Elio Di Rupo, la locomotive de la  » monsialisation « 

Ettore Rizza Journaliste au Vif/L'Express

Difficile de dire non au tout-puissant président du Parti socialiste. Mons a ainsi largement bénéficié de l’aura de son bourgmestre. Simple  » rattrapage « , plaide celui-ci.

Mons, ville bénie des dieux. Mons qui obtient toujours ce qu’elle veut. La rengaine est connue. Depuis plus de dix ans, une manne de subsides et d’investissements divers s’abat sans discontinuer sur la cité du Doudou, où trône Elio Di Rupo depuis octobre 2000. Un tour d’horizon des seuls grands projets suffit pour s’en convaincre ( lire encadré). Dans chaque cas, l’intervention financière de la ville se réduit au strict minimum. Merci l’Europe, l’Etat fédéral, la Région wallonne, la Communauté française et toute l’équipe chargée de confectionner les dossiers.

Merci surtout Elio Di Rupo. A la tête depuis treize ans du Parti socialiste, au pouvoir à tous les échelons et majoritaire dans la partie francophone du pays, homme clé du dénouement de la crise gouvernementale, le désormais Premier ministre concentre une puissance politique rarement égalée en Belgique. Il nomme les ministres, il peut les révoquer, il choisit les partenaires de coalitions. Qui oserait, sans trembler, placer un dossier montois au bas de la pile ?  » Quand les types de 130 kilos disent certaines choses, les types de 60 kilos les écoutent « , plaisantait le dialoguiste Michel Audiard. Quand le président du PS parle, tous ont l’oreille dressée.

Ailleurs en Wallonie, la sollicitude dont bénéficie Mons fait grincer les dents. En sourdine, pour ne fâcher personne. Rares sont ceux qui oseraient désapprouver ouvertement ce que certains ont baptisé, par ironie, la  » monsialisation « . Comme le ministre d’Etat Robert Urbain, ex-bourgmestre socialiste de la voisine Boussu.  » Je n’ai pas réagi jusqu’à présent, mais ce n’est pas l’envie qui me manque, glisse l’ancien homme fort de la sous-région. La structure appelée Pays de Mons, une initiative montoise pour fédérer les communes de Mons-Borinage, permet d’obtenir des subsides importants vu l’importance de la zone. Mais je constate que ces crédits sont très, très largement réservés à la ville… « 

Intra-muros, en revanche, on se félicite. Même les verts, pourtant hostiles à la  » politique de prestige  » que mène à leurs yeux la majorité PS-MR, doivent bien admettre les avantages de la situation. Tout en dénonçant ses fondements.  » Tant mieux pour Mons, mais ce n’est pas un bon principe de politique générale qu’il faille un homme puissant à la tête d’une ville pour qu’elle puisse bénéficier de son dû « , résume le chef de groupe Ecolo et ancien député fédéral Jean-Pierre Viseur.

Bénéficier de son dû : au conseil communal comme devant la presse, Elio Di Rupo a souvent brandi l’argument du  » rattrapage  » face aux détracteurs de cette  » monsialisation « . Sur ce point, les politiques du cru opinent et les autres font profil bas.

En 1978, sous le maïorat du socialiste Abel Dubois, les bourgmestres des quatre plus grandes villes wallonnes s’étaient en effet réparti leurs sphères d’influence respectives. A Charleroi le social, à Liège l’économie, à Namur le politique et à Mons la culture. Mauvaise pioche : compétence de la Communauté française, la culture allait pâtir du poids de Bruxelles. Tandis que subsides et investissements affluaient ailleurs, Mons ne récoltait que des miettes.  » Je m’en suis plaint pendant douze ans, se souvient Maurice Lafosse, le précédent maïeur montois. Quand je demandais quelque chose, on me prétextait un manque de crédits, une répartition plus équitable entre arrondissements… « 

Il a fallu attendre 2002 pour que Mons soit reconnue officiellement  » capitale culturelle de la Wallonie « , sous le gouvernement francophone PS-MR-Ecolo d’Hervé Hasquin. Cette reconnaissance constitue l’élément déclencheur d’une pluie de subsides culturels et touristiques. Et elle plante le premier jalon de la candidature  » Mons 2015 « , pierre angulaire de la politique de ville montoise.

L’auteur de ce document officiel ? Richard Miller, alors ministre des Arts, des Lettres et de l’Audiovisuel. Tête de liste MR aux élections de 2000, ce Carolo d’origine parachuté à Mons par Louis Michel allait devenir, en 2003, échevin des Finances dans une majorité ouverte au MR. Aujourd’hui sénateur de communauté, Miller se garde bien de tirer la couverture à lui.  » C’est évidemment avec l’accord du président du Parti socialiste que la chose a pu se faire « , reconnaît-il. S’il admet aussi que  » la puissance de Di Rupo est réelle « , l’ancien échevin retrouve ses accents de licencié en philosophie lorsqu’il s’agit d’évoquer le rôle exact du bourgmestre :  » Il existe des moments où se crée une convergence entre une région qui cherche les voies d’un redressement et sa rencontre avec un responsable politique de haut niveau, commente-t-il. Ce phénomène n’aurait pas pu se mettre en place avec un Di Rupo à Andenne.  » Bref : Elio Di Rupo aurait apporté d’autant plus à Mons que Mons était en position de recevoir.

Depuis les années 1950, la ville n’a pourtant pas manqué de bourgmestres d’envergure. Léo Collard, deux fois ministre et président du Parti socialiste belge. Abel Dubois, ministre de l’Education nationale et père de l’enseignement secondaire rénové. Aucun n’avait pourtant l’aura de l’actuel résident de l’hôtel de ville.  » On vivait dans la misère sous Dubois, se souvient Jacques Hamaide, 80 ans, plusieurs fois échevin de la Culture PSC (devenu le CDH). A la fin des années 1970, mon parti ne se souciait que de la nationale 4 et le PS que des grandes villes. On était délaissés. Le ministre de la Culture, Michel Hansenne (PSC), me disait d’aller me faire f… « 

Le même :  » Guy Spitaels m’a dit un jour : « Oh, Di Rupo n’arrivera jamais au dixième de ce que j’ai fait à Ath ! » Actuellement, il n’y a encore rien. Mais Di Rupo n’a pas fini. J’attends pour voir.  » Et Mons tout entier avec lui.

ETTORE RIZZA

Di Rupo aura apporté d’autant plus à Mons que Mons était en position de recevoir

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