La bévue de Di Rupo
Le Premier ministre a rendu la N-VA crédible. Il l’a présentée comme la vraie solution de rechange.
CERTAINES ÉLECTIONS PEUVENT ÊTRE qualifiées d’historiques. Rappelons-nous le premier » dimanche noir « , en 1991. L’extrême droite avait porté un rude uppercut à l’establishment politique. Pendant plus de dix ans, le système politique a cherché des réponses à cette motion de défiance de l’électorat flamand. Aux élections régionales de 2004, le Vlaams Belang a obtenu son score le plus élevé, en recueillant plus de 24 % des voix. Mais le parti ne constituait déjà plus de menace. En effet, en 2004, le cartel CD&V/N-VA avait sonné le glas de la coalition violette au niveau flamand et, trois ans plus tard, le revirement a suivi au fédéral. Aujourd’hui, il n’y a plus rien à craindre du VB. Depuis 2006, le parti s’érode inexorablement.
Lors du scrutin du 13 juin 2010, le parti qui, avec le CD&V, a redistribué les cartes régionales en 2004 et fédérales en 2007 est devenu le plus grand du pays. A l’occasion de ces élections elles aussi historiques, la N-VA a réussi ce qu’aucun parti avant elle n’avait réalisé : damer le pion à tous. Le système politique en Flandre n’a toujours pas digéré ce revers majeur. Ce n’était pas un parti d’extrême droite, populiste, qui avait défié le landernau politique, mais une formation de centre-droit, convenable, conservatrice, dotée d’un solide programme.
La formation gouvernementale la plus longue de l’histoire de Belgique a donné naissance à une tripartite traditionnelle. Depuis, elle mène une politique de réformes, dans le cadre traditionnel des compromis à la belge. La réforme de l’Etat est imposante, sans être copernicienne ; la politique de l’emploi et des pensions est revue, en misant sur une évolution progressive ; et les exceptions sont légion. Ce n’est pas la grande révolution. Les décisions budgétaires du gouvernement sont impressionnantes sans que le tissu social soit disloqué, et les mesures prises n’ont rien de pénible. Mais beaucoup, en Flandre, n’ont d’yeux que pour les nombreuses menues augmentations d’impôts.
Après six mois d’existence, le gouvernement fédéral n’est pas encore populaire. L’affaiblissement prédit et attendu de la N-VA ne s’est pas traduit dans les faits. Tous les partis, tant de la majorité que de l’opposition, commencent à s’énerver. Car la N-VA cause aussi des ravages au sein du VB et menace le seuil d’éligibilité de la LDD. Tous les sondages réalisés après les élections de juin 2010 montrent que la N-VA devient toujours plus forte alors que les trois partis traditionnels perdent ensemble du terrain. Le jeu n’est pas encore joué, mais l’horloge politique tourne, nous sommes à mi-chemin entre les élections de juin 2010 et de juin 2014.
Pendant son premier Conseil des ministres, le 6 décembre 2011, Elio Di Rupo a défini l’enjeu de son gouvernement : pour donner vie à une équipe Di Rupo II jusqu’en 2019, a-t-il prévenu, il faudra que la N-VA subisse une cure d’amaigrissement dans la perspective de 2014. Or cette bévue de Di Rupo a rendu la N-VA plus crédible : il l’a présentée comme la vraie solution de rechange. La fixette des partis classiques flamands sur la N-VA est contreproductive. Comme les partis ont mis de nombreuses années à trouver la bonne stratégie vis-à-vis du VB, il leur en coûtera encore des années pour se positionner face à la N-VA.
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CARL DEVOS
Les partis traditionnels mettront des années à trouver la bonne stratégie face à la N-VA
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