La pierre de Rosette
1822! Qu’ils furent longs à déchiffrer, ces hiéro- glyphes! Parce que, comme souvent, les lettrés qui se sont penchés sur ces textes étaient remplis de préjugés. Pour eux, l’écriture égyptienne antique était composée uniquement d’idéogrammes, des signes graphiques représentant un mot, une idée. Ils y ont cru dur comme fer, durant près d’un siècle et demi. Et, donc, n’ont pas identifié le caractère hybride de l’écriture hiéroglyphique, c’est-à-dire qu’elle contient à la fois des idéogrammes et des phonogrammes, des signes graphiques représentant un son. Certes, de temps en temps, un érudit perçait une partie du mystère. Au XVIIe siècle, il y eut Athanase Kircher, qui livre deux hypothèses très pertinentes. La première: une parenté entre l’égyptien et le copte. De fait, l’alphabet copte se base sur le grec ancien mais compte sept signes de plus, issus du démotique – une écriture cursive de la langue égyptienne. Le copte contient aussi des mots issus d’une autre langue. Pourquoi pas, alors, une langue ancienne? La seconde idée: plonger directement dans les textes égyptiens, plutôt que se contenter de ce qu’ont écrit les auteurs gréco-romains. Au siècle suivant, William Warburton imagine un lien entre les hiéroglyphes et l’alphabet. Johan David Akerblad assure que l’écriture égyptienne est uniquement un alphabet phonétique… On avance, pas toujours dans le bon sens, mais on avance. Jörgen Zoega aboutit, lui, à deux conclusions capitales, grâce à un catalogue de 950 signes hiéroglyphiques. Un, le sens de la lecture: à gauche, si l’animal ou l’humain regarde à gauche, et, inversement, si la tête est orientée à droite. Deux: près de mille signes, c’est trop pour une écriture phonétique, mais trop peu pour une écriture idéogrammatique. Dès lors, et c’est juste, les hiéroglyphes ne peuvent être qu’un système hybride. On pourrait citer d’autres trouvailles mais celle-ci est fondamentale pour la suite: Jean-Jacques Barthélemy, le premier, affirme que les ovales, les cartouches, renferment des noms royaux. Il établit surtout une méthode de traduction. Pour cela, il faudrait disposer de textes bilingues. Mais tout est prêt. Quand, durant une campagne napoléonienne, dans la ville de Rosette, on met la main sur une dalle de pierre, dont l’une des faces contient trois textes, le premier en hiéroglyphes, le deuxième en démotique et le dernier en grec – langue bien connue –, on tient enfin le code. Et c’est la maîtrise de la langue copte, dérivée de celle des pharaons, qui donnera un avantage décisif à Jean-François Champollion face à tous ses concurrents, mal à l’aise dans cette langue.
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