La chute de Victor Hissel
Le pourfendeur des réseaux pédophiles, lors de l’affaire Dutroux, est devenu l’un des 2 500 clients d’une officine italo-flamande de production et de diffusion de matériel pédopornographique.
Le film montre une gamine en train de se faire violer par un homme qui parle le west-flandrien et à qui elle dit » papa « . Lorsque la police australienne découvre ces images épouvantables, le 10 juillet 2006, l’homme abuse déjà de ses filles (9 et 11 ans) depuis 2004. Deux petites filles qui fréquentaient les siennes succombent également à son vice. Il les prostituait par écran d’ordinateur interposé, dans des mises en scène obscènes, avec une insistance particulière sur sa gamine atteinte d’autisme. Pascal Taveirne, garçon boucher de 37 ans, vivait chez ses parents, à Assebroek, avec femme et enfants. Il a été identifié par un policier brugeois, qui avait déjà croisé les petites victimes dans un dossier de protection de la jeunesse et qui a reconnu l’enfant à ses dreadlocks (tresses rasta).
L’enquête a ensuite rebondi en Ukraine (où des séquences avec d’autres mineures ont été tournées), ainsi qu’en Italie. Pour appâter le chaland, Sergio Marzola, 42 ans, un photographe au chômage de Ferrara mettait sur son site Internet de courts extraits des 150 séquences fournies par ses correspondants – dont Taveirne. Pour voir le film en entier, il fallait payer. Une affaire très rentable. Pascal Taveirne n’en a retiré que 3 200 euros.
Les 2 500 clients du réseau pédopornographique ont été repérés grâce à la trace laissée par leur carte de crédit, lors de leurs achats d’images interdites. La coopération judiciaire, sous la houlette des magistrats de Eurojust, basé à La Haye, a fonctionné aussi bien que possible. Les autorités judiciaires des 19 pays concernés ont été averties. Le parquet fédéral belge a relayé ces informations vers les arrondissements judiciaires où vivent les 25 à 30 clients présumés de ce réseau virtuel de détenteurs de matériel pédopornographique (un délit passible d’un an de prison).
A Liège, les investigations policières devaient être menées avec une prudence redoublée et dans le plus grand secret, compte tenu de la personnalité de l’un des quatre suspects, l’avocat Victor Hissel, l’imprécateur n° 1 de l’affaire Dutroux. Les perquisitions du 14 février ont eu lieu, comme la loi l’exige, en présence d’un membre délégué du conseil de l’ordre des avocats de Liège. Inculpés, les suspects ont été laissés en liberté, à certaines conditions, par la juge d’instruction liégeoise Micheline Rusinowski. Cette étape de l’instruction aurait dû faire l’objet d’un black-out total. Mais l’information était trop énorme pour éviter des fuites dans la presse, au grand dam des avocats de Victor Hissel, Mes Adrien Masset et Françoise Demol, qui déplorent cette violation du secret de l’instruction.
L’avocat nie tout passage à l’acte pédophile
La procureure du roi de Liège, Danièle Reynders, a exclu que Victor Hissel ait pu avoir accès à ces vidéos » une seule fois ou par hasard « . Ce dernier a fait des aveux, mais il nie tout passage à l’acte pédophile. C’est une position à considérer de bonne foi. Le monde scientifique s’accorde pour dire que l’exposition à des images pédopornographiques peut avoir un effet cathartique, et donc décourager les abus dans la réalité, comme il peut, dans d’autres cas, les favoriser.
La question que se posent désormais les enquêteurs, à laquelle seul l’examen du disque dur de l’ordinateur saisi permettra de répondre, est la suivante : Victor Hissel a-t-il diffusé lui-même des images de pornographie enfantine ? Auquel cas, la peine qu’il encourt pourrait atteindre trois ans. Etant donné la charge de travail de la Computer Crime Unit de la police fédérale, la réponse ne tombera pas tout de suite.
Pascal Taveirne, lui, vient d’être condamné par le tribu- nal correctionnel de Bruges à dix ans de prison, à dix ans de privation de ses droits civils et politiques, et à dix ans de mise à disposition du gouvernement. La mère des enfants a bénéficié, elle, d’un sursis sous condi- tions pour sa peine de deux ans de prison. Cette famille à risque était suivie depuis longtemps par la section Jeunesse du parquet de Bruges, où la préservation des liens familiaux des enfants est jugée d’un intérêt supérieur à celui d’une mesure de placement. Précédemment, confirme le parquet de Bruges, Taveirne avait déjà été interpellé par la police brugeoise, suite à des informations venues des Pays-Bas, où le Brugeois s’était trouvé en compagnie d’un pédophile notoire. Mais, rapidement bouclée, l’enquête n’avait rien donné.
Marie-Cécile Royen
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