La nostalgie au top
Pacman, Donkey Kong, Tetris… Les fans guettent les rééditions, écument les Salons et traquent leurs héros de légende sur le Web. A vos rétromanettes !
Une tête stylisée en triangle, deux trous pour les yeux et deux tesselles en guise de pattes… D’étranges mosaïques apparaissent sur les murs de Bruxelles, Paris, Lyon, New York, Hongkong. Les spécialistes auront reconnu les Space Invaders, héros d’un célèbre jeu d’arcade de 1978. Echappés, comme eux, de la préhistoire vidéoludique, les Donkey Kong, les Double Dragon et autres Turbo prolifèrent. Derniers avatars de la tendance régression ? Fin août, Adidas lançait son nouveau parfum lors d’une soirée Jeux vidéo culte, avec force consoles historiques en libre accès. Et, à l’ECTS de Londres, Salon international des jeux vidéo, les professionnels se sont extasiés sur… Pacman revisité. » Rond comme un ballon et plus jaune qu’un citron « , le glouton rebondit de plus belle dans l’imaginaire des trentenaires. Surtout celui des » rétrogamers « .
Ces fans de vieilleries informatiques s’échangent, sur Internet, des jeux retirés du commerce, grâce à des » émulateurs « , ces logiciels permettant de télécharger des antiquités sur des ordinateurs de pointe. Branle-bas de combat chez les éditeurs, qui traquent les programmes pirates nécessaires aux émulateurs et se lancent à la reconquête des joueurs nostalgiques, avec des produits ad hoc… dont la principale vertu est le prix de revient. La réédition supprime en effet les frais » créatifs » (scénaristes, graphistes, musiciens), qui représentent habituellement plus de la moitié du budget. Sega a ouvert le feu en proposant ses succès légendaires sur Internet… mais en version payante. Depuis, chacun y va de ses bonnes vieilles compilations : Nintendo propose Game and Watch Gallery, Infogrames Anniversary Advance, Sega Arcade Gallery et Smash Pack. Midway promet un Arcade Treasures pour 2004. Pour s’adonner aux jeux de légende tels Asteroids et Circus, le fabricant d’accessoires Big Ben réinvente une console avec manette au look rétro. Enfin, Infogrames, l’un des leaders du marché, se rebaptise du nom culte d’Atari, la société qui, en 1972, conçut Pong, le premier jeu vidéo à succès.
C’est bien connu, les mythes sont increvables et peuvent rapporter gros. Créés en 1985, Super Mario et Tetris caracolent toujours en tête des ventes au Japon, avec respectivement 6,2 millions et 4,2 millions d’exemplaires écoulés chaque année. Mario, le petit plombier moustachu, ne cesse de réapparaître sous divers déguisements (Mario Sunshine, Mario & Luigi, Mario Golf…) et tient l’affiche cette année avec une dizaine de jeux inédits. Dans le registre » Comment faire du neuf avec du vieux « , les gentils dragons de Bubble Bobble sont proposés sur Game Boy Advance (GBA) en deux versions, l’authentique de 1986 et la toute neuve de 2003 ; et la nouvelle variante de Space Invaders offre en bonus des images d’origine.
Quel plaisir peut-on tirer de ces vieilleries ? Selon Alain Decayeux, qui recrée des plans détaillés de jeux archaïques sur www.nostalgie.fr.st, le retour en enfance évoqué par les rétrogamers n’est pas leur seule motivation : » La pauvreté des anciens graphismes avait des vertus stimulantes, tandis que le réalisme des visuels actuels bloque toute imagination. » Pour Tony Fortin, animateur du site d’études critiques www.planetjeux.net, » le passage aux univers en trois dimensions a dérouté certains joueurs, qui préfèrent des environnements simples et familiers « . Enfin, les fans des divertissements de réflexion, type Tetris, n’apprécient pas forcément » les mondes virtuels genre Seigneur des anneaux, où l’on s’immerge pour se couper de la réalité « , note Laurent Trémel, auteur de jeux de rôle, jeux vidéo, multimédia (PUF, 2001).
Qui dit pièces historiques dit collectionneurs. Pour dénicher machines, jeux et musiquettes d’époque, ces mordus des pixels à l’ancienne écument les vide-greniers, les boutiques d’occasion, les sites Web et les Salons spécialisés, tel Vieumikro, le rassemblement annuel européen des amateurs de consoles et d’ordinateurs antiques. Son président, René Speranza, observe une espèce en voie d’apparition : » Le trentenaire instruit qui s’offre aujourd’hui les jeux qui l’ont fait rêver dans son enfance. » Pour 15 euros par mois au minimum (les raretés peuvent allègrement dépasser 1 000 euros). Le prix à payer pour réentendre la phrase magique des salles d’arcade : » Même joueur… joue… encore. » l
Ada Mercier
Une rubrique de Vincent Genot
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