C’est quoi, la déflation ?

Face aux incertitudes économiques, et malgré la baisse des taux décidée par la BCE, l’hypothèse de la déflation repointe le bout du nez. Explications

La toute récente baisse d’un demi-point du taux directeur de la Banque centrale européenne, désormais à 2 %, est une bonne chose. Elle devrait stimuler une reprise qui se fait décidément fort attendre. Elle ne va cependant pas tout résoudre d’un coup de baguette magique, comme l’a souligné Wim Duisenberg, président de la BCE. En fait, la question qui préoccupe les marchés depuis plusieurs mois déjà est de savoir si, devant la mollesse de la conjoncture, on ne risque pas de glisser vers la déflation. L’hypothèse ne fait cependant pas l’unanimité.

Une définition, pour commencer : la déflation ne doit pas être confondue avec la désinflation : celle-ci désigne un ralentissement de la hausse des prix, ou, si l’on préfère, une diminution progressive du taux d’inflation. Il ne s’agit donc pas d’une baisse des prix. La déflation, en revanche, consiste en une baisse persistante et importante du niveau général des prix. Elle peut s’avérer un piège redoutable pour les économies prises dans ses filets ainsi qu’en témoigne la dépression que traverse le Japon depuis dix ans.

Le mécanisme théorique de la déflation est bien compris. Celle-ci intervient généralement en période de contraction de l’activité économique. Confrontées à une surproduction et/ou à un endettement excessif, les entreprises cassent leurs prix pour écouler leurs produits. Dans le même temps, elles procèdent généralement à des restructurations difficiles, avec pertes d’emplois et baisse de salaires. De leur côté, les ménages, eux aussi endettés, procèdent également à des liquidations d’actifs, notamment d’actions. Un tel climat n’encourage évidemment pas la consommation, qui baisse de plus en plus… Le déséquilibre entre l’offre abondante des entreprises et la demande restreinte des ménages va donc croissant. Ce qui augmente encore la chute des prix à la consommation, mais, aussi, des biens immobiliers. Le repli, inévitable, de l’activité économique entraîne un recul des revenus des particuliers et des résultats des entreprises, ce qui accroît encore le marasme de l’économie, et renforce la chute des prix. Une spirale infernale !

Alors que l’économie américaine semble échapper pour le moment à la déflation, les nuages s’accumulent au-dessus de l’Europe. Le facteur à pointer du doigt n’est pas ici le passif des agents économiques, mais l’absence de croissance économique, dont l’anémique consommation des ménages n’est pas le moindre des facteurs explicatifs. A cela s’ajoute la très forte hausse de l’euro face au dollar et aux devises asiatiques, qui facilite l’exportation de biens à bas prix (déflation importée) vers l’Europe.

L’Allemagne, qui vient d’entrer en récession (deux trimestres consécutifs de baisse du PIB), est aux portes de la déflation alimentée par un impressionnant recul de la consommation des particuliers…

Pour éviter la déflation et relancer la demande, les solutions sont connues. La première consiste en une baisse des taux, ce que la BCE semble avoir enfin compris. Mais il ne faut pas se leurrer : les taux sont déjà très bas (au plus bas depuis 1945 !) et cette mesure a donc surtout un impact psychologique. Plus fondamentale, toujours selon les experts, est la nécessité de procéder à des réformes structurelles pour redonner du souffle à l’économie européenne. Ce qui revient, notamment, à rendre le marché du travail plus flexible… Mais cela, c’est une autre histoire. l Pierre Samain (Budget Hebdo)

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