Il faut sauver la RTBF

Le malaise identitaire de la RTBF, écartelée entre ses missions de service public et sa course laborieuse à l’audimat, désespère Bernard Hennebert.

Bernard Hennebert est le poil à gratter de la RTBF. Avec acharnement et minutie, il la somme de correspondre à un modèle de service public qui n’existe plus guère qu’à la BBC ou à l’ARD allemande. Il lui est arrivé de trouver l’oreille des décideurs politiques de la Communauté française – qui finance le ser- vice public à hauteur de 75 % – en relayant les préoccupations du secteur associatif et des consommateurs. A son actif : la création du journal télévisé des enfants, Les Niouzz, et l’agenda associatif  » Ça bouge « , l’obligation de répondre au courrier du public, la signalétique jeunesse, l’indication de la tarification des numéros 0900… Ses échecs, il les énumère volontiers :  » Qu’il n’y ait pas eu au moins un statu quo de la pub à la RTBF, que la ministre de la Culture et de l’Audiovisuel ait refusé d’organiser un débat avec le public sur ce sujet, que des émissions régulières sur la parentalité, la consommation culturelle, l’Europe ou la Flandre n’aient pas été imposées à la RTBF, que le JT de 13 heures continue à commencer à 12 h 59…  » Pas étonnant que Reyers se méfie de ce moustique invariablement souriant !

Son dernier opus, Il faut sauver la RTBF (1), fait la part belle au combat antipub. Il s’inscrit dans la lignée de l’Appel des 100 (politiques, artistes, intellectuels…) et de l’ASBL Respire, qui se sont manifestés, à l’été 2007, lors de la renégociation du contrat de gestion de la RTBF.  » Davantage de pub à la télévision ? « Non », promettaient en ch£ur tous les partis à la veille des élections du 13 juin 2004, rappelle Bernard Hennebert. Pourtant, le nouveau contrat de gestion 2007-2012 permet d’engranger encore plus de recettes publicitaires : jusqu’à 30 % des revenus de la RTBF en 2010. La course aux annonceurs et à l’audimat pousse la RTBF à calquer de plus en plus sa programmation sur les chaînes privées, ce qui marginalise ses missions spécifiques de service public.  » Il reste quand même un espoir.  » L’élaboration, en 2011, du prochain contrat de gestion sera la dernière chance pour la RTBF de devenir un vrai service public, poursuit Bernard Hennebert. Puisse le public prendre la parole, dès la campagne électorale de 2009 pour les régionales, sur cette matière qui influence tant la mentalité et le quotidien des citoyens!  » Et, joignant le geste à la parole, il délivre le mode d’emploi d’une  » intervention  » sur les médias. Un doux rêveur ? Pas si sûr.

Le coup de pouce de Nicolas Sarkozy

Nicolas Sarkozy dit la même chose.  » Je ne veux pas dire que la télévision publique doit être élitiste ou ennuyeuse, mais il faut changer en profondeur son cahier des charges « , a-t-il balancé, le 8 janvier dernier. Si l’on veut un service public, il faut lui donner une identité, il faut lui donner un périmètre, il faut lui donner les moyens de se financer.  » Lancée par un président français peu suspect de gauchisme, l’idée de supprimer totalement la publicité sur les chaînes publiques tombe à pic pour relancer un débat qui, en Belgique francophone, a pris les allures d’une guerre des tranchées. Fadila Laanan (PS), ministre de la Culture et de l’Audiovisuel de la Communauté française, a réagi sur l’air du  » pas question de déshabiller Paul (l’enseignement) pour rhabiller Pierre (la RTBF) « . La pub, qui couvre un quart des besoins de la RTBF, est indispensable à l’équilibre financier de celle-ci.  » Mais la publicité coûte fort cher, rétorque Bernard Hennebert. Pour l’attirer, la RTBF a dû multiplier programmes (passer de trois à cinq chaînes de radio), personnel et locaux, reléguant du même coup à des horaires pour insomniaques d’autres objectifs réalisés avec des fonds de tiroir, alors que c’est pour concrétiser ceux-ci qu’elle reçoit une dotation. « 

Il faut sauver la RTBF, par Bernard Hennebert, préface de Marc Moulin, Couleur Livres, à paraître début février. Lire aussi www.consoloisirs.be.

Marie-Cécile Royen

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