Faux et usage de faux

Louis Danvers Journaliste cinéma

Aux débuts des années 1970, l’écrivain Clifford Irving inventa une fausse autobiographie du milliardaire Howard Hughes. Faussaire (The Hoax) évoque de manière captivante cette incroyable mystification.

Jamais il n’avait rencontré Howard Hughes. Mais, quand il prétendit connaître le puissant et mysté- rieux milliardaire, et être devenu son biographe exclusif, les éditeurs eurent envie de le croire. Jusque-là, Clifford Irving n’était pour eux qu’un romancier doué, mais peu vendeur. D’un coup d’un seul, il leur apportait sur un (coûteux) plateau la biographie la plus désirable du marché littéraire. L’isolement de Hughes dans son hôtel refuge de Las Vegas et le fait qu’il ne communiquait plus avec le monde extérieur que très sporadiquement et par voie épistolaire offraient à Irving le double avantage de pouvoir obtenir un contrat d’édition sur la simple foi d’une fausse missive bien réalisée, et d’avancer son affaire sans que le principal intéressé soit le moins du monde au courant…

Un culot incroyable

Cette mystification, une des plus extraordinai- res jamais tentées… et presque abouties, méritait de se voir raconter dans un film. Lasse Hallström s’est chargé de le réaliser, sur un scénario de William Wheeler. Dans le rôle d’Irving, Richard Gere livre une interprétation formidable. Quasi méconnaissable par la grâce d’un maquillage qui le fait ressembler de près à son modèle réel, le comédien fait des étincelles dans un personnage dont il restitue tour à tour (et quelquefois même simultanément !) les élans enthousiastes, l’invraisemblable culot, les doutes, les moments de panique et les rebonds sans fin. Une performance unique pour un film à la narration par ailleurs captivante, où brille aussi le trop rare Alfred Molina, dans le rôle du documentaliste et complice d’Irving, Richard Suskind.

Un peu comme le Zodiac de David Fincher et certains films de Steven Soderbergh, de Paul Thomas Anderson et de Quentin Tarantino, Faussaire a le look mais aussi l’esprit du meilleur cinéma des années 1970. Par-delà le fait, évident, que le récit réel se situe à cette époque, il y a là comme un hommage à une décennie fabuleuse qui a vu le cinéma américain se réinventer dans une liberté créative empreinte du souffle libertaire venu d’une société en pleine contestation. Et, si le film de Lasse Hallström est un divertissement épatant, que l’on suit avec un plaisir intense, il s’inscrit aussi dans le cadre de plus en plus passionnant du retour au premier plan de ces seventies trop longtemps décriées. Au passage, ce pétillant Faussaire interroge aussi des thèmes comme la fascination du pouvoir, la course médiatique à la sensation, la perméabilité au mensonge d’une société pressée. Des questions posées avec verve et humour, et qui n’ont rien perdu de leur pertinence dans le monde qui est aujourd’hui le nôtre…

Louis Danvers

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