Gérald Papy
C’est la hess de Gérald Papy: le Rassemblement national de Marine Le Pen profitera de la bataille de chiffonniers autour de la réforme des retraites
Le parcours législatif du projet de réforme des retraites du gouvernement français n’en est qu’à ses prémices. Son examen par le Sénat s’engagera après des échanges inauguraux entre députés. Le mouvement social qui appelle à son abandon tant qu’y figure le recul à 64 ans de l’âge de départ à la pension n’est pas près de s’éteindre. Il connaîtra une deuxième phase et un probable durcissement le 7 mars avec un appel à la grève nationale. Pourtant, la bataille à laquelle le débat à l’Assemblée nationale a donné lieu produit déjà son lot de dégâts et sa litanie de perdants. Le retour du débat parlementaire au centre de la vie politique française, permis ou contraint par l’absence de majorité du premier gouvernement du deuxième quinquennat d’Emmanuel Macron, n’a en l’occurrence pas été à la hauteur de l’enjeu d’une réforme importante.
C’est le Rassemblement national de Marine Le Pen qui sortira le plus honorablement de cette bataille de chiffonniers.
En cause, la stratégie du gouvernement d’Elisabeth Borne qui, craignant de ne pas rallier suffisamment de députés Les Républicains à sa réforme, a agité la menace du recours à l’article 49.3 de la Constitution permettant de faire adopter un projet de loi sans vote, et qui, redoutant que le processus soit paralysé par la flibusterie de l’opposition, a usé de l’article 47.1 qui l’autorise à réduire la durée des débats.
En cause, aussi et surtout, l’attitude des parlementaires de La France insoumise qui ont déversé un torrent d’amendements au projet de loi. Il en est résulté qu’à la fin du premier examen par l’Assemblée nationale, seuls les votes sur deux articles ont pu être organisés. Or, les syndicats avaient explicitement demandé à l’opposition de retirer ses amendements pour permettre un vote sur le fameux article 7 du texte qui instaure la nouvelle mesure d’âge. Il s’agissait de mettre les députés devant leurs responsabilités au plus fort, peut-être, de la pression populaire. Le Parti socialiste, Europe Ecologie Les Verts et le Parti communiste se sont ralliés à cette requête, pas La France insoumise (LFI) de Jean-Luc Mélenchon qui s’est enferrée dans sa tactique jusqu’au- boutiste. Cette radicalité s’est aussi manifestée par le terme d’«assassin» adressé au ministre du Travail Olivier Dussopt, la voix gouvernementale de la réforme, par un de ses députés, et par la photo d’un autre, le pied sur un ballon de football à l’effigie du même membre de l’exécutif.
La stratégie de LFI questionne sur sa pertinence. Les organisations syndicales, qui ont été soucieuses de donner l’image d’une lutte digne lors des cinq mobilisations déjà organisées dans la rue, l’accusent de vouloir s’approprier le mouvement. Les autres formations de gauche, qui lui sont associées au sein de la Nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes), promettent, au terme du débat sur la réforme, une remise à plat de leur partenariat.
En regard de ces tensions à gauche, des errances de la majorité macroniste et des divisions chez Les Républicains, où le président Eric Ciotti a démis de ses fonctions de numéro 2 du parti le représentant de la «droite sociale» Aurélien Pradié pour ses critiques trop appuyées contre la réforme, il ne faut pas être grand clerc pour conclure que c’est le Rassemblement national de Marine Le Pen, premier opposant au projet au Parlement tout en se gardant de provoquer les syndicats en défilant à côté d’eux, qui sortira le plus honorablement de cette bataille de chiffonniers.
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