Flags
Imaginée dans la foulée de Mappa mundi, exposition à la villa Empain qui explorait les convergences entre cartes et territoires, Flags enclenche sur la thématique du drapeau. La proposition convie une soixantaine d’artistes – et non des moindres, puisqu’il est question de Marina Abramovic, Andy Warhol ou encore David Hammons – autour d’un motif qui scande l’histoire de l’art. Bien sûr, parler du drapeau aujourd’hui, à l’heure des décons- tructions, c’est s’interroger sur le besoin d’appartenance collective en essayant de comprendre pourquoi cette affirmation fantasmée conduit à l’éviction d’autrui – les fameuses Identités meurtrières d’ Amin Maalouf.
En entrant, à hauteur de la belle verrière, une crainte nous envahit sous quinze bannières en polyester suspendues comme sur une corde à linge. Signée par l’artiste coréenne Kimsooja, The Flags (2018-2022) consiste en un brouillage des frontières à travers une superposition de différents étendards nationaux. L’ œuvre fait surgir le spectre d’un propos par trop littéral. Plus loin, Printemps perdus (2017), de Mounir Fatmi, ne rassure pas. Le Marocain met en scène les 22 drapeaux des pays de la ligue des Etats arabes. Quatre d’entre eux – Libye, Tunisie, Egypte et Yémen – sont assortis de balais en référence aux soulèvements populaires que l’on connaît.
Passée cette introduction, le propos se densifie. La preuve avec Les Ondes de Love (2009) d’Edith Dekyndt, une vidéo fascinante, filmée dans un paysage désertique, d’un long drapeau noir que le vent échoue à arracher à la gravité. En creux, c’est toute l’histoire de l’esclavagisme qui plane sur cette séquence de quinze minutes. Mais c’est incontestablement une autre vidéo, celle de Zoulikha Bouabdellah, qui déterritorialise la notion avec le plus d’acuité. Dansons (2003) donne à voir le ventre d’une danseuse paré de foulards bleu, blanc et rouge. Ornées de médaillons sonores, ces étoffes s’agitent au son d’une Marseillaise plus martiale que jamais. Difficile d’imaginer réquisitoire contre le chauvinisme plus drôle et pertinent.
A la Fondation Boghossian, à Bruxelles, jusqu’au 22 janvier.
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