» La maîtrise de l’eau, une volonté politique « 

Directeur général de l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), Jacques Diouf participait à la conférence de Paris sur le climat, pour une gouvernance écologique mondiale

Comment le mode d’alimentation influe-t-il sur le changement climatique ? E Le mode d’alimentation des pays développés obéit à des calculs économiques, mais, pour les 852 millions de personnes qui n’ont pas accès à la nourriture et pour la majorité de la population mondiale, les modes de production et de consommation ne sont pas un facteur de modification du climat.

Est-ce bien vrai ? La déforestation modifie le climat…

E La déforestation, oui. Nous avons d’ailleurs proposé à l’Union africaine d’augmenter la reforestation. Il faut changer les systèmes d’utilisation de l’eau. En général, dans les pays en développement, sauf en Asie, on n’utilise pas l’eau de manière efficace. L’Afrique utilise seulement de 3 à 4 % de ses réserves en eau renouvelables, contre 15 % en Asie. La conséquence, c’est qu’en Afrique, au sud du Sahara, seules 4 % des terres arables – 7 % pour l’ensemble du continent – sont irriguées, contre 40 % en Asie. Une maîtrise de l’eau permet de doubler les rendements et de produire toute l’année, pas seulement durant la saison des pluies. On connaît des méthodes peu onéreuses et utilisables au niveau des villages. C’est une question de choix et de volonté politiques.

Les dirigeants africains sont-ils prêts à passer de la déclaration d’intention à la volonté d’agir ?

E Depuis 2002-2003, la prise de conscience suivie d’actions concrètes se développe. La Communauté pour le développement de l’Afrique australe vient de conclure avec la FAO un programme de maîtrise de l’eau qui va permettre d’étendre les programmes pilotes réussis en Tanzanie. Au Burkina Faso, on voit se développer des pompes à main, des pompes à pédale, de petits barrages…

Cette inquiétude écologique nouvelle ne relance-t-elle pas la question du contrôle démographique ?

E Le problème de la faim n’est pas un problème démographique, contrairement à ce que l’on entend dans les pays riches. C’est une question de développement économique et technologique. Dans les pays développés, de 2 à 4 % de paysans produisent suffisamment pour nourrir le reste de la population et, au-delà, exporter…

Les OGM peuvent-ils être une réponse à la crise alimentaire, qui pourrait être liée au réchauffement de l’atmosphère ?

E Pour l’objectif du millénaire, soit 2015, non. On a les variétés de plantes nécessaires développées par hybridation classique, qui résultent de la recherche agricole internationale et qui sont des biens publics, non soumis à brevet. Au-delà, dans un monde qui va passer de 6 à 9 milliards d’êtres humains, où les écosystèmes, fragiles, sont sous pression, il va falloir envisager des outils de production plus performants. On sera amené à recourir à tout ce qui a été fait en matière de biologie moléculaire. A condition de veiller à ce que science rime avec conscience et qu’un cadre international détermine les conditions d’utilisation de ces OGM – l’étiquetage, l’expérimentation, l’impact sur l’environnement et la santé… Or ce système n’est pas encore en place.

Le retour de la grippe aviaire vous inquiète-t-il ?

E Oui, parce que cela montre, une fois de plus, que les responsables réagissent à chaud, sous la pression des événements, alors qu’ils devraient avoir une vision à plus long terme. Cette crise a commencé dans le Sud-Est asiatique à la fin de 2003. Nous avons dégagé 5 millions de dollars dès février 2004 et lancé un appel à la communauté internationale. Sans réaction positive, jusqu’à ce que la grippe arrive au Kazakhstan et que l’on se rende compte qu’elle allait frapper l’Europe. Néanmoins, la mise en place, aujourd’hui, d’un réseau d’alerte mondial fait que je suis optimiste. l

Entretien : Jean-Michel Demetz

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