La » clim « , pas cool pour le climat
La généralisation de l’air conditionné dans les voitures n’est pas sans conséquences. Ce confort a un prix… payé par l’air que nous respirons
(1) La climatisation automobile. Impact énergétique et environnemental. (www.ademe.fr).
Ceux qui y ont goûté sont unanimes : en voiture, la climatisation est un » plus » indéniable. En été, bien sûr, mais le reste de l’année aussi. Avec la » clim « , adieu fournaise, frimas, bruits, odeurs et buée ! Confort et gain de sécurité accrus en prime ! Néanmoins, la généralisation actuelle de l’air conditionné – offert parfois pour 1 euro symbolique à l’achat d’un véhicule neuf – inquiète déjà fortement l’Agence française de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) qui vient d’émettre un rapport sur le sujet (1).
Dans l’Hexagone, 3 nouveaux véhicules sur 4 disposent de cet équipement. A défaut de chiffres disponibles pour la Belgique, on sait que cette tendance à la hausse se retrouve partout en Europe, comme le confirme l’Association des constructeurs européens d’automobiles. A ce rythme, en 2020, neuf véhicules sur dix seront climatisés. Le » hic » ? Le système d’air conditionné d’une voiture à essence engloutit en moyenne 31 % de carburant supplémentaires en ville, selon les essais en enceinte climatique réalisés par l’Ademe. Soit 3 litres d’essence aux 100 kilomètres ! Les proportions sont similaires pour le diesel. Annuellement, l' » airco » représente, en moyenne, une surconsommation de plus de 5 %, et donc… une surémission équivalente de CO2 (gaz carbonique), le principal gaz à effet de serre d’origine humaine.
Mais ce n’est pas tout. Au CO2 viennent s’ajouter d’importants rejets de fluides frigorigènes dans l’atmosphère. Ils sont dus à la mauvaise étanchéité des circuits de climatisation, à leur entretien insuffisant et à la non-récupération du fluide en fin de vie du véhicule. Or ces fluides sont également de puissants gaz à effet de serre. » Il s’agit d’hydrofluorocarbures, ou HFC. Le principal, en climatisation automobile, est le R134a, précise Jean-Pascal van Ypersele, climatologue à l’Université catholique de Louvain. Un gramme de ce gaz réchauffe 1 300 fois plus l’atmosphère qu’un gramme de CO2. Les fuites annuelles de R134a depuis les circuits d’air conditionné automobiles représentent, à l’échelle mondiale, 40 millions de tonnes d’équivalent CO2 : soit un tiers des émissions annuelles de gaz à effet de serre en Belgique ! » Ironie du sort, les HFC ont été introduits dans les systèmes de refroidissement au cours des années 1990, pour remplacer les fameux CFC (chlorofluorocarbures), responsables du trou constaté dans la couche d’ozone stratosphérique.
Aujourd’hui, les rejets de R134a û également utilisés dans les frigos et pour climatiser les bâtiments û ne font l’objet d’aucune régulation au niveau européen. Mais leur ampleur préoccupe depuis peu Margot Wallström, commissaire européen à l’Environnement, qui envisage leur retrait progressif des circuits de climatisation automobile. En effet, des alternatives existent : hydrocarbures, CO2, mélanges HFC/CO2, etc. Il reste cependant à trouver des incitants pour les utiliser.
En fait, une chose est sûre : ces mesures n’auront aucun effet sur la surconsommation liée à l’usage de l' » airco « . Ni sur les rejets d’oxydes d’azote (NOx). Car, en augmentant la température du moteur, la clim favorise la production de ces polluants responsables de la formation, en été, des fameux » pics » d’ozone troposphérique. Selon les tests de l’Ademe, un véhicule à essence climatisé émet en moyenne 74 % de NOx en plus en milieu urbain, et 51 % sur route. » L’ozone qui en résulte irrite les yeux et les voies respiratoires, provoquant notamment toux et maux de tête chez les bébés, les personnes âgées et les asthmatiques, précise Paul Simon, directeur de l’Institut d’aéronomie spatiale de Belgique. Mais l’ozone constitue également un redoutable gaz à effet de serre, dont l’impact global est difficile à évaluer, vu son instabilité. » Conclusion : à vouloir trop de fraîcheur dans l’habitacle, on pourrait, à terme, en avoir de moins en moins souvent à l’extérieur…
David Leloup
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