortes. Du coup, si vous cherchez dans l’art ce qui est  » beau « , vous limiterez forcément votre champ d’exploration. Gardez à l’esprit que la beauté reste une valeur toute relative, se situant plus dans le regard que dans l’£uvre regardée ; raison pour laquelle deux individus ne vibreront pas pour les mêmes choses.

La semaine prochaine:  » L’ART C’EST FORCÉMENT CHER ! FAUX.  »

GWENNAËLLE GRIBAUMONT

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