© Kenneth M. Milton Fine Arts. Courtesy of Walter Family and Xavier Hufkens, Brussels.

Frank Walter’s Chessboard

Le Vif

Il faut parfois une rencontre pour qu’une œuvre traverse le temps. Celle-ci peut se faire sur le fil, de façon spectaculairement posthume, comme ce fut le cas des clichés de la photographe Vivian Maier sauvés par le regard aiguisé d’un homme (Le Vif du 18 novembre 2021). On aurait tort de mépriser ce genre de trame existentielle infusée au facteur humain, elle est le sel de l’art.

Dans le cas de Frank Walter (1926 – 2009), la mise en présence s’est opérée du vivant du peintre, originaire d’ Antigua (Caraïbes). Alors que la paysagiste Barbara Capa travaille sur l’île, elle tombe sur l’une de ses toiles dans la demeure d’un client qui l’a reçue (aucune toile n’ayant été vendue du vivant de Francis Archibald Wentworth Walter, son véritable nom). Stupéfaite par la puissance expressive du tableau, celle qui est aussi historienne de l’art part à la rencontre de l’artiste. Très vite, un lien se crée avec cet homme qui vit reclus. L’ Américaine prend toute la mesure du personnage à la destinée ambiguë, lui qui est fils d’un propriétaire d’esclaves blancs et d’une esclave noire. Walter a également été le premier directeur afrodescendant d’une importante plantation de canne à sucre. Mais quand Capa fait sa connaissance, ce passé n’est plus qu’un souvenir. Après des revers de fortune, l’intéressé habite une cabane en tôle dans laquelle il se consacre entièrement à la peinture.

On aurait vite fait de coller l’étiquette «art outsider» sur cette production qui s’est élaborée, selon la définition, loin des milieux artistiques. Erreur, le socle de cette œuvre est bien plus complexe. On évitera toute réduction pour en contempler la puissance, le lien intime avec la nature dont elle procède, ce dont de pénétrants paysages témoignent. C’est d’autant plus vrai qu’elle transcende la question des supports – toile, papier, carton, masonite, bois, photographie… – et de la figuration qu’il lui arrive d’étirer jusqu’à ses confins.

A la galerie Xavier Hufkens, à Bruxelles, jusqu’au 22 octobre.

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