Jean Materne – Bon-papa confiture

Une tartine de confiture au petit déjeuner, une autre au goûter… A toutes ces douceurs le nom de Materne est souvent associé. Jean Materne fut le premier à industrialiser un produit fabriqué jusque-là dans les vieilles marmites de famille : la confiture. Mais il fut aussi le tout premier à proposer des produits surgelés… Son petit-fils garde de lui un délicieux souvenir sucré.

De Han-sur-Lesse à Los Angeles, où que vous passiez vos vacances d’été, vous allez les croiser… Qui ça ? Les mini-pots de confiture que les hôtels du monde entier proposent à l’heure du petit déjeuner.  » C’est mon grand-père qui les a inventés ! affirme Pascal Vanderveeren. Mon grand-père Materne. A l’origine, il les avait imaginés pour les trains…  » L’histoire remonte à la fin des années 1950, à l’époque des premiers trains rapides. Bien avant les TGV, ce sont les TEE. On y voyage exclusivement en première classe et les repas sont réputés de qualité. Mais comment proposer de la confiture à un homme d’affaires qui voyage entre Bruxelles et Paris ? Jean Materne a alors cette idée de génie, mille fois copiée depuis.

 » Mon grand-père était un véritable entrepreneur, raconte son petit-fils. Il est né en 1889, à Wépion.  » Dans ces années-là, les coteaux du bord de Meuse fleurent déjà bon la fraise. La région est réputée pour ses fruits. C’est d’ailleurs l’activité qui fait vivre la famille. Les parents Materne sont maraîchers. Ils cultivent puis commercialisent leur production. Comme beaucoup d’autres dans les environs.  » Mais les Materne veulent aller plus loin que les autres. Ils ont alors l’idée de transformer leurs fruits en sirops, en compotes… Ils songent aussi à la confiture, bien sûr. Mais, à la fin du xixe siècle, il fallait payer de telles taxes sur le sucre que ce n’était pas possible. Pleins d’imagination, les Materne envoient alors leurs fruits et leurs bocaux en Angleterre, pour faire fabriquer une confiture à moindre coût, qui leur est ensuite renvoyée pour être vendue chez nous. Imaginez-vous ! Lorsque ces taxes ont été supprimées, quelques années plus tard, ils ont évidemment décidé de se lancer eux-mêmes dans la fabrication de confiture. Et c’est ainsi que tout a commencé… « 

Jean est l’aîné de la tribu Materne. Et comme tout aîné, dans ces années-là, c’est lui qui va reprendre les rênes de l’entreprise familiale.  » Mon grand-père était le paterfamilias, poursuit Pascal Vanderveeren. C’est sous sa direction que l’affaire connaît un grand essor.  » En parfait industriel, Materne décide de délocaliser la production. Certes, il ne part pas bien loin. Il quitte Wépion pour s’installer de l’autre côté de la Meuse, à Jambes. Mais, à Jambes, il y a une gare où vont pouvoir débarquer des fruits venus de toute l’Europe, que l’on pourra ensuite rembarquer rapidement lorsqu’ils auront été transformés en confiture Materne.  » Mon grand-père était un homme extrêmement dynamique, affirme encore Pascal Vanderveeren avec une pointe de fierté. Il a été le premier à commercialiser de la confiture industrielle. Les autres marques que vous connaissez sont toutes plus jeunes que Materne. Mon grand-père était vraiment le premier. Puis il a su s’adapter aux exigences de la clientèle. Ainsi, après la Seconde Guerre mondiale, il a décidé de lancer les produits surgelés. Les tout premiers produits surgelés proposés en Belgique.  » Cette méthode de conservation des aliments avait été développée par les Américains dans l’entre-deux-guerres. Jean Materne y voit une perspective d’avenir. Mais, dans les années 1940 et 1950, les ménagères, habituées à stériliser leurs bocaux de fruits et légumes, n’ont que faire des surgelés. La méfiance est de mise. De toute façon, pour conserver des surgelés, encore faut-il un surgélateur… Et personne ne songerait à acheter un surgélateur ! Mais Jean Materne, lui, y croit. En 1946, il ouvre en Campine une usine exclusivement consacrée à la production d’aliments surgelés. Et lui donne un nom qui fait froid dans le dos : Frima.  » Fri-Ma, pour Frigorifiques Materne « , détaille son petit-fils. Qui s’en souvient aujourd’hui ? Les années prouveront pourtant que, en matière de surgelés, Jean Materne avait raison…

 » Tout cela me fascinait, confie le petit-fils de l’industriel. Chaque année, mon grand-père organisait un banquet qui réunissait tous ses ouvriers. Rien qu’à Jambes, ils devaient être plus d’un millier. Il faut aussi vous dire qu’il était bourgmestre de Jambes. De 1933 jusqu’à son décès, en 1964. C’était un libéral bon teint, mais ouvert. Jambes lui doit notamment ses logements sociaux, parmi les tout premiers de Belgique. Tout le monde l’appelait « Monsieur Jean » et lui connaissait chacun par son prénom. C’était incroyable, ces banquets ! Même si je dois avouer que, tout gamin, je passais moins de temps à table que… sous la table ! « 

 » Quand j’ai été plus grand, je suis allé travailler à l’usine pendant les vacances. J’étais très fier. Mon grand-père, aussi. Il me présentait à tous les contremaîtres.  »C’est mon petit-fils, Pascal, occupez-vous bien de lui ! » Je faisais un peu de tout. Du tri des fruits à l’administration. Cela m’aurait sans doute plu de faire ma carrière aux établissements Materne. La question ne s’est cependant pas posée. L’affaire a été revendue après le décès de mon grand-père. Les affaires de famille, vous savez, c’est parfois compliqué… Mais je n’ai pas de regrets. J’aime ce que je fais « , insiste Pascal Vanderveeren, qui est aujourd’hui avocat et président du Barreau pénal international.  » Et puis, je garde des souvenirs fantastiques de toutes les années passées avec mon grand-père. Je vous ai raconté l’industriel, mais ne croyez pas pour autant que c’était un homme austère. C’était plutôt le genre de grand-père qui fait sauter ses petits-enfants sur les genoux. Mes parents habitaient Bruxelles. Mon grand-père passait à la maison quand il venait au Sénat – parce qu’il était également sénateur. J’adorais ces moments-là. Surtout lorsque, le repas de midi terminé, il me ramenait à l’école dans sa grosse voiture noire. Qu’est-ce que j’étais fier ! Je me souviens aussi, quand j’étais petit louveteau… Il débarquait au camp avec une kyrielle de tartes aux fruits. Vous imaginez si j’étais heureux ! Et après tout ça, on s’étonne que je sois gourmand…  » l

Retrouvez la série  » Mon grand-père, ce héros » tous les matins en semaine à 9 h 15 sur LA PREMIÈRE

Christine Masuy

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