La BD se rapproche des tablettes
300 000 tablettes numériques vendues en 2011. Et autant de consommateurs qui découvrent une foule d’applications, dont la BD au format numérique, à un tiers du prix » papier « . Les libraires doivent-ils avoir peur ?
La BD numérique va-t-elle davantage séduire que le livre électronique ? Elle a au moins deux arguments en plus. D’abord le prix : une BD numérique (à télécharger sur sa tablette ou à consulter en streaming) coûte, en moyenne, un tiers du prix du même titre en librairie, alors que l’écart entre e-book et le livre papier est bien moindre. Ensuite, le plaisir de lecture est tout autre : la BD numérique se regarde comme un film, en mode de lecture guidée, quasiment case par case, et avec un excellent rendu des contrastes et des couleurs. La valeur ajoutée est toute relative pour un Gaston ou un Tintin, mais l’expérience est plutôt convaincante pour de la BD style heroïc fantasy, des comics ou des mangas. C’est d’ailleurs sur ces deux derniers positionnements que la BD numérique compte ses premiers adeptes. Déjà, ils ont trouvé le chemin qui conduit tout droit à l’offre numérique de Marvel ou au spécialiste BD numérique français AVComics. Ce dernier expérimente même des BD avec audio et vidéo. Les grands éditeurs de la BD franco-belge sont jusqu’ici restés très discrets, mais 2012 devrait être l’année de l’accélération.
» La BD numérique reste un marché en création, mais les mois prochains vont être plus dynamiques. Notre catalogue ne cesse de se développer : nous sommes déjà passés de 600 à environ 4 000 références en un an « , explique Régis Habert, directeur général d’Izneo.com, la librairie numérique créée à l’initiative des poids lourds de la BD franco-belge (Casterman, Dargaud, Delcourt, Dupuis, Glénat, Le Lombard, etc.).
En plus de proposer en streaming sur son propre site des BD numériques à la vente et à la location (abonnement à 10 euros/mois pour 15 BD !) et d’avoir lancé une application iPad (une version Android suivra dans les prochains mois), Izneo s’est alliée aux deux poids lourds de la vente en ligne que sont la Fnac et Amazon. L’offre BD numérique de Fnac.be est en fait celle d’Izneo. » Nous comptons sur les libraires pour stimuler la demande en intégrant notre offre à leur site. Nous venons par exemple de finaliser un accord avec les librairies Club en Belgique « , confie Régis Habert, qui table sur une part de 0,5 % du chiffre d’affaires total de la BD en 2012. De son propre aveu, tous les éditeurs n’ont pas la même détermination à pousser la BD numérique, par crainte évidente de » cannibaliser » leurs revenus » papier « . Les (gros) libraires sont face au même dilemme.
Deux marchés
Patron de la librairie spécialisée Jaune 2, à Wavre, Jean-Pol Sanen ne se sent, lui, en tout cas pas du tout menacé. Le marché de la BD se porte très bien, affirme-t-il, et les lecteurs-collectionneurs, surtout en Belgique, restent très attachés à l’objet BD. Et tant mieux si le numérique permet d’étendre encore le public de la BD, vers les comics ou le manga notamment. Chez Filigranes à Bruxelles, Benoît Paumen partage ce point de vue – la BD n’a sans doute jamais été aussi populaire – mais il reconnaît aussi qu’il faut réfléchir aux évolutions de consommation chez les jeunes. » On verra dans une génération… » Quand tout le monde aura une tablette ?
OLIVIER FABES
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