La major de Disney

Emmanuel Paquette Journaliste

A 53 ans, Anne Sweeney copréside la division télé du groupe, sa locomotive. Desperate Housewives, Grey’s Anatomy, Castle, c’est elle. Après les séries, elle s’attaque au numérique.

« Rendez-vous compte, ils nous ont dit non ! A nous, Disney !  » Anne Sweeney ne s’en est toujours pas remise. La quinquagénaire, présidente de Disney ABC Group, est restée abasourdie devant l’attitude d’Apple refusant de prêter à ses équipes quelques exemplaires des toutes premières tablettes iPad pour y développer des applications maison. Cette dirigeante figure pourtant dans le top 15 des femmes d’affaires les plus puissantes de la planète, selon le magazine Fortune, et vient d’être élue personnalité de l’année au Mipcom, à Cannes, le Salon des professionnels de la télévision. La division qu’elle chapeaute ne cesse de grossir – les ventes sont passées de 11,2 milliards de dollars, à son arrivée, en 2004, à 17 milliards l’an dernier – et représente désormais près de la moitié du chiffre d’affaires de la major de Burbank (Californie).

Cette diplômée de Harvard, arrivée chez Disney il y a quinze ans, a la haute main sur les programmes de la chaîne ABC, mais également sur les séries télévisées, comme Castle, Esprits criminels ou Grey’s Anatomy. Elle gère aussi l’ensemble des chaînes pour enfants qu’elle a développées à l’international.  » Sous la direction d’Anne, nous avons conquis plus de 300 millions de téléspectateurs à travers le monde « , s’enthousiasme Ben Pyne, responsable de la distribution des médias dans le groupe. Sweeney a aussi été l’artisane du renouveau des séries télé américaines. Devenue incontournable à Hollywood, elle travaille aujourd’hui sans relâche pour préparer son groupe aux nouvelles formes de consommation des médias – boxes, téléphones mobiles, ou encore tablettes.

Grâce à elle, Disney fut le premier à proposer ses contenus sur la boutique de téléchargement iTunes.  » En 2005, Steve Jobs avait demandé à nous rencontrer. Il souhaitait que nos séries télévisées, comme Lost ou Desperate Housewives, puissent être visionnées sur le futur baladeur iPod vidéo. Nous avons voulu voir ce que cela donnait en termes de qualité d’image et de son et nous avons été stupéfaits par le résultat « , se souvient-elle. En Europe, ses troupes ont conclu un accord avec Free pour proposer sur sa box le téléchargement définitif des films de ABCtek et de Disneytek. Et elles ont également bouclé des partenariats avec l’opérateur BT, au Royaume-Uni, et avec Vodafone, en Allemagne.

Ses enfants, une source continue d’inspiration

Cette inconditionnelle du dialogue a instauré des rencontres régulières autour d’un café avec une vingtaine de salariés choisis au hasard pour participer à une discussion informelle.  » Je leur demande de me donner leur point de vue et leurs idées de projets. Si l’un d’eux me paraît intéressant, je dégage un peu d’argent pour le mettre sur pied « , explique-t-elle.

Pour comprendre l’évolution des comportements des consommateurs, Anne Sweeney reconnaît puiser une partie de son inspi-ration auprès de ses enfants, Rosemary, 21 ans, et Christopher, 25 ans.  » J’ai tout appris d’eux, confie-t-elle. Voilà six ou sept ans, ma fille m’a fait remarquer que les mails étaient dépassés et que les SMS s’imposaient. Aujourd’hui, elle utilise la visioconférence sur son iPhone et Facebook pour communiquer avec ses amis.  » Cette mère de famille est aussi impliquée avec d’autres parents dans un programme d’aide aux jeunes autistes auquel participe son fils, Christopher, frappé par cette maladie.  » Si lui continue d’apprendre et d’évoluer jour après jour, alors moi aussi je le peux « , lâche- t-elle dans un léger sourire.

EMMANUEL PAQUETTE

Les ventes sont passées de 11,2 milliards de dollars, à son arrivée, en 2004, à 17 milliards l’an dernier

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