Jean Teulé, fournisseur de malheur
Deux nouvelles adaptations des romans de Jean Teulé, dont l’excellent Fleur de tonnerre, du duo belge Cornette et Jürg, viennent rappeler qu’il reste le maître du true crime, à la fois historique et féroce.
C’est parce qu’ils aiment à faire ensemble « l’exploration de l’âme noire des humains » que le scénariste Jean-Luc Cornette et le dessinateur Jürg ont décidé, il y a déjà plusieurs années, d’adapter un roman du Français Jean Teulé: « Il correspondait bien. » De fait, côté âme noire, on y trouve de quoi faire. Et ce sera Fleur de tonnerre (1), écrit en 2013: le récit vrai, horrible mais pourtant plein d’humour de la première serial killeuse française Hélène Jégado, guillotinée en 1852 et reconnue coupable du meurtre par empoisonnement d’au moins 37 personnes – série entamée dès sa petite enfance dans une Bretagne gangrenée de superstitions.
Une adaptation qui en rejoint déjà de nombreuses autres: Charly 9, Entrez dans la danse, Je, François Villon, Le Montespan, Le Magasin des suicides (devenu aussi un film d’animation signé Patrice Leconte) ou encore Mangez-le si vous voulez (2), un roman cette fois graphique et extrêmement sombre signé Gelli, sorti quelques semaines avant Fleur de Tonnerre: Jean Teulé y narre cette fois le véritable martyre d’Alain de Monéys, un jeune notable de Dordogne qui, à l’été 1870 et sur un malentendu absurde, fut abominablement torturé puis mangé par une foule littéralement en délire. Deux récits vrais, et deux true crime historiques au-dessus desquels flottent un parfum d’obscurantisme, devenus romans, puis BD, et qui en disent long sur la singularité de l’univers de l’écrivain âgé aujourd’hui de 67 ans. Et dont on a peut-être un peu vite oublié, vu le succès littéraire, qu’il avait démarré en 1978… dans la bande dessinée.
Douze ans de BD
Pilier du magazine L’Echo des savanes puis de Circus, Jean Teulé a d’abord été l’auteur pointu d’une dizaine d’albums en douze ans, de Bloody Mary, adapté de Jean Vautrin, à Gens de France, précurseur du BD-reportage très en vogue aujourd’hui, et récompensé d’un Alph-Art à Angoulême en 1988. Un trophée et une reconnaissance qui ont paradoxalement sonné le glas de sa carrière de bédéiste: un an plus tard, Jean Teulé publiait son premier roman et abandonnait définitivement le crayon dont il usait à la manière du groupe Bazooka, à partir de photos retravaillées. Désormais, il laisse faire en BD d’autres que lui, même s’il s’agit de ses récits, et ce « sans jamais intervenir directement », nous a expliqué le duo bruxellois. « Il ne nous a demandé qu’une chose: faire mieux que le film (NDLR: sorti il y a trois ans) qui avait enlevé tout le grinçant et l’humour de son récit. En réalité, ses romans sont plus proches de la BD que ses propres BD! On y trouve un sens de l’intrigue, des séquences, des dialogues ou de l’action très similaire. »
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