Il n’y a pas que le mélanome…
Ils provoquent moins facilement des métastases et se présentent différemment mais, comme les mélanomes, mieux vaut tout de même les traiter sans tarder. Pleins feux sur les carcinomes basocellulaires et spinocellulaires, les autres cancers de la peau.
Depuis une cinquantaine d’années, le bronzage a la cote. Les vêtements d’été et maillots de bain sont toujours plus minimalistes, les vacances sous les tropiques sont presque banales, le banc solaire s’est généralisé, la couche d’ozone s’amincit… et ces années d’exposition aux rayons UV nocifs ne sont pas sans conséquences. Un Belge sur cinq développe aujourd’hui un cancer de la peau avant l’âge de 75 ans. Le nombre annuel de nouveaux diagnostics dans notre pays est passé de 11.359 en 2004 à 43.745 en 2018 (chiffres de la Fondation Registre du Cancer), une progression qui va probablement se poursuivre avec l’augmentation de l’espérance de vie… et de l’obsession du bronzage. La tendance ne s’inversera que si les ados d’aujourd’hui apprennent à s’exposer au soleil avec plus de discernement que leurs (grands-)parents.
Le mélanome – la forme la plus agressive et la mieux connue du grand public, qui touche aussi les jeunes – ne représente que 1 cancer de la peau sur 10. Les 90% restants appartiennent à d’autres types. « Ces cancers dits non-mélanomes, qui touchent presque exclusivement des plus de 50 ans, reçoivent souvent beaucoup moins d’attention dans les médias, commente le Pr Marjan Garmyn, dermatologue à l’UZ Leuven. Probablement parce qu’ils provoquent rarement des métastases. Pourtant, ils peuvent aussi faire des dégâts considérables lorsqu’ils s’insinuent profondément dans la peau ou se ramifient. Plus on attend pour les soigner, plus il faudra éliminer de tissu et plus la mutilation – généralement localisée à un endroit très visible – sera importante. Même les cancers non-mélanomes devraient donc être traités le plus rapidement possible. »
Une prédilection pour le visage
Les formes les plus courantes, qui touchent principalement des personnes avec une peau claire et sensible au soleil, sont les carcinomes basocellulaires (environ 70% des cancers de la peau) et spinocellulaires (environ 20%). Les premiers ne s’accompagnent qu’exceptionnellement de métastases, les seconds un peu plus souvent. Les carcinomes basocellulaires sont donc de loin la forme la plus courante de cancer de la peau et se développent principalement au niveau du visage. Les carcinomes spinocellulaires ont également une prédilection pour cette zone, mais aussi pour d’autres endroits du corps fréquemment exposés au soleil: dos de la main, oreille, cuir chevelu chez les hommes dégarnis, décolleté chez les femmes, bas des jambes et avant-bras. « Contrairement aux carcinomes basocellulaires, les carcinomes spinocellulaires peuvent même toucher les muqueuses et notamment les lèvres, en particulier chez les fumeurs. Ils se développent sur une peau déjà endommagée, généralement par le soleil. Le plus souvent, ils évoluent à partir de kératoses actiniques, de petites taches rugueuses, rouges et squameuses provoquées par des années d’exposition aux rayons UV. »
Petite boule ou petite plaie
Contrairement aux mélanomes, les carcinomes basocellulaires et spinocellulaires ne se présentent pas sous la forme de grains de beauté « suspects ». Les carcinomes spinocellulaires ne sont jamais pigmentés et les carcinomes basocellulaires le sont rarement: au contraire des mélanomes, ils ne se développent en effet pas à partir de cellules pigmentaires ou mélanocytes, mais à partir de cellules productrices de kératine ou kératinocytes – et plus précisément celles des couches profondes de l’épiderme, qui se divisent en permanence pour assurer le renouvellement cutané et sont donc particulièrement susceptibles de dégénérer en cellules malignes.
« Les carcinomes spinocellulaires se présentent généralement comme une petite boule incolore ou légèrement rouge, qui grandit et devient douloureuse, précise le Pr Garmyn. Parfois, ils prennent aussi la forme d’une plaie qui ne guérit pas. Il en va de même pour la plupart des carcinomes basocellulaires, qui présentent toutefois typiquement une surface ou un pourtour luisant et parfois aussi des vaisseaux sanguins visiblement dilatés. Il existe aussi une forme de carcinome basocellulaire qui reste plane et se caractérise par sa coloration rosée. »
Opérer en épargnant la peau
Les carcinomes basocellulaires se développent généralement plus lentement que les carcinomes spinocellulaires, qui peuvent déjà provoquer des lésions étendues en quelques semaines ou quelques mois. Face à une petite boule, une tache suspecte ou une plaie qui n’est toujours pas guérie après 2 à 3 semaines, consultez donc votre médecin de famille, qui pourra le cas échéant vous référer à un dermatologue.
« Grâce à une loupe spéciale, le dermatoscope, nous pouvons regarder à travers la couche cornée de l’épiderme. Si nécessaire, nous prélèverons aussi un échantillon de tissu. Les carcinomes basocellulaires et spinocellulaires superficiels pourront être traités par des moyens non chirurgicaux, tels qu’une crème cytotoxique ou une thérapie photodynamique. Les formes qui touchent déjà le derme devront être excisées, afin d’éliminer tout le tissu malade. La tumeur sera retirée avec une marge de sécurité, qui sera analysée par un anatomopathologiste. S’il n’y découvre aucune cellule cancéreuse, nous aurons l’assurance d’avoir enlevé toute la tumeur. Dans le cas contraire, il faudra réopérer. »
Les médecins préfèrent évidemment toujours éliminer le moins de tissu sain possible, en particulier dans des zones très visibles et dans celles où il n’y a déjà pas beaucoup de peau à retirer, comme le pourtour de l’oeil, le nez ou les lèvres. « Pour épargner la peau au maximum, on pourra procéder par étapes en soumettant à chaque fois le tissu excisé à l’analyse de l’anatomopathologiste, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus aucune cellule cancéreuse, explique le Pr Garmyn. C’est ce que l’on appelle la chirurgie micrographique de Mohs qui peut être réalisée sous anesthésie locale mais prend un peu plus de temps – quelques heures en général, temps d’attente inclus. C’est une technique utilisée surtout pour les tumeurs mal circonscrites au niveau du visage, dont certains types de carcinomes basocellulaires, mais aussi pour les carcinomes basocellulaires récurrents en raison d’une excision incomplète. »
Métastases
Lorsqu’un carcinome spinocellulaire provoque des métastases, celles-ci touchent généralement les ganglions lymphatiques situés à proximité. « Lorsqu’une tumeur de ce type est constatée, ces ganglions sont aussi examinés. Les ganglions hypertrophiés ou ‘suspects’ seront ponctionnés en vue d’une analyse anatomopathologique de leurs cellules. Ceux qui sont atteints seront retirés par voie chirurgicale. L’opération sera parfois suivie d’une radiothérapie, et des examens d’imagerie supplémentaires permettront de dépister une possible propagation à d’autres organes. Ces éventuelles métastases étaient classiquement traitées par chimiothérapie, mais l’immunothérapie permet aujourd’hui d’obtenir de meilleurs résultats. »
Après un premier carcinome basocellulaire ou spinocellulaire, les patients sont souvent spontanément plus attentifs aux lésions cutanées « suspectes ». « Pensez toutefois aussi à faire régulièrement contrôler votre peau par votre généraliste ou dermatologue, conseille le Pr Garmyn. La fréquence optimale de ces contrôles varie d’une personne à l’autre ; suivez donc toujours les conseils de votre médecin. »
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