Mélanie Geelkens
La sacrée paire de Mélanie Geelkens | Porno: une branlette vaut-elle tant de violences ?
Une enquête du Monde a récemment dévoilé les nombreux abus que deux « acteurs » du porno français faisaient subir à leurs actrices. Violences, mensonges, racisme, extorsion… Comment peut-on se faire plaisir avec insouciance, lorsque les femmes à l’écran sont exploitées ?
Peut-être était-ce celle qui avalait le sperme de dizaines d’hommes en train de lui éjaculer dessus. Ou celle qui recevait une double pénétration vaginale. Voire celle dont le résumé du film était: «Ils l’entendent crier et pleurer… rien à foutre, ils vont la labourer encore et encore»? Ou alors les 53 plaignantes dans l’affaire «French Bukkake» sont toutes celles-là. «Au moins 53», précisait Le Monde, fin septembre, dans son enquête sur ce site pornographique français et les violences sexuelles qui y séviraient.
L’identité des deux accusés, elle, est connue: Pascal Ollitrault, alias Pascal OP, producteur et acteur porno à la tête du site sus-cité, et son associé Mathieu L., alias Mat Hadix, un père de famille qui l’avait aidé, dès 2015, à gravir les échelons du petit monde hexagonal du cul. Paraît que si on leur avait ouvert tant de portes, c’est parce qu’ils débarquaient avec «plein de jolies actrices françaises». Pas des prostituées de l’Est ou des illégales du Sud.
De «jolies actrices» qui, apparemment, pour certaines, avaient été recrutées par un homme de 42 ans, Julien D. (surnommé «la pouf»), qui se faisait passer pour une escort girl nommée Axelle Vercoutre sur les réseaux sociaux. Où il repérait de jeunes filles en difficulté, les traquait parfois durant plusieurs mois pour les convaincre de se prostituer. Une seule nuit, et adieu les problèmes d’argent! Le «riche client» – en réalité, Julien D. – se pointait, se vidait et ne payait évidemment jamais. Les victimes se tournaient alors vers leur «amie Axelle», qui les persuadait de tourner un porno. Une seule séquence, avec un seul homme, pour d’uniques clients privés canadiens. En réalité, écrit Le Monde, «les jeunes femmes tourneront, pour la plupart, plusieurs scènes, avec plusieurs hommes et des pratiques qu’elles avaient refusées au préalable, pour des vidéos qui se retrouveront sur les plateformes pornographiques du monde entier».
Que les nombreux amateurs du genre s’interrogent: une branlette vaut-elle vraiment tout ça?
Une «jolie actrice» pointilleuse demande à ce que «prestation à usage privé» soit mentionné sur son contrat? «On peut effacer écriture du contrat», envoie par SMS Pascal OP à son associé. Une autre se plaint de pratiques imposées? «On s’en fout répond pas et bloque [son numéro]», tranche le même. Une autre «casse les couilles» pour qu’une vidéo soit retirée? «On la remettra sur nouveaux sit [sic]».
Qu’importe si la fille avait déjà versé beaucoup d’argent pour que le film soit supprimé (y a pas de petits profits, hein). Exploitation, escroquerie, mensonges. Jusque dans les tests censés vérifier l’absence de maladies sexuellement transmissibles avant un tournage. Des faux, générés par un programme automatique conçu par un ingénieur informaticien. Du racisme aussi. «La négresse», «Shaineez la bougnoule», «On la vend à qui la grosse [black]»… Mais non, non, Pascal OP et Mat Hadix ne sont pas des proxénètes. «On est dans un milieu légal de pornographie amateur, avec des jeunes filles parfaitement consentantes qui venaient de leur propre volonté», dixit l’avocate du second, interrogée par Le Monde. Tous ces soupçons, ces accusations, c’est juste «l’ère MeToo qui donne la parole aux femmes».
Prochaine fois qu’ils fermeront la porte des toilettes du bureau, qu’ils mettront leurs écouteurs pour pas que bobonne entende, qu’ils s’astiqueront rapidos derrière l’écran de leur smartphone en s’excitant sur une bukkake, une double pénétration ou un labourage en force, que les nombreux amateurs du genre s’interrogent: une branlette vaut-elle vraiment tout ça?
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mois de rémunération brute à verser à la plaignante et un euro symbolique à l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes: la condamnation, prononcée en février dernier par le tribunal du travail du Brabant wallon, a été confirmée le 5 octobre. Une «décision exceptionnelle» dans un dossier de harcèlement moral lié au genre, pointe l’Institut. En 2016, Madame D. était revenue de congé de maternité et des tensions étaient apparues avec son nouveau responsable hiérarchique. D’après plusieurs témoins, il faisait preuve de machisme, voire de misogynie. En 2019, Madame D. avait été licenciée. Abusivement, donc, selon la justice.
Droit des jeunes filles: les mauvaises nouvelles…
Le 11 octobre, la Journée internationale de la fille fêtait ses dix ans. L’occasion, pour l’ONG Plan International, de dévoiler un sondage réalisé auprès d’un millier d’adolescentes. Ses conclusions: peu réjouissantes. A peine 14% des jeunes filles belges se sentent suffisamment sûres d’elles pour se présenter aux élections (contre 28% dans les 29 pays sondés), tandis que 50% d’entre elles se considèrent incomprises par les dirigeants politiques (là aussi, une statistique plus élevée que la moyenne mondiale).
… et les bonnes
L’étude réalisée par Plan International contient tout de même quelques bonnes nouvelles. Du moins à l’échelon mondial: le nombre de jeunes filles analphabètes est passé, entre 1995 et 2018, de 100 millions à 56 millions (ce qui reste, bien sûr, énorme), tandis que les mariages d’enfants ont baissé de 15%.
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