Le cri d’alarme est venu d’où on ne l’attendait pas : de Mieke Vogels, une écologiste anversoise. Le droit au re-groupement familial serait détourné partiellement de son but – protéger la vie privée et familiale – pour franchir les barrières à l’immigration
En 2003, 18 000 demandes de regroupement familial ont transité par les communes et 7 500 demandes (4 415 impliquant un non-Européen, 2 987 un citoyen européen) ont été introduites via nos ambassades et consulats. Toutes n’ont pas été suivies d’effet. Néanmoins, la hausse est là : 10 552 autorisations accordées en 2003 contre 8 999 en 2002. Le ministre de l’Intérieur Patrick Dewael (VLD) a annoncé son intention de durcir les lois sur l’acquisition de la nationalité belge et sur le regroupement familial – possibilité pour un Belge ou pour un étranger en séjour légal de faire venir en Belgique des membres de sa famille ou un conjoint étrangers. Le débat a été lancé par Mieke Vogels (Groen !), forte de son expérience de membre du Centre public d’aide sociale (CPAS) d’Anvers et de quelques mois de » travail de terrain » dans les » quartiers difficiles » de la ville portuaire. L’Anversoise dénonçait le sort des personnes âgées que des couples belges ou mixtes d’origine étrangère font venir en Belgique sans avoir la volonté ou la possibilité de leur assurer une existence digne. D’autres dérapages ont été signalés par la responsable de l’antenne anversoise de l’Office des étrangers, Iris Ceulemans : des Afghans ou des Pakistanais fraîchement naturalisés hollandais se fixeraient le long de la frontière, à Anvers ou dans le Limbourg, pour pouvoir exercer plus facilement leur droit au mariage avec des non-Européennes. Après avoir été les champions de la » tolérance » et du » multiculturalisme « , les Pays-Bas sont, en effet, devenus beaucoup plus stricts. Autre figure d’abus dénoncée au nord du pays : le shopping matrimonial. Des étrangers en séjour illégal épousent des Portugaises au Danemark ou en Suède, où n’existent pas de freins officiels à ce qui pourrait apparaître comme des mariages de complaisance. Puis ils reviennent s’établir en Belgique, nantis d’un titre de séjour. Les facilités de naturalisation – qui ont cependant été freinées au Parlement à la suite de la découverte, en 2001, de fraudes massives en faveur de ressortissants de pays de l’Est – accroissent la tentation de recourir au regroupement familial pour favoriser l’immigration de proches ou de moins proches.
La diversité des législations européennes ne favorise pas une réponse uniforme des pays membres à ces tentatives de détourner le droit légitime à une vie privée et familiale. La directive européenne du 22 septembre 2003 relative au regroupement familial est moins favorable aux étrangers que les actuelles dispositions belges, qui autorisent le regroupement des grands-parents, enfants, petits-enfants et conjoints, même après un premier mariage déjà réalisé dans ces conditions. Ces normes doivent-elles être revues à la baisse ou confortées, fût-ce au prix d’un renforcement des contrôles ? L’Union européenne accepte aussi que les Etats membres lient le regroupement familial à la question de l’intégration. Depuis le 1er avril, c’est chose faite en Flandre : les bénéficiaires de l’asile politique et du regroupement familial doivent suivre deux cent quarante heures de néerlandais, ainsi qu’un cursus d' » orientation sociale « , expliquant leurs droits et devoirs aux nouveaux venus. Le ministre flamand de l’Intégration, Marino Keulen (VLD), souhaite étendre ces obligations de » parcours d’intégration » (inburgering) aux bénéficiaires non européens d’un regroupement dont l’un des partenaires a déjà la nationalité belge.
Marie-Cécile Royen