CULTURE BELGE ? CAPITALE PARIS !

Aux quatre coins de Paris, dans ses plus prestigieux lieux d’exposition, triomphent quelques vedettes de l’art belge. Elles sont en majorité bédéistes, Hergé et Franquin en tête, et par ailleurs François Schuiten aux Arts et Métiers, tandis qu’au Centre Beaubourg, l’invité d’honneur se nomme Magritte. Ce rassemblement dans la Ville Lumière est une sorte de couronnement. C’est que Paris demeure la caisse de résonance artistique la plus retentissante du monde.

Les artistes qu’elle célèbre ces jours-ci, et pour quelques mois encore, sont plus précisément des Bruxellois. Ils ont vécu dans des banlieues qui riment avec Molenbeek. Cette fois, c’est Etterbeek (commune de naissance de Hergé) et Schaerbeek (dernière résidence de Magritte et actuelle adresse de Schuiten) qui sont à l’honneur.

On pourrait s’attendre à ce que les principales instances culturelles belges soient à la commande. Elles n’y sont pas pour grand-chose. Hergé, Franquin et Magritte n’ont jamais eu besoin de ces organismes. Lequel, d’ailleurs, aurait pu prendre sa part dans ces gigantesques opérations de rayonnement et de promotion ? La Région bruxelloise ? Elle dispose de moyens trop dérisoires pour démontrer son utilité en la matière. S’est-elle au demeurant sérieusement intéressée à la bande dessinée, principal support artistique à avoir servi à la renommée de notre pays, de notre communauté, de nos régions francophones ? Bruxelles et Charleroi ont engendré des groupements d’artistes qui se sont fait une renommée mondiale sans coûter un centime à aucun contribuable.

Quant à la Belgique, on en a soigneusement réduit l’intervention dans la culture au strict incontournable, le fameux bicommunautaire, portion congrue que l’on cherche, surtout en Flandre, à réduire tant que faire se peut, à moins d’y assurer une suprématie du nord du pays.

Si ces expos sont menées à bien, c’est grâce aux généreuses dotations dont les musées français disposent, et au dynamisme des intérêts privés qui bénéficieront amplement des retombées économiques qu’engendreront les manifestations en question, qui ont pour principaux opérateurs les ayants droit hyperefficaces qui ont pour nom Herscovici du côté de Magritte et Rodwell du côté Hergé.

La Belgique donne malgré elle une brillante démonstration du bien-fondé de l’investissement privé dans la culture. Elle regorge pourtant de structures bureaucratiques qui s’y consacrent, mais à condition d’exceller dans l’art du serrement de ceinture. Constatons cependant une grande différence entre le nord et le sud. La Flandre vient de faire, à la foire du livre de Francfort, la démonstration de son efficacité promotionnelle dans la défense de sa littérature. Côté francophone, où se dessinait une participation dans le sillage de la France, invitée d’honneur à la même manifestation l’année prochaine, on semble avoir renoncé à cette initiative qui s’imposait pourtant.

Sans pour autant bouder son plaisir de voir des créateurs belges de première force sous les feux des projecteurs parisiens – et en se félicitant de l’organisation par Anne Lenoir et Michel Baudson, au Centre Wallonie-Bruxelles, face à Beaubourg, du réjouissant ensemble Images et mots depuis Magritte – , il serait peut-être temps d’entreprendre une réflexion globale sur ce que nos pouvoirs publics devraient concevoir et entreprendre, aux niveaux fédéral, interrégional et intercommunautaire pour éviter que le bouillonnement culturel belge ne se répercute hors de nos frontières que pour autant que des intérêts privés y trouvent leur content.

Jacques De Decker

La Belgique donne malgré elle une brillante démonstration du bien-fondé de l’investissement privé dans la culture.

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