Laloy de l’accordéon

Philippe Cornet Journaliste musique

Au centre du festival jazz du Marni, Didier Laloy prouve que la voie du diatonique, comme celle du chromatique, est désormais très loin de sa réputation flonflon.

Depuis un bout de temps déjà, l’accordéon dévie des musettes d’Yvette Horner et des générations de bal. De l’autre côté de l’Atlantique, le cajun renouvelle le souffle louisianais alors que Les Négresses Vertes offrent aux décennies 1980-1990 une gouaille punk-chanson. Toujours via le piano du pauvre, Grace Jones transforme un divin classique de Piazzolla (Libertango) en mélo de spleen branché. Chez nous, Soledad tente la rencontre entre classique, tango et jazz via le grand soufflet de Manu Comté : dommage qu’il soit ignoré par le festival du Marni, dans un programme qui honore néanmoins Didier Laloy, autre étoile nationale. Cela fait une quinzaine d’années que ce Bruxellois né en 1974, exilé dans un village de 350 habitants près de Beauraing, taquine en pro le diatonique, ancêtre à lamelles du plus volumineux chromatique.  » On joue deux notes par bouton, contrairement au chromatique. Le diatonique est petit et bi-sonore, il oblige à l’énergie et ce n’est pas un instrument virtuose comme le chromatique : je me dois de trouver des chemins qui donnent une couleur particulière à la musique. Mon accordéon est en bois, pas laqué, ce qui fait le côté flûté du son : souvent, les accordéons chromatiques sont plus métalliques. Le diatonique date de 1824 mais a évolué jusqu’en 1890, lorsqu’on est passé au chromatique. Le diatonique avait d’ailleurs disparu, cela ne fait que trente-cinq ans qu’on en refabrique. « 

Vieux cheval

Sur sa petite machine italienne de sept kilos qui s’accorde une fois l’an […], Didier Laloy raconte des histoires. En commun avec la nouvelle génération des accordéonistes, ce trentenaire décloisonne les genres. Débutant à 17 ans chez Steve Houben, il n’a cessé d’enchaîner sessions (Marka, Renaud, Urban Trad) et projets plus personnels, comme son duo Milann & Laloy. Celui présenté au Marni, le 10 septembre, est baptisé Noir’s, hommage à cette (anti-)lumière qui signifie calme et, possiblement, volupté. En concert, en absence de source lumineuse, les spectateurs sont invités à se coucher au milieu du quatuor formé par Laloy, Kathy Adam (violoncelle), Pascal Chardome (guitare, piano) et Frédéric Malempré (percussions).  » Au début, le noir était total, ce qui n’était pas évident pour les musiciens [sourire]. Certains spectateurs souffrant de claustrophobie, on a rajouté de très faibles lumières et prévu un espace assis, sur le côté, pour ceux qui ne veulent pas s’immerger. C’est un peu l’idée d’emmener le public dans mon salon, le soir, quand les enfants sont couchés, qu’il n’y a plus de bruit. Revenir au plaisir pur du son.  » D’autant que l’on s’attache à la petite bébête diatonique :  » Cet instrument fait corps avec moi ; il a quinze ans, j’en ai acheté un nouveau, mais je retourne sans cesse à l’ancien : il a des fuites [sic], joue un peu faux mais je reste sur mon vieux cheval…  »

CD Noir’s, Didier Laloy, chez Wild Boar Music.

Marni Jazz Festival, du 6 au 16 septembre, au théâtre Marni, à Bruxelles, avec également Orion, Chango Spasiuk, Tuur Florizoone Trio, Anne Niepold, Tric Trac Trio et Fetén Fetén. www.theatremarni.com

PHILIPPE CORNET

En absence de source lumineuse, les spectateurs sont invités à se coucher

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