De notre correspondant
Les élections américaines de mi-mandat, en novembre dernier, ont donné la majorité au Parti démocrate, à la Chambre des représentants comme au Sénat, pour la première fois depuis douze ans. Symbole du renouveau, Nancy Pelosi, élue de San Francisco, était appelée à devenir, ce 4 janvier, la première femme présidente de la Chambre. Hillary Clinton, elle, pourrait être en 2008 la prochaine présidente des Etats-Unis. Quant au sénateur noir Barack Obama, on lui promet déjà un destin national. Qui sont ces nouveaux hommes et femmes d’influence ? Comment vont-ils faire évoluer l’Amérique ?
La question du président était aussi polie que banale : » Comment va votre fiston ? » A la mi-novembre, George W. Bush recevait, pour un dîner à la Maison-Blanche, quelques dizaines de nouveaux élus du Capitole. La rencontre intervenait peu après la défaite des républicains aux élections et le retour d’une majorité démocrate au Congrès. Aussi, pour détendre l’atmosphère, le chef de l’Etat demanda à Jim Webb, nouveau sénateur de Virginie, des nouvelles de son fils, soldat en Irak. La réponse fusa comme une gifle : » J’aimerais qu’il revienne au plus vite, Monsieur le Président. » » Ce n’est pas ma question. Je vous demande comment il va « , a rétorqué Bush, blême de rage, avant de subir l’ultime outrage : » Cela ne regarde que mon fils et moi. »
En six années de pouvoir hautain, dont trois ans de guerre, les institutions avaient pu sauver les apparences, et les inimitiés politiques, si profondes soient-elles, se parer de sourires professionnels. Certes, Nancy Pelosi, chef des démocrates à la Chambre des représentants, promue aujourd’hui présidente de cette assemblée, s’est permis de juger George W. Bush » incompétent et dangereux » ; Hillary Clinton, toisant le commandant des armées américaines en Irak, le général John Abizaid, du haut de la tribune d’une commission du Sénat, lui avait rappelé sèchement que » l’espoir n’est pas une stratégie « . Quant à Barack Obama, sénateur de l’Illinois et jeune idole du Parti démocrate, il avait ajouté qu’il ne contestait pas » toutes les guerres, seulement les guerres idiotes « . Mais jamais un membre du Congrès des Etats-Unis n’avait, à l’instar de Jim Webb au sortir de son altercation avec Bush, confié à la presse qu’il avait manqué » mettre [sa] main sur la figure » du président. L’image est en vogue, décidément. Au lendemain de la défaite de son parti lors des élections de novembre dernier, Bush ne parlait-il pas lui-même d’une raclée ?
Ce 4 janvier, à l’heure où le nouveau Congrès entre en fonction, les 31 petits sièges gagnés par l’opposition démocrate au sein de la chambre basse, et la mince majorité d’un élu qu’elle détient au Sénat, reflètent mal l’ampleur du bouleversement politique qui a saisi l’Amérique. L’enjeu ? Une claire et indéniable alternance a eu lieu. Une revanche de la société sur la tactique politicienne.
De son bureau capharnaüm de l’aile ouest de la Maison-Blanche, Karl Rove, conseiller politique de Bush et légendaire architecte de sa nette victoire de 2004, croyait avoir donné toute la mesure de sa » stratégie des 72 heures » : la mobilisation forcenée, dans les trois jours précédant le vote, de l’électorat républicain par un bombardement de spots télé diffamatoires à l’égard de l’opposition, un mitraillage d’appels téléphoniques et l’agitation d’épouvantails sur les conséquences d’une victoire démocrate. En vain. Les mères de famille, cible privilégiée de la campagne sécuritaire des républicains, n’ont finalement pas cru qu’une voix pour les démocrates était un vote pour Ben Laden et ont voté à près de 60 % pour l’opposition. Les Hispaniques, longtemps séduits par Bush lorsqu’il était gouverneur du Texas, et tentés par sa politique de réforme de l’enseignement public, clef de la promotion de l’immigrant, ont lâché les républicains en masse en voyant un parti aux abois plonger dans la xénophobie. Quant aux Noirs, dont les Eglises devaient être sensibles au péril du mariage gay agité par Karl Rove, ils ont snobé la droite dans des proportions historiques, votant à plus de 91 % pour les démocrates.
Le 7 novembre, par-delà le demi-millier de scrutins, l’Amérique a offert aux démocrates une avance de 6 %, le double de celle de Bush en 2004. Ce séisme redessine un paysage politique conçu, avant Bush, par Nixon et Ronald Reagan, deux présidents acharnés à remplacer le vieux clivage gauche-droite de la classique lutte des classes par une nouvelle ligne de partage » morale « . Depuis le ralliement à droite, dans les années 1970, des protestants du Sud et des ouvriers catholiques du Midwest, le Parti républicain avait renforcé son monopole sur les valeurs chrétiennes, martiales et patriotiques, cantonnant la gauche dans le camp de la tolérance intellectuelle, de la déliquescence des m£urs et du pacifisme des sixties…
Ces clichés ont fait long feu. Ce même 7 novembre, un référendum dans le Dakota du Sud a rejeté massivement un projet d’abolition de l’avortement dans l’Etat. Fussent-ils conservateurs, les électeurs locaux ont su garder le sens de la mesure. Le thème de la déliquescence morale ne fait plus recette. A regarder la carte des résultats électoraux, le mouvement républicain semble se réduire à un parti régional, plus dépendant que jamais de sa » base » conservatrice et religieuse dans les zones rurales ou les gros bourgs du sud.
Le c£ur de l’Amérique aurait-il penché à gauche ? Pour la première fois, en tout cas, les électeurs, dans les enquêtes d’opinion, associent le vote démocrate à celui du bon sens et de la capacité à gouverner. » On peut le comprendre, reconnaît Zach Wamp, représentant républicain du Tennessee. Il y a eu la réponse désastreuse à l’ouragan Katrina et, bien sûr, les revers de l’Irak. Pour ma part, je suis persuadé que les Américains restent attachés au « moins d’Etat ». Mais ce scrutin marque une colère devant la carence du gouvernement. »
Bush a tardé avant de reconnaître, sinon ses torts, du moins l’implacable réalité du désastre irakien, principal grief de l’électorat. A deux reprises, depuis 2003, le président a refusé la démission du secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld (voir l’entretien page 46), premier responsable du chaos de l’occupation de l’Irak et fusible idéal face à la colère populaire. Maintes fois, l’année dernière, il a nié la rébellion du commandement militaire et d’une grande partie des élus républicains contre le patron du Pentagone. » S’il l’avait congédié à temps, nous aurions conservé le Sénat et perdu 10 sièges de moins à la Chambre « , prétend Newt Gingrich, instigateur du triomphe historique des conservateurs au Congrès en 1994. Les partisans de la poursuite de l’occupation sont aujourd’hui considérés par leurs pairs comme les principaux responsables du désastre électoral. A l’instar du sénateur fédéral de l’Arizona, John McCain, candidat à la présidentielle de 2008, dernier défenseur de l’envoi de renforts en Irak. Le désarroi républicain est d’autant plus grand que Bush, au moment où il confirmait » Rummy » dans ses fonctions, à la fin du mois d’octobre, auditionnait son successeur potentiel, en toute discrétion, dans son ranch du Texas.
Bush attendait le verdict des urnes pour prendre la mesure de ses obligations. Car le nom de la nouvelle recrue du Pentagone évoque un profond changement de culture. Robert Gates, ancien membre éminent du Conseil de sécurité nationale de Bush père, puis grand patron de la CIA jusqu’en 1993, est, à l’opposé de l’impérieux Rumsfeld, un homme de consensus et d’analyse. Un symbole du » réalisme » encore en vogue en 1991, lorsque, au terme de » Tempête du désert « , alors que la route de Bagdad était ouverte, le gouvernement américain de l’époque avait préféré interrompre l’offensive plutôt que d’émietter sa coalition internationale et d’assumer seul la périlleuse occupation de l’Irak.
Gates n’est pas le seul revenant de l’entourage paternel : James Baker, secrétaire d’Etat dans la même administration jusqu’en 1992, reprend du service sous les feux de la rampe, en codirigeant le fameux groupe d’études sur l’Irak dont les recommandations, publiées le 6 décembre, ont contraint le président à répondre enfin de sa stratégie irakienne.
Par sa seule réapparition, Baker, homme de confiance du clan Bush, achève le règne des néoconservateurs à Washington. Ces idéologues de l’expansion des valeurs américaines, pour la plupart issus de familles juives traumatisées par la lâcheté des démocraties devant Hitler, avaient soutenu Reagan dans son refus du statu quo de la guerre froide, et sa campagne de déstabilisation de la tyrannie soviétique. Reconvertis en penseurs de l’après-11 septembre voués au renversement de Saddam Hussein et à la démocratisation du Moyen-Orient, ils avaient cru trouver refuge dans l’entourage de faucons comme le vice-président, Dick Cheney, et Donald Rumsfeld, avant de déchanter rapidement devant les mauvaises nouvelles d’Irak.
L’éviction de ces idéologues, commencée en 2004 avec le départ de Paul Wolfowitz, n° 2 du Pentagone, et achevée en décembre 2006 par le licenciement sec de Stephen Cambone, patron du renseignement au secrétariat à la Défense, laisse le champ libre aux réalistes. Cette mouvance regroupe quelques stars, comme Henry Kissinger, père de la fameuse realpolitik, Brent Scowcroft, ancien conseiller à la sécurité nationale de Bush père, qui avait écrit, sans doute avec l’accord de ce dernier, une lettre ouverte à l’actuelle Maison-Blanche lui enjoignant de ne pas envahir l’Irak. Elle recèle aussi nombre de nouveaux et influents théoriciens universitaires. Daryl Press, professeur d’administration publique au prestigieux Dartmouth College, a ainsi publié un mémorandum à l’usage du Congrès et de l’état-major, démontrant que les Etats-Unis serviraient mieux leurs intérêts en » tenant leurs forces armées à l’écart des régions hostiles » – dans le golfe Persique, en particulier – et en se contentant d’intervenir ponctuellement pour défendre leurs approvisionnements pétroliers. » La présence de troupes américaines, notamment en Irak, ne fait qu’attiser l’antiaméricanisme « , confirme-t-il aujourd’hui.
Nous sommes loin des envolées optimistes des néoconservateurs, qui voyaient en Bagdad libérée le foyer d’une contagion démocratique dans tout le Moyen-Orient. Ni pacifistes ni isolationnistes, les réalistes américains placent le maintien de l’ordre planétaire et les grands équilibres régionaux avant la propagation des valeurs. Mais leur point de vue s’exprime avec passion. Le 26 septembre 2002, alors que le pays entier, galvanisé par la courte guerre d’Afghanistan, écoutait la Maison-Blanche appeler à une attaque préventive de l’Irak, une dizaine d’universitaires s’étaient cotisés pour acheter, au prix de 38 000 dollars, une page de publicité dans le New York Times clamant que » cette guerre n’est pas dans l’intérêt national « . Parmi eux, des pontes de l’université de Chicago et de Harvard, tels John J. Mearsheimer et Stephen Walt, persuadés que l’écrasement du pouvoir sunnite en Irak laisserait libre cours à l’expansion iranienne jusqu’au Liban. On comptait aussi parmi les signataires Kenneth Waltz, sommité de la philosophie politique de l’université Columbia, connu depuis 1959 pour son essai magistral L’Homme, l’Etat et la guerre, consacré à la souveraineté des Etats et aux risques d’anarchie dans le système des relations internationales.
A 82 ans, Waltz, à la retraite dans le Maine, ne mâche toujours pas ses mots : » Le gouvernement Bush est le pire que j’aie jamais vu, confiait-il en septembre à l’austère magazine National Journal. Il ne semble pas comprendre que notre abus de pouvoir nous attire forcément des représailles. Quant à l’Irak, je ne vois qu’une solution : partir, en retirant progressivement nos troupes. Où est le problème ? »
Un point de vue en vogue. Qu’ils soient » réalistes » ou simplement dotés de bon sens, James Baker et son collègue démocrate Lee Hamilton, coprésidents du Groupe d’études sur l’Irak (Iraq Study Group), ne font que réitérer, dans un rapport de 160 pages contenant 79 propositions, des idées débattues depuis trois ans par les principaux laboratoires de réflexion diplomatique de Washington : le retrait militaire américain, couplé à la montée en puissance des forces irakiennes, et une nouvelle offensive diplomatique pour la résolution du conflit israélo-palestinien, c£ur du brasier du Moyen-Orient ; l’ouverture de négociations avec les voisins de l’Irak, y compris la Syrie et l’Iran, pourtant inscrits dans l' » axe du mal « …
Trimbalés aujourd’hui à Washington comme des dignitaires en visite officielle, dans un cortège de limousines à gyrophares, les membres du Groupe d’études sur l’Irak représentent une violente revanche du Congrès sur le pouvoir exécutif. Accablé par un taux d’approbation pitoyable de moins de 30 %, Bush feint d’accepter ce retour de balancier institutionnel. Mais, en repoussant à la mi-janvier l’annonce de ses » nouvelles directives pour l’Irak « , il rappelle qu’il est toujours le patron de la politique étrangère.
» Il faisait déjà peu de cas du Capitole lorsque ce dernier était aux mains des républicains, ironise Charles Kupchan, membre du Council on Foreign Relations, prestigieux centre d’analyse indépendant. Je ne vois pas pourquoi il prêterait davantage attention à une chambre dominée par les démocrates. Dans l’adversité, la Maison-Blanche pourrait même défendre ses prérogatives avec plus d’âpreté. »
Son refus obstiné de négocier avec l’Iran et la Syrie, son idée, provocatrice, de renforcer la présence militaire américaine en Irak, au moment où toutes les télévisions ne parlent que du retrait des troupes, prouvent que George Bush reste George Bush. A ses yeux, les électeurs ont moins désavoué le fond de sa politique que montré leur inquiétude et leur incompréhension devant sa stratégie. Il lui appartient donc, par un changement de ton, et d’entourage, de mieux enrober l’amère mais nécessaire pilule irakienne.
Au terme de son ultime mandat, le président travaille à sauver sa postérité. Les nouveaux maîtres du Congrès s’affairent, eux, à installer l’un des leurs à la Maison-Blanche en 2008 et à se forger une crédibilité. Ils ont reçu leur mandat des mains d’un électorat divisé quant à la politique à suivre à Bagdad. Un tiers des votants exigent le départ immédiat des troupes américaines. Les autres ne savent pas. Les électeurs démocrates soutiendront-ils toujours leur parti, si ses représentants au Congrès s’enfoncent dans des règlements de comptes en multipliant les commissions d’enquête sur l’entrée en guerre contre l’Irak ou la gestion de la sécurité nationale ?
Pour le camp démocrate, alors, la présidentielle a commencé dans les minutes suivant le scrutin du 7 novembre, et, parmi la moisson de candidats où se bousculent Hillary Clinton, Barack Obama, John Edwards, colistier de John Kerry en 2004, et peut-être Al Gore, rares sont ceux qui prendront le risque de ternir leur image de centriste rassembleur. Nancy Pelosi, la première femme jamais nommée patronne de la majorité démocrate à la Chambre des représentants, l’a appris à ses dépens. En voulant remercier les jeunes électeurs antiguerre, mobilisés en masse, le 7 novembre, Pelosi a nommé comme n° 2 de la majorité le député John Murtha, ancien faucon devenu un critique acerbe de la stratégie de Bush. Les élus de la majorité ont désavoué ce candidat, au motif de soupons d’irrégularités datant des années 1970, pour lui préférer un homme d’appareil. De même, l’homme retenu par Nancy Pelosi pour prendre la tête de la commission du renseignement, au premier plan de la lutte antiterroriste, a été récusé, après qu’il eut fait preuve pendant une interview d’une ignorance crasse sur l’idéologie d’Al-Qaeda.
Si les Américains ne badinent toujours pas avec la sécurité nationale, ils semblent prêts à donner leur chance aux démocrates sur bien d’autres sujets. Sur les dossiers économiques, l’ancienne majorité républicaine a fini par exposer l’inanité de son bilan, marqué avant tout par une politique du laisser-faire. En six ans, malgré un taux de chômage faible – moins de 5 % – et une croissance respectable, l’inquiétude de la middle class a atteint des sommets, nourrie par la désindustrialisation dans l’automobile, le spectacle d’une mondialisation à marche forcée, et surtout par l’augmentation des inégalités. Car les baisses d’impôt ont surtout profité aux plus hauts revenus, tandis que le pouvoir d’achat de l’Américain moyen connaissait une stagnation désespérante. D’où une crainte larvée, exploitée par les populistes.
A la veille des dernières élections, l’ancienne majorité a cru bon d’enfourcher le cheval de bataille de l’immigration clandestine, exigeant le vote des crédits de construction d’un mur de 1 000 kilomètres à la frontière mexicaine et rejetant le projet de George Bush d’un meilleur accès des étrangers à la citoyenneté. Les démocrates, eux, se concentrent sur les revenus. Non sans démagogie, Nancy Pelosi a promis de verser, dans les premières cent heures de fonction du nouveau Congrès, un » premier acompte sur le rêve américain » en faisant voter par la Chambre une augmentation importante du salaire minimum, une diminution de moitié des taux d’intérêt des prêts pour étudiants et un système permettant, par des négociations directes de l’Etat avec les groupes pharmaceutiques, de baisser les prix des médicaments pour les personnes âgées couvertes par les assurances médicales publiques.
Le capitalisme démocrate en vogue à la fin de la présidence de Bill Clinton ne semble plus avoir le vent en poupe. Alors que, dans les années 1990, la simple augmentation du salaire minimum était considérée comme une proposition trop extrémiste et dirigiste pour être inscrite dans les programmes électoraux démocrates, les électeurs veulent aujourd’hui se sentir gouvernés. Ce message, reçu par un nouveau Capitole tout entier voué à l’élection d’un démocrate à la Maison-Blanche en 2008, commence déjà à compliquer les campagnes.
Hillary Clinton, réélue sénatrice de l’Etat de New York avec 67 % des voix, et prête, avec un trésor de campagne de 15 millions de dollars, à annoncer formellement sa candidature, reste la favorite du parti. Mais elle doit modifier sa stratégie. L’épouse de Bill a passé des années à se démarquer subtilement de son charismatique mari et à faire oublier son impopularité des années 1990. A l’époque, elle avait acquis une image de technocrate hautaine en dirigeant dans le secret absolu, et sans autre légitimité que celle de son époux, une imposante mission de réforme du système de santé américain. Honnie par la droite, accusée par les démocrates d’avoir contribué au raz de marée conservateur sur le Congrès en 1994, Hillary s’est appliquée à jouer au centre, votant au Sénat pour la guerre en Irak, marquant au nom des valeurs une tiédeur convenue envers l’avortement.
Mais l’Amérique a d’autres soucis. Et la candidate devra bientôt renouer avec son passé dirigiste, faire valoir son expertise sur les questions d’assurance santé, dans un pays où 46 millions de citoyens privés de couverture médicale n’ont d’autre recours que les salles d’urgence des hôpitaux. Faute d’ambitieux programme social, elle pourrait se faire déborder sur sa gauche, aux primaires de 2008, par le sémillant John Edwards, fort apprécié pour son refrain populiste sur les » deux Amériques » des nantis et des laissés-pour-compte. Mais surtout par Barack Obama, nouvelle coqueluche du Parti démocrate, élu sénateur de l’Illinois en 2004, à l’âge de 43 ans, et déjà dépeint sous les traits d’un nouveau Kennedy. Un Kennedy… noir, devenu le visage de la nation réunifiée de l’après-Bush. Entré dans la légende, lors de la Convention démocrate de 2004, grâce à un retentissant discours niant la prééminence républicaine sur les valeurs morales, Obama avait alors été déclaré présidentiable… pour l’élection de 2012. La véritable frénésie du public le pousse à accélérer sa carrière politique et à envisager une candidature. Son inexpérience constitue, étrangement, son principal atout. Poussé par la next generation des moins de 25 ans, qui n’a connu d’autre régime que celui de George Bush, ce visage original incarne la relève, mais il ne constitue pas encore une véritable identité politique.
Le nouveau départ des démocrates ne les conduira à la présidence que s’il offre à l’Amérique une solution de rechange rassurante avant 2008. Il leur reste à ne pas gâcher leurs chances : ces jours-ci marquent, pour eux, le début d’une période redoutable – les deux années de tous les dangers.
P. C.
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