Des vaisseaux bouchés qui troublent la vue
Votre vue se dégrade brusquement en l’espace de quelques jours ou semaines, mais vous ne ressentez aucune douleur ? Vous souffrez peut-être d’un infarctus ou d’une thrombose de la rétine ! Consultez sans tarder un ophtalmologue pour limiter les dégâts.
La rétine est la structure qui tapisse l’arrière de l’oeil et au centre de laquelle aboutit le nerf optique. Ce dernier se charge de transmettre au cerveau les images captées par la rétine, mais permet aussi le passage d’un certain nombre de vaisseaux sanguins, entrants ou sortants. L’artère centrale et ses nombreux » embranchements » approvisionnent ainsi toute la rétine en sang riche en oxygène, qui est ensuite évacué par les branches de la veine centrale après avoir délivré son oxygène aux tissus. » Comme n’importe quel autre vaisseau sanguin, ceux que l’on trouve dans la rétine sont susceptibles de se boucher, explique Koen Willekens, ophtalmologue à l’UZ Leuven. Lorsque c’est une artère qui se bouche, on parle d’un infarctus de la rétine ou plus simplement d’un infarctus de l’oeil. Si c’est une veine, il est question d’une thrombose de la rétine ou thrombose de l’oeil. »
De bien fâcheuses fuites
Ces obstructions touchent surtout les vaisseaux qui transportent le flux sortant. Dans ce cas de figure, le sang s’accumule, traverse la paroi vasculaire et se répand dans la rétine, de telle sorte que la vision se trouble. Le fluide qui s’écoule provoque en outre un gonflement de la rétine, avec à la clé une vision déformée. » Ce symptôme se remarque rapidement lorsque la zone touchée comprend la macula, la zone centrale de la rétine, indispensable à l’acuité visuelle et à la perception des détails. » L’impact est particulièrement marqué si c’est la veine centrale qui est bouchée.
Mais le plus souvent, le problème ne touche qu’une de ses ramifications ; la vue se dégrade alors progressivement au fil de quelques jours ou semaines. Sans traitement, le problème ne peut toutefois que s’aggraver. » Une voie d’évacuation bouchée complique l’apport de sang riche en oxygène, explique le Dr Willekens. Certaines parties de la rétine risquent alors de se nécroser ou d’attirer de nouveaux vaisseaux pour satisfaire leurs besoins en oxygène. Lorsque ceux-ci prolifèrent, l’atteinte peut se propager à d’autres régions de l’oeil. Si en outre la pression intraoculaire s’accroît, une douleur apparaît ; on parle alors de glaucome néovasculaire. »
Pour traiter ces complications le plus efficacement possible, il est important de consulter un médecin sans tarder. » Concrètement, de la cortisone ou des inhibiteurs de croissance vasculaire sont administrés mensuellement pour combattre les saignements et le gonflement de la rétine. Nous recherchons également à l’imagerie de contraste les zones fortement endommagées afin de les traiter au laser et d’éviter qu’elles n’attirent de nouveaux vaisseaux sanguins. »
Sans oxygène, pas de vie !
L’occlusion d’un vaisseau qui irrigue la rétine est beaucoup moins fréquente. Dans ce cas, la (partie de la) rétine privée d’approvisionnement cesse de fonctionner dans les 5 minutes : le patient ne voit brutalement plus rien dans cette zone. On croit souvent que, pour peu que l’intervention soit suffisamment rapide, le caillot peut être dissous à l’aide de médicaments intraveineux, comme en cas d’AVC ou de crise cardiaque. » S’agissant d’un infarctus de l’oeil, le traitement a malheureusement des effets très variables et comporte en outre un sérieux risque d’hémorragies ailleurs dans l’organisme, explique l’ophtalmologue. Cependant, nous abaissons systématiquement la pression intraoculaire à l’aide de médicaments et d’une piqûre dans l’oeil pour laisser s’échapper l’excès de liquide, en espérant que le caillot pourra encore migrer vers un embranchement plus petit. Nous limitons ainsi la zone de la rétine qui meurt après 6 à 12 heures par manque d’oxygène, de même évidemment que la zone aveugle associée. »
Un avenir robotisé ?
» Nous planchons actuellement sur une technique qui doit nous permettre d’administrer le traitement pour dissoudre le caillot, précise le Dr Willekens. Cette approche impose toutefois d’endormir le patient, ce qui demande des préparatifs et donc du temps… que nous n’avons pas ou guère en cas d’infarctus oculaire. C’est notamment pour cette raison que nous ne testons cette technique que chez les personnes victimes d’une thrombose de l’oeil. Nous utilisons alors une aiguille ultrafine pour injecter lentement le médicament dans le vaisseau bouché, tandis qu’un robot compense le tremblement de la main. »
Pouvoir dissoudre les caillots en routine constituerait un énorme progrès pour de très nombreux patients, car environ 5 personnes sur 1000 seront victimes un jour ou l’autre d’une thrombose de l’oeil. » Le problème touche principalement des sujets âgés de plus de 50 ans et dont les vaisseaux ont déjà subi les effets de l’hypertension, d’un taux de cholestérol trop élevé, du diabète, du surpoids ou du tabagisme. Le glaucome et une tendance accrue à la coagulation du sang sont également associés à une sensibilité plus marquée aux thromboses oculaires… et lorsqu’un oeil a été touché, la probabilité que l’autre le soit également est multipliée par 7 ! Pour mitiger ce risque, il faudra – comme après un infarctus oculaire – agir sur les facteurs de risque individuels. «
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