Jean-Michel, Pierre et Pol

La Fondation Folon réunit autour de l’aquarelliste deux de ses meilleurs amis, artistes, belges et pitres.

Jean-Michel avait un humour décalé. Pol, plus sarcastique. Et Pierre était l’intello de la bande…  » Avec ses petites mèches de cheveux acajou s’envolant au vent, Paola Folon, la veuve italienne de l’illustrateur maître de l’errance en apesanteur, a fait le voyage de Monaco pour ouvrir officiellement, dans la ferme du château de La Hulpe, une expo consacrée à trois potes unis par l’art et la malice (1). Pol Bury (1922-2005), Jean-Michel Folon (1934-2005) et Pierre Alechinsky (1927- toujours en vie) : ces trois-là, qui habitaient la Ville lumière dans les années 1970 – on les appelait  » les Belges de Paris « -, s’entendaient comme larrons en foire. Bury avait connu Alechinsky juste après la guerre, et le petit Folon (le plus jeune de la troupe) s’était joint à eux plus tard, quand il n’était encore que caricaturiste pour Pan, bien avant de vivre dans une péniche sur la Seine… Dans leur passé commun de franche rigolade artistico-littéraire, il y avait eu ensuite un grand moment, l’érection (en 1980, à Paris) du centre Wallonie-Bruxelles, cette vitrine un tantinet pompeuse des créateurs belges dans l’Hexagone. Une  » campagne de dérision  » des trois compères – des tracts, des dessins, des publications délirantes – était partie de là, parce qu’ils estimaient l’organisation politique du royaume de Belgique, alors en pleine régionalisation, d’une complexité parfaitement absurde et hilarante… Irrévérence et humour bête (voulu, pour se différencier de l’intellectualisme surréaliste) avaient ainsi produit un foisonnement d’£uvres groupées sous l’égide de ce que les trois zozos nommaient  » la pensée Bul « , en référence aux sphères omniprésentes dans l’univers sculptural de Bury. La pensée Bul donnera finalement naissance aux éditions Daily Bul, qui publieront quelque 400 ouvrages (quand même !), la plupart conservés par le poète belge André Balthazar, autre ami de Bury et d’Alechinsky.

Trésors d’impertinence

C’est une partie de ces trésors d’impertinence que la Fondation Folon, qui fête cette année son dixième anniversaire, a décidé de rendre publics, dans son musée installé au c£ur du domaine régional Solvay. D’entrée de jeu, c’est ici absolument clair : à travers les estampes d’Alechinsky, les inédits de Folon, les photos ou les documents de  » travail « , il apparaît que le trio s’est beaucoup diverti, avec la sottise de potaches de 15 ans. Editées au Daily Bul, les biographies d’Alechinsky et de Bury (par ce dernier) font sourire ( » En 1961, exécute une fresque en poils de chameau pour la Banque du Congo à La Louvière. Réalise en outre un projet d’en-tête pour le papier à lettres des Joyeux Moufflus « ), de la part d’artistes qui, auréolés du succès international, pouvaient allègrement tout se permettre sans prendre le moindre risque. Avec le recul des ans, cela amusera-t-il toujours les visiteurs ? Pas forcément. Ils se rabattront alors plus volontiers sur la salle consacrée aux compositions de Bury, où des  » ramollissements  » et des  » cinétisations  » (des images déformées, sans l’aide des PC actuels !) voisinent avec des mobiles, tous plus fascinants les uns que les autres. Et pour les grosses pièces, l’expo se poursuit à l’extérieur : dans les allées du parc, où des fontaines hydrauliques en cuivre patiné ou en acier inoxydable jettent d’inquiétants crachats aléatoires, qui semblent plaire follement aux canards…

(1) Alechinsky, Bury, Folon, jusqu’au 31 octobre 2010, à la Fondation Folon, 6A, drève de la Ramée, à La Hulpe. Info sur www.fondationfolon.be

VALéRIE COLIN

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