Jardin

Michel Verlinden Journaliste

De la France à la Belgique, des Etats-Unis au Danemark, les chefs cultivent désormais leur lopin de terre. C’est une tendance forte… même au coeur des villes.

La nouvelle a surpris la planète gastronomique qui ne l’avait pas vu venir. Le Danois René Redzepi, à la tête du Noma, un restaurant vers lequel le monde entier a les yeux tournés, a annoncé cette année la fermeture de son établissement. Date prévue de cette autodestruction programmée ? Le 31 décembre 2016. La décision a d’autant plus secoué les foodies des quatre coins du globe que l’enseigne n’est nullement en proie à des soucis financiers et que le cuisinier de cette adresse – qui a été plusieurs fois désignée meilleure table du monde – semble loin d’être au bout de son potentiel. L’ambition du maître est-elle de disparaître au sommet de la gloire ? Pas du tout. L’homme voit plus loin. Anticipant évolution du métier et air du temps, il rouvrira, en 2017, une ferme urbaine avec serres sur le toit et équipe de fermiers ultracompétents. But de la manoeuvre ? Bien sûr, signer des menus personnalisés avec des légumes produits sur place au fil des saisons. Mais pas seulement. Il est aussi question d’assigner une position plus humble au chef. Ce dernier affirme vouloir revenir à la terre et s’effacer derrière la nature, à une époque où son job s’apparente de plus en plus à celui de rock star.

Herbes à volonté

Si cette perspective laisse entrevoir un avenir possible pour le secteur, elle a déjà été largement préparée. Cela fait en effet un moment que, confrontés régulièrement à la question du sens de leur profession, les chefs se sont rapprochés de la terre nourricière. Ainsi d’un Dan Barber aux Etats-Unis. Depuis 2004, son Blue Hill at Stone Barns repose sur un concept de ferme-restaurant. Seule différence de taille, l’endroit se trouve en rase campagne. En France également, les experts des fourneaux se sont mis à l’écoute des messages de circuits courts et d’économie circulaire. On sait qu’ Alain Passard, pionnier en la matière, fait venir ses légumes de ses deux jardins dans la Sarthe et l’Eure. En Belgique, c’est Sang-Hoon Degeimbre qui a montré l’exemple. Il a été l’un des premiers à mettre sur pied un potager, en compagnie de Benoît Blairvacq, afin de disposer d’herbes et de légumes de premier choix. Dans sa nouvelle adresse de Liernu, sa culture s’étend carrément sur cinq hectares et est considérée comme la  » colonne vertébrale  » de la cuisine. En 2015, on doit le geste le plus significatif du genre à Pascal Devalkeneer. Le chef doublement étoilé du Chalet de la Forêt a fait appel à l’architecte de jardins Erik Dhont pour qu’il dessine un élégant potager urbain en lisière de la forêt de Soignes. Loin d’être décoratif, cet éden est censé fournir la totalité des herbes aromatiques, ainsi qu’un peu plus d’un tiers des besoins en légumes, du restaurant. Il n’en faut pas plus pour réveiller les fantasmes de racines et de locavorisme des citadins.

Michel Verlinden

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