Hanne Desmet a raflé l’or et le bronze aux Championnats d’Europe, le 13 janvier dernier. © getty images

Cours de patinage short-track avec la championne Hanne Desmet : « La sensation de flotter sur la glace, c’est le summum »

Le Vif

Sur les pistes de short-track, Hanne Desmet est une référence mondiale. Alors que les Mondiaux commencent le 15 mars, la Belge détaille les spécificités de son sport.

Dans un cas comme dans l’autre, le principe de base est identique. Il s’agit simplement de glisser le plus rapidement possible sur la glace. Pourtant, le patinage de vitesse se pratique dans deux disciplines olympiques bien distinctes. L’une, la plus classique, se déroule sur une longue piste de 400 mètres où les patineurs, répartis dans des couloirs différents, doivent parcourir des distances allant de 500 à 10 000 mètres. La seule exception est la mass-start, spécialité du champion olympique belge Bart Swings, qui voit seize patineurs se partager la glace jusqu’à la ligne d’arrivée.

L’autre discipline est le short-track. Comme son nom l’indique, elle se déroule sur une patinoire courte, de 111,12 mètres, où quatre à six patineurs s’affrontent sur trois distances différentes: le 500 mètres, le 1 000 mètres et le 1 500 mètres. Là aussi, la Belgique compte des athlètes de référence grâce à la fratrie Desmet, Stijn et Hanne. Cette dernière a été sacrée championne d’Europe à deux reprises tout en ramenant une médaille des Jeux olympiques de 2022.

Au jeu des différences, les plus évidentes se trouvent sans doute sous les patins. Hanne Desmet les énumère: «Nos fers, contrairement à ceux du patinage de vitesse, ne se décrochent pas sous le talon de la chaussure. Nos lames sont aussi légèrement plus longues pour créer plus d’adhérence dans les virages. Les miennes, par exemple, ont une longueur de 17 pouces (43 centimètres) alors que celles de mon frère Stijn, qui est beaucoup plus grand et plus lourd, mesurent 19 pouces (48 centimètres). Les fers sont également plus courbés. La différence n’est que de quelques millimètres mais elle est immédiatement perceptible sur la glace. Pour maintenir cette courbe de façon optimale, il faut souvent affûter les lames. Tous les jours à l’entraînement, et après chaque course lors d’un championnat.»

La sensation de prendre un virage à pleine vitesse et de flotter sur la glace, c’est le summum.

«Une autre différence avec le patinage de vitesse sur piste longue réside dans les chaussures, poursuit Hanne Desmet. Elles sont plus hautes sur le fer, encore plus solides – presque aussi dures que le béton – et montent jusqu’au-dessus de nos chevilles. Nos pieds doivent être encore plus fermes, car nous adoptons une position très en oblique dans les virages. Seuls quatre cordonniers au monde peuvent confectionner ces chaussures, à partir d’un moule du pied. Je possède les miennes depuis cinq ans, mais c’est exceptionnel. Une telle paire coûte environ deux mille euros, mais heureusement, la durée de vie de la plupart des chaussures s’élève à deux à trois saisons.»

Contrairement aux patineurs de vitesse, les short-trackers portent également deux combinaisons superposées, qui sont «anticoupures» de la tête aux pieds. «Le risque de coupure par les lames en cas de chute est très élevé, commente la Belge. Bien que très résistantes, les combinaisons sont très souples et nous pouvons nous déplacer librement. Evidemment, nos gants supportent également le contact avec des fers tranchants. Le plus étonnant, ce sont les capuchons colorés en carbone ou en plastique que nous collons nous-mêmes au bout de nos doigts. Grâce à eux, nous glissons mieux sur la glace avec nos mains pendant les virages. Sans eux, nous aurions beaucoup plus de mal.»

47 kilomètres par heure

Les patineurs de vitesse sur piste courte portent également un casque, contrairement aux patineurs de vitesse sur piste longue, sauf lors de la mass-start. «Chaque équipe nationale a un fournisseur différent, mais en soi, les casques varient peu. Ce n’est pas comme dans le contre-la-montre en cyclisme, où, dans un souci d’aérodynamisme, on en voit de toutes les formes et toutes les tailles. Chez nous, la sécurité est primordiale dans ce domaine. Sous ce casque, j’avais l’habitude de laisser flotter ma queue de cheval, mais aujourd’hui, surtout pour les finales, je coiffe mes cheveux en chignon. C’est ce qu’il y a de plus rapide pour contrer la résistance à l’air, même si la différence ne se calcule pas en secondes, mais plutôt en quelques centièmes. Le short-track reste une course, les décisions dans le feu de l’action sont beaucoup plus importantes que l’aérodynamisme», insiste Hanne Desmet.

Ces décisions dépendent, entre autres, de l’ordre de départ, de l’intérieur de la piste vers l’extérieur. Dans les tours préliminaires des courses de la Coupe du monde et des championnats, cet ordre est déterminé par le classement mondial. Après cette première course, il est basé sur le temps réalisé, jusqu’à la finale incluse. «Dans le 500 mètres en particulier, le départ est crucial. Celui qui part en première ou en deuxième position à l’intérieur, au plus près des blocs, sera presque certainement en mesure d’aborder le virage suivant dans cette position. Après ce premier virage, vous avez à peine quatre tours et demi pour remonter. Prendre la tête tout de suite est donc un avantage. Aux 1 000 et 1 500 mètres, le départ est moins important. Sur la distance la plus longue, la course démarre souvent lentement, ce qui permet de prendre la direction des opérations sans problème. La vitesse y est également un peu moins élevée: 45 kilomètres à l’heure dans des tours de huit à neuf secondes. Sur les 500 mètres, c’est environ une demi-seconde de moins, soit 47 kilomètres à l’heure.»

«Tactiquement, en particulier sur les deux distances les plus longues, il existe plusieurs possibilités, confie la patineuse. Vous pouvez suivre votre propre rythme, et choisir de commencer à l’arrière et remonter à la fin. On peut aussi partir devant, mais de préférence en deuxième ou troisième position, car il est difficile de patiner en tête. Il faut souvent improviser, en fonction des manœuvres de l’adversaire. L’astuce consiste à choisir le bon moment pour commencer à dépasser. Dans les courses où il y a beaucoup de bataille à l’avant, je reste souvent à l’écart afin d’économiser mon énergie pour le final. Si la course est lente, je passe devant plus tôt. Il faut aussi savoir évaluer les forces et les faiblesses de ses adversaires. Si quelqu’un prend la tête, je sais généralement s’il peut la garder. Si ce n’est pas le cas, je continue à suivre jusqu’à ce qu’il décroche.»

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L’une des plus grandes qualités de Hanne Desmet est qu’elle peut patiner longtemps en tête. «Mais je dois alors m’assurer que mes trajectoires dans les virages sont nettes et précises. Pas trop larges, sinon quelqu’un peut se faufiler à l’intérieur. J’ai également beaucoup progressé dans les dépassements cette saison. Au Canada (NDLR: le nouveau camp de base de l’équipe belge de short-track depuis l’année dernière), nous nous sommes beaucoup entraînés: dépasser à l’intérieur ou à l’extérieur, à partir de toutes les positions possibles, tôt ou tard dans la course. Auparavant, je n’étais pas très douée pour les dépassements par l’intérieur, car je ne pouvais pas prendre des virages assez serrés, mais après tout cet entraînement, je peux maintenant choisir. Je suis donc devenue plus imprévisible et j’aime même faire ces dépassements à des moments inattendus. Dépasser, c’est souvent bluffer. Oser s’engouffrer dans de petits trous en espérant que les autres s’en éloigneront.»

Plonger dans les trous

Outre l’équipement, il existe une autre grande différence avec le patinage de vitesse sur piste longue: «Eux, ils glissent continuellement sur la glace dans la même position, avec les mêmes pas et au même rythme, alors que nous changeons constamment de vitesse, compare Hanne Desmet. Dans les lignes droites, nous redressons souvent le dos, mais dans les courbes, nous “jetons” le haut du corps horizontalement vers le sol et nous nous positionnons de manière particulièrement oblique. La chaussure gauche – nous patinons dans le sens inverse des aiguilles d’une montre – n’est qu’à quelques millimètres au-dessus de la glace. Il faut éviter de heurter la glace, car le risque de chute est alors élevé. Heureusement, j’ai des pieds très étroits et donc un peu plus d’espace. Il n’en reste pas moins qu’il s’agit, au sens figuré, de se tenir en équilibre sur une corde fine. Il faut donc jouer avec son centre de gravité. Il faut également maintenir l’équilibre entre les mouvements des pieds et le torse, qui doit rester stable et bas. C’est en combinant et en synchronisant tout cela que j’ai beaucoup progressé cette saison.»

En réalité, c’est la partie de son sport qu’Hanne préfère. «La sensation de prendre un virage à pleine vitesse sans trop d’efforts, de garder le contrôle et de flotter sur la glace, pour ainsi dire, c’est le summum. Cela reste une quête permanente de la perfection. Par exemple, j’avais tendance à placer ma jambe gauche un peu trop en avant, juste devant mon centre de gravité, ce qui faisait que je pouvais mettre moins de puissance sur ce pied et que je perdais beaucoup de vitesse. Parfois, il ne s’agit que d’un demi-centimètre, mais c’est ce qui est fascinant. D’autant plus que la glace est différente à chaque fois. Je n’aime pas patiner sur de la mauvaise glace, mais c’est à mon avantage car c’est plus dur et je suis physiquement très forte.»

«Deux groupes musculaires principaux sont utilisés pour cet aspect physique, détaille Hanne Desmet. Les muscles du tronc, qui doivent maintenir le haut du corps stable, et surtout les muscles des fesses et des cuisses, qui peuvent être complètement usés à force de se pencher dans les virages. Terminer une course n’est pas trop difficile en soi, mais dans un championnat avec plusieurs courses et en cumulant les trois distances, il devient de plus en plus compliqué d’accélérer de manière explosive. Mais ce sont surtout les séances d’entraînement qui sont les plus ardues physiquement. Pour ma part, je fais plusieurs séries sans beaucoup de repos entre deux pour améliorer ma tolérance au lactate. L’acide lactique me sort alors par les oreilles. Heureusement, j’ai beaucoup d’endurance et je peux supporter beaucoup d’entraînements. Des efforts de deux ou trois minutes à un rythme cardiaque élevé me conviennent le mieux, et c’est ce dont on a le plus besoin en short-track. Au Canada, je m’entraîne même régulièrement avec les hommes. Je ne suis pas à la hauteur de leur vitesse de pointe mais sur le plan de l’endurance, je n’ai pas beaucoup de concurrence.»

Le corps de la Belge – 1 mètre 60 pour 54 kilos – est donc fait pour adopter la position compacte et courbée des virages, passer rapidement de la position debout à la position couchée et plonger dans des trous de souris en quête d’un dépassement. «Chez les hommes aussi, certains athlètes de haut niveau ne sont pas beaucoup plus grands que moi, comme les Sud-Coréens. La force par kilo est donc très importante en short-track. Plus on se fait petit, moins il y a de résistance à l’air. Mais il y a aussi des exceptions: Suzanne Schulting (NDLR: une championne néerlandaise) mesure 1 mètre 70, mon frère Stijn 1 mètre 76. Toutefois, il est déconseillé d’être encore plus grand, car c’est un désavantage qu’on ne peut pas compenser…»

Hanne Desmet

Née le 26 octobre 1996, à Wilrijk.

Habite à Malines.

A commencé le short-track à l’âge de 12 ans.

En couple avec l’ancien patineur de vitesse sur longue piste américain Joey Mantia.

Son frère cadet, Stijn, est le meilleur short-tracker masculin de Belgique.

Palmarès

Médaille de bronze aux Jeux olympiques d’hiver de 2022 (1 000 mètres).

Médaille d’argent à la Coupe du monde en 2021 (1 000 mètres).

Médaille d’or aux Championnats d’Europe de 2023 et 2024 (1 000 mètres).

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