Freddy Thielemans, ce maïeur que l’Europe nous envie
Freddy Thielemans a les pieds bien ancrés dans le terreau de sa ville de Bruxelles. Il y est né, il y a enseigné, il la gouverne depuis bientôt trente ans, dont douze dans le fauteuil maïoral. Mais c’est le regard tourné vers l’Europe qu’il entame son troisième mandat.
» Les Wallons disent que je suis le moins brusseleir des Bruxellois. Les Bruxellois me tiennent pour l’un des leurs : je serai sans doute le dernier bourgmestre de la ville qui parle le bruxellois. » Confortablement réélu en octobre dernier pour un troisième mandat aux commandes de la Ville de Bruxelles, la plus vaste et la plus peuplée des 19 communes formant la Région de Bruxelles-Capitale, Freddy Thielemans en est le pur produit. » La synthèse même, corrige son ex-chef de cabinet, l’échevin Philippe Close. Une espèce en voie de disparition. »
Né au pied de l’Atomium, à Laeken – l’une des entités de la Ville avec Haren et Neder-Over-Heembeek – il y a soixante-huit ans, ce ketje de Bruxelles y jouit d’une popularité que lui envient aussi bien ses adversaires que ses amis politiques. De l’avis général, il n’a pourtant pas le dikkenek, aucun complexe de supériorité. Malgré les ors de son hôtel de ville du XVe siècle qui impressionne tant ses visiteurs, l’homme politique est resté simple et, surtout, proche du peuple. » Les gens reconnaissent ma propension à aller vers eux, à les écouter, à vivre la vie avec eux. Qu’est-ce qu’un bourgmestre sinon l’incarnation de la cité qu’il gouverne ? J’aime les humains et je suppose que ça doit transpirer. » Ses nombreux liens avec les confréries du folklore local en attestent. Il ne raterait pour rien au monde une plantation du Meyboom, par exemple.
En octobre 2006, Freddy Thielemans confirmait une première fois son maïorat avec le plus haut score personnel jamais obtenu par un candidat aux élections communales à Bruxelles (8 586 voix contre 6 391 en 2012). Cet ancien joueur de rugby, qui a gardé des liens très forts dans ce milieu d’hommes, la joue modeste : » Mes échevins et moi, nous formons une équipe, il y a une vraie cohésion, l’individualité ne peut pas primer sur le groupe. C’est comme le rugby : un jeu de solidarité, on ne traverse pas le terrain tout seul. »
Un homme de parti
Voilà qui n’a pas empêché Freddy Thielemans, au soir du dernier scrutin, de rompre avec ses alliés humanistes, renvoyant froidement leur chef de file Joëlle Milquet sur les bancs de l’opposition. Comme il l’avait déjà fait avec les verts six ans plus tôt. L’alliance est cette fois de circonstance avec les bleus d’Alain Courtois, avec qui Freddy-le-rouge ne se cache pas d’entretenir des relations cordiales depuis longtemps.
Mais s’il ne néglige pas ses liens avec différentes personnalités d’autres bords politiques – qu’il préfère ne pas nommer pour » ne pas les embarrasser » -, le chef de file socialiste de la Ville de Bruxelles est avant tout un homme de parti. Sa base, c’est la section locale du PS : » C’est d’elle que je tire ma légitimité, c’est l’écoute des militants qui nous permet d’avancer. » Et même s’il est très attaché à son épouse et à ses deux filles qui » souffrent très fort de mon agenda trop chargé « , c’est dans la famille socialiste qu’il a tissé les liens solides sur lesquels il appuie son action.
Des noms : de Charles Picqué et Rudy Vervoort, le ministre-président bientôt sortant et son successeur désigné, à Philippe Busquin et surtout Elio Di Rupo, deux illustres ex-présidents du PS, en passant par ses échevins ou son allié Yvan Mayeur, président du CPAS. Quant à Laurette Onkelinx, la nouvelle patronne de la fédération bruxelloise, elle le soutenait encore sur le terrain à la veille du scrutin d’octobre dernier. » Et puis, on a subi un entartage ensemble, évoque le maïeur. Ça crée des liens. »
Une capitale européenne qui bouge
S’il a voué sa carrière politique à Bruxelles – comme son grand-père qui y fut échevin pendant trente-trois ans ! -, cet enseignant de formation qui se rêvait dessinateur de bédé connut tout de même une parenthèse européenne d’un an, élu au Parlement en 1999. Il en a gardé à la fois des liens forts et parfois utiles, notamment avec l’actuel président de l’assemblée, ainsi qu’une conscience aiguë du statut unique de capitale européenne de sa ville. Il en a fait une force, celle d’une ville qui bouge, où les jeunes ont leur place, où les animations se multiplient et où les touristes se bousculent, loin de l’image ennuyeuse de capitale administrative qui lui collait jadis à la peau. » Le fil rouge de notre politique « , confirme Philippe Close.
Mais c’est aussi pour » assumer ce statut » que Freddy Thielemans a initié le très ambitieux projet Néo de redéploiement du plateau du Heysel, avec son centre international de congrès, sa salle polyvalente de 15 000 places, son centre commercial et tout un quartier de vie nouveau aux alentours. Le chantier-phare de la nouvelle législature. Qui lui tient d’autant plus à coeur qu’il créera 3 000 emplois, surtout peu qualifiés.
L’emploi, c’est son autre priorité. Ce qu’il confesse comme un regret, voire un échec inscrit au passif du bilan de sa coalition sortante : » Il m’est insupportable de diriger une ville qui compte un tel taux de chômage. » Mais les moyens communaux sont limités, en la matière. Au moins se réjouit-il de la mixité sociale dont peut se flatter la ville et qui, selon lui, l’a préservée des violences urbaines qu’ont connues tant d’autres capitales européennes ces dernières années de crise. » Grâce notamment à la politique de mixité très volontariste que nous menons et que nous poursuivrons dans l’enseignement de la Ville, souligne- t-il. C’est primordial à mes yeux. »
Envisage-t-il sa succession ? On a beaucoup dit qu’il céderait le flambeau à Yvan Mayeur en cours de législature. Pour l’heure, aucun ne confirme… ni ne dément. Le premier s’affirme incapable de prévoir ce qui se passera demain : » Mon souhait ? Rajeunir et rester très longtemps. C’est la section qui décidera » – encore elle. Le second glisse tout de même, sibyllin : » Laissez-lui un peu de temps et vous lui reconnaîtrez, je pense, des qualités exceptionnelles. » Décode qui pourra.
PHILIPPE BERKENBAUM
La mixité sociale préserve la ville
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